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La territorialité de la postulation devant les chambres sociales des cours d’appel : portée de l’avis de la Cour de cassation du 5 mai 2017. Par Jacques Bellichach, Avocat.
Parution : mercredi 10 mai 2017
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Par son avis du 5 mai 2017, la Cour de cassation se prononce sur la question de la territorialité de la postulation devant les chambres sociales des cours d’appel à la suite du décret du 20 mai 2016.

Les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire.

Tel est l’avis rendu par la Cour de cassation le 5 mai 2017 (Avis n° 17007 du 5 mai 2017).

Cette décision contribuera à dissiper, au moins pour un temps, l’incertitude liée à la question de la territorialité de la postulation devant les chambres sociales des cours d’appel statuant en matière prud’homale (v. par exemple, Jacques Bellichach, Multipostulation et représentation des parties devant les chambres sociales de la cour d’appel à la suite du décret du 20 mai 2016, Recueil Dalloz 2016, p.1508).

Les doutes, sur ce sujet, étaient nés avant même l’entrée en vigueur du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 instaurant une représentation obligatoire pour l’appel des décisions du conseil de prud’hommes, à telle enseigne qu’une circulaire du ministère de la Justice, en date du 27 juillet 2017, avait pris soin de rappeler que « la représentation devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale serait ouverte à partir du premier août prochain à tout avocat, sans postulation [territoriale] » (Bulletin officiel du ministère de la Justice, n°2016-11 du 30 novembre 2016, n°JUSC1632342C, p.3).

En l’absence de modification des articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971, la valeur normative de cette circulaire faisait débat dès lors qu’elle n’était pas de nature à déroger aux règles de la postulation territoriale issues de cette loi.

Le Conseil d’État, saisi de la légalité du décret précité, avait eu l’occasion d’indiquer que « les articles 28, 29 et 30 de ce texte ont pour objet, à compter du 1er août 2016, de rendre obligatoire en appel la représentation des parties par tout avocat ou par un défenseur syndical ; qu’elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’étendre, à compter de cette date, les règles de postulation prévues par l’article 5 de la loi du 31 décembre 1971… » (C.E. 21 octobre 2016, 6ème chambre, n°401741).

Pour la Cour de cassation, la dérogation aux articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 doit s’expliquer d’une part, par la procédure spécifique de représentation obligatoire propre à la matière prud’homale, permettant aux parties d’être représentées non seulement par un avocat mais aussi par un défenseur syndical, et d’autre part, par un objectif d’intérêt général, de simplifier et de rendre moins onéreux l’accès au service public de la justice.

L’orientation choisie, consistant à étendre le champ territorial de la postulation, autorise donc un avocat en matière prud’homale, à assurer la représentation d’une partie devant une cour d’appel, même si cet avocat n’est pas inscrit près d’un barreau relevant de cette juridiction.

Pratiquement, la solution pourrait poser des difficultés, car la communication électronique est, en principe, obligatoire devant la cour d’appel pour l’avocat assurant la représentation d’une partie, conformément à l’article 930-1 du Code de procédure civile.

Or, le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ne permet pas, à ce jour, un échange électronique effectif avec les juridictions ne relevant pas du ressort naturel de l’avocat communicant.

Ainsi, cet obstacle technique conduira les avocats intervenant hors de leur cour d’appel naturelle à établir sur support papier les actes à diffuser et à notifier (v. article 930-1 du Code de procédure civile). Ils pourront aussi, en attendant l’adaptation de la plateforme R.P.V.A. à ce nouvel élargissement, saisir un correspondant local qui fera office de « postulant », et garantira la dématérialisation de la procédure d’appel.

Jacques BELLICHACH Avocat au barreau de Paris Ancien avoué à la cour www.bellichach.fr