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Caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par la cour et indivisibilité du litige. Par Romain Laffly, Avocat.
Parution : jeudi 15 juin 2017
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Si les parties ne sont plus recevables à saisir le conseiller de la mise en état après son dessaisissement, la cour d’appel peut relever d’office la caducité de l’appel et cette caducité doit être déclarée à l’égard de l’ensemble des parties en cas d’indivisibilité du litige.

Civ. 2e, 11 mai 2017, FS-P+B+I, n° 16-14.868

La cour d’appel d’Amiens est amenée à statuer sur appel d’un jugement du tribunal d’instance ayant condamné solidairement des cautions à payer diverses sommes dues par le locataire au bailleur. Dans le cadre du délibéré, la cour relève d’office le moyen tiré tant de la caducité de la déclaration d’appel que de l’irrecevabilité des conclusions et, après avoir ordonné la réouverture des débats, déclare irrecevables les conclusions et caduque la déclaration d’appel. La cour observe en effet que, s’ils avaient signifié la déclaration d’appel à l’intimé non constitué, en l’espèce la locataire, les cautions appelantes ne lui avaient toutefois pas fait signifier leurs conclusions dans le délai de l’article 911 du Code de procédure civile.

Se fondant sur l’article 914 du Code de procédure civile qui dispose que le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables, le demandeur au pourvoi argue qu’en soulevant d’office l’irrecevabilité des conclusions et en prononçant la caducité de son appel, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Dans un second moyen, il soutient qu’à supposer la cour d’appel compétente pour relever d’office un tel moyen, dès lors qu’il n’existait pas d’indivisibilité entre l’action de la caution contre le propriétaire et celle contre le débiteur principal, la cour d’appel ne pouvait estimer qu’en « demandant à titre principal l’annulation en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties du jugement rendu le 18 octobre 2012 par le tribunal d’instance de Senlis, les appelants ont conféré au litige un caractère indivisible » et qu’au regard de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, une telle sanction apparaît disproportionnée et viole l’effectivité du droit à faire juger sa cause en appel.

Sur le premier moyen, la deuxième chambre civile répond que, si les parties ne sont effectivement plus recevables à saisir le conseiller de la mise en état, exclusivement compétent pour prononcer de telles sanctions, une fois intervenu son dessaisissement, « cette restriction ne fait pas obstacle à ce que la cour d’appel relève d’office la caducité ».

Quant au second moyen, la Cour de cassation estime que, dans la mesure où les appelants sollicitaient « l’annulation du jugement du 18 octobre 2012 en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties, c’est à bon droit et sans méconnaître les exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la cour d’appel, qui a exactement retenu que le litige était indivisible entre toutes les parties, a prononcé la caducité de la déclaration d’appel ».

Ainsi, la Cour de cassation reconnaît explicitement que la cour d’appel peut relever ce moyen d’office, à condition bien sûr d’ordonner la réouverture des débats, ce qui était le cas en l’espèce. Le nouveau décret du 6 mai 2017, applicable à partir du 1er septembre prochain, complète l’article 914 du code de procédure civile en ce sens : « la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ». Il n’y aura dès lors plus d’interrogation possible sur cette possibilité, qui n’est pour autant pas une obligation, ce qui exclut donc, si l’on pouvait encore avoir un doute, le caractère d’ordre public du moyen.

Quant à la question de l’indivisibilité du litige, on sait depuis longtemps que, lorsque le litige est indivisible, l’irrecevabilité de l’appel est encourue si l’appelant a omis d’intimer une partie sur sa déclaration d’appel et que ce n’est que s’il n’existe pas d’indivisibilité du litige que l’irrecevabilité ne peut être prononcée qu’à l’égard du seul intimé concerné par le défaut de signification (Cass., avis, 2 avr. 2012). En l’espèce, le demandeur au pourvoi tentait a minima de sauver son appel dirigé à l’encontre de l’intimé à l’égard duquel l’ensemble des diligences procédurales avaient été respectées, prétextant, comme souvent, que la sanction était disproportionnée. Mais, en raison de l’indivisibilité du litige constatée du fait d’une demande d’annulation de toutes les dispositions du jugement et à l’égard de toutes les parties, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir sanctionné les appelants qui n’avaient pas signifié leurs conclusions à l’intimé défaillant ainsi que l’exigeait l’article 911 du Code de procédure civile. Il ne pouvait y avoir de caducité partielle et la caducité était donc encourue à l’encontre de l’ensemble des intimés. Il reste possible de s’interroger sur la réalité du caractère indivisible de l’affaire car la Cour de cassation semble tirer la qualification de l’indivisibilité de la demande des parties plutôt que de la matière elle-même, mais il est vrai que l’indivisibilité recouvre les obligations dont l’exécution partielle est impossible en raison soit de la nature de l’objet de l’obligation, soit de la volonté des parties.

Article initialement publié sur Dalloz Actualité

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon