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Les dérogations apportées par les Cahiers des Clauses Administratives Particulières aux documents contractuels généraux. Par Thibaut Vallet, Juriste.
Parution : mercredi 3 mai 2017
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Cour Administrative d’Appel de Nancy, 9 juin 2016, société MARWO, n°15NC01477 :
« (…) si l’article 13 du Code des marchés publics, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du marché prévoit que " Si le pouvoir adjudicateur décide de faire référence aux documents généraux, les documents particuliers comportent, le cas échéant, l’indication des articles des documents généraux auxquels ils dérogent ", cette obligation n’est toutefois pas prescrite à peine de nullité de la dérogation. (CE 31 juillet 1996 n° 124065). »

Il est usuel, à la lecture de nombreux marchés publics de travaux, de constater en fin de Cahier des Clauses Administratives Particulières (ci-après CCAP) l’énumération des articles apportant des dérogations au Cahier des Clauses Administratives Générales (ci-après CCAG) auquel il renvoie.

Une telle pratique s’est développée sous l’égide du CCAG Travaux de 1976, dont l’article 3.12 réputait non écrites les dérogations n’ayant pas été « clairement définies et, en outre, récapitulées comme telles dans le dernier article du C.C.A.P ». Les juridictions administratives avaient pu en déduire qu’à défaut d’énumération desdites dérogations en fin de CCAP, celles-ci étaient inopposables au titulaire du marché (CAA Marseille, 10 juin 2014, Société COMETRA, n°10MA00860 ; CAA Lyon, 18 juillet 2007 n°01LY00846 ; Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 28 mai 2001, SARL MARTINET, n°97BX00327).

Un récent arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy vient toutefois rappeler qu’une telle solution pourrait concerner les seuls marchés renvoyant au CCAG Travaux dans sa version de 1976 (CAA Nancy, 9 juin 2016, société MARWO, n°15NC01477 ; dans le même sens : CAA Nancy, 5 juillet 2010, société SOGREAH CONSULTANTS, n°09NC00896).

En effet, dans l’affaire portée devant la Cour, le requérant faisait valoir que, bien que le CCAP apportait une dérogation au principe contractuel de l’unicité du décompte général, principe énoncé par les CCAG Travaux Types, cette dérogation ne pouvait lui être opposée dans la mesure où elle n’avait pas été énoncée au dernier article du CCAP.

La Cour sanctionne ce raisonnement en renvoyant à un arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1996 rendu sous l’égide des dispositions de l’ancien article 112 du Code des marchés publics, devenus l’article 15 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Ces dispositions imposent, tout comme l’article 3.12 du CCAG Travaux 1976, l’obligation d’énumérer en fin de CCAP les dérogations apportées aux documents généraux, sans toutefois assortir cette obligation d’une sanction quelconque. La Conseil d’État avait déduit de cette absence de sanction expresse le principe selon lequel l’obligation de récapituler au sein du CCAP les dérogations apportées aux documents généraux n’était « pas prescrite à peine de nullité de la dérogation ».

Bien qu’en l’occurrence, il n’est pas précisé si le marché examiné par la cour administrative d’appel de Nancy renvoyait à un CCAG Travaux type, des enseignements peuvent être tirés de l’arrêt référencé, concernant les marchés renvoyant au CCAG Travaux dans sa version de 2009.

En effet, si l’article 1er dudit CCAG impose bien d’énumérer en fin de CCAP les dérogations qui lui sont apportées, aucune sanction n’est prévue en cas de méconnaissance de cette obligation.

Il peut en être déduit que, dès lors que le marché renvoie au CCAG Travaux 2009, les clauses dérogatoires insérées par les pouvoirs adjudicateurs dans leurs CCAP n’ont pas à être impérativement rappelées au dernier article dudit document, dans la mesure où ni cette version du CCAG Travaux, ni l’article 15 du décret du 25 mars 2016 ne prescrivent cette obligation à peine de nullité de la dérogation.

Thibaut VALLET Juriste Société SADE CGTH
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