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TVA : une nouvelle obligation d’ordre comptable concernant les logiciels de comptabilité, de gestion et les systèmes de caisse. Par Locif Choulak, Etudiant en droit.
Parution : lundi 1er mai 2017
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La Loi de finances pour 2016 du 29 décembre 2015 en son article 88 prévoit la modification de l’article 286 du Code général des impôts relatif aux obligations déclaratives et comptables des assujettis à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).

En effet, à compter du 1er janvier 2018, le nouvel article 286 du Code général des impôts (CGI), en son 3° bis, prévoit l’obligation pour toute personne assujettie à la TVA qui enregistre les règlements de ses clients au moyen d’un logiciel de comptabilité ou de gestion, ou bien d’un système de caisse, d’utiliser un logiciel satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue des éventuels contrôles de l’administration fiscale. Les entreprises doivent donc se préparer à l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition qui soumet à plusieurs critères l’utilisation de logiciels et systèmes de caisse, et prévoit la mise en place d’un contrôle de l’administration.

Quelles sont les personnes ciblées par cet article ?

Cette nouvelle mesure concerne tous les assujettis à la TVA qui enregistrent les règlements de leurs clients dans un logiciel de comptabilité, de gestion ou un système de caisse. Les personnes physiques ou morales qui enregistrent eux-mêmes les règlements de leurs clients sur un logiciel ou une plateforme en ligne sont aussi concernées par le 3° bis de l’article 286 du Code général des impôts (CGI).

De plus, les logiciels « libres », c’est-à-dire ceux sur lesquels l’utilisateur détient un droit de modification sur le code source, sont intégrés dans le champ d’application de cette nouvelle disposition.

Quelles sont les nouvelles conditions que les logiciels de comptabilité ou de gestion et les systèmes de caisse doivent satisfaire ?

L’objectif de l’article 88 de la loi de finances pour 2016 est d’imposer de nouvelles conditions afférentes aux logiciels de comptabilité ou de gestion et de systèmes de caisse lors de l’enregistrement de paiements afin de renforcer la fiabilité des données vis-à-vis des clients, et de faciliter les contrôles de l’administration.

Ces conditions sont au nombre de quatre à savoir : l’inaltérabilité du logiciel, la sécurisation des données, la conservation de ces dernières, et enfin, leur archivage.

Tout d’abord, chaque logiciel de comptabilité ou système de caisse doit prévoir une clôture à l’issue d’une période d’un an au minimum mais peut tout aussi bien s’aligner sur la clôture de l’exercice de l’entreprise. De plus, afin d’assurer la transparence de la comptabilité des entreprises et de permettre la vérification des comptes par l’administration, le premier alinéa de l’article L.102 B du Livre des procédures fiscales (LPF) impose la conservation des données de règlement pendant 6 ans à compter de leur enregistrement dans le logiciel.

Par ailleurs, le système de caisse ou le logiciel de comptabilité doit disposer d’une procédure d’archivage permettant de classer les données enregistrées. Si le texte laisse une certaine liberté aux utilisateurs du logiciel dans le choix de la périodicité d’archivage, cette dernière ne peut toutefois pas excéder un an. Enfin, dans un souci de clarté vis-à-vis de l’administration, l’archivage doit être lisible et traçable afin de faciliter les éventuels contrôles.

S’agissant de la condition d’inaltérabilité, il va de soi que le texte, afin de prévenir tout abus, encadre strictement toute altération des données. En effet, si des corrections sont apportées sur le logiciel ou système de caisse, elles devront alors être consignées et apparentes afin que l’administration, lors d’un éventuel contrôle, puisse retracer chronologiquement les modifications survenues. Dès lors, un listing détaillé des données d’origine et des corrections apportées doit être mis à la disposition de l’administration à sa demande. De même, le logiciel ou système de caisse doit satisfaire la condition de sécurisation des données, c’est-à-dire permettre une restitution des données de règlement dans leur état d’enregistrement d’origine.

Comment justifier le respect de ces conditions ?

Chaque utilisateur d’un logiciel de comptabilité ou d’un système de paiement devra à compter du 1er janvier 2018 obtenir un certificat délivré par un organisme accrédité attestant la satisfaction des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données. Les conditions d’obtention de ce certificat sont détaillées à l’article L.433-4 du Code de la consommation.

Toutefois, il existe une alternative à l’obtention de ce document. Il est en effet possible d’obtenir une attestation individuelle de l’éditeur du logiciel de comptabilité ou du système de caisse qui devra être conforme à un modèle fixé par l’administration.

En outre, ce n’est pas à l’utilisateur du logiciel, mais à son éditeur qu’il incombe la tâche de se procurer ledit certificat ou ladite attestation. L’éditeur du logiciel devra alors rentrer en contact avec un organisme certificateur dans le premier cas, ou produire lui-même une attestation individuelle dans le second.

Enfin, il est important de noter que dans le cas d’utilisation par une entreprise de plusieurs logiciels, cette dernière devra se doter d’autant d’attestations qu’elle dispose de logiciels. En effet, chaque certificat délivré par un organisme certificateur vise spécifiquement un unique logiciel ; une seule attestation ne suffit donc pas à couvrir plusieurs logiciels.

Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de cette obligation ?

Le défaut d’attestation d’un logiciel lors d’un contrôle de l’administration est passible d’une amende de 7500€ par logiciel. Quant aux dispositions pénales, elles sont bien plus sévères puisque la communication d’une fausse attestation à l’administration est passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amendes.

En conclusion, si aux premiers abords, l’article 286 du Code général des impôts (CGI) semble avoir pour origine la protection des clients et consommateurs lors des paiements, les obligations imposées aux utilisateurs de logiciels comptables ainsi que la création d’un nouveau contrôle de l’administration laissent à penser que cet article est tout autant en faveur des clients que de l’administration fiscale. En effet, cette disposition élargit davantage le panel de compétences de cette dernière ainsi que ses prérogatives fiscales. Ce nouvel article 286 du CGI est donc un exemple du renforcement de la politique de compliance des sociétés à l’égard de l’administration fiscale dans un contexte national où la transparence économique prend de plus en plus d’ampleur.

Sources :
- LOI n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016
- http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/10691-PGP.html?identifiant=BOI-TVA-DECLA-30-10-30-20160803

Locif Choulak Master 2 Fiscalité Internationale Université Panthéon-Assas / HEC Paris