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Louis Vuitton labellise "Made in Italy" mais fabriquerait en Roumanie : que dit le droit ? Par Louise El Yafi.
Parution : jeudi 22 juin 2017
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L’image de Louis Vuitton est désormais pour le moins ternie. En effet, les chaussures du maroquinier de luxe, vendues entre 550€ et 2.000€ et surtout labellisées « Made in Italy » seraient possiblement fabriquées en Roumanie.

C’est à la télévision en 2014 dans un documentaire français que des travailleurs roumains révèlent, sous couvert d’anonymat, que les chaussures seraient, pour leur quasi-totalité, fabriquées en Transylvanie avant d’être envoyées en Italie où la seule semelle serait ajoutée au tout. La chose avait, à l’époque, été niée par Bernard Arnault.

Le secret a été révélé au grand public suite à des fuites de photographies des usines en question qui confirmeraient que des milliers de chaussures Louis Vuitton sans semelle les quittent chaque semaine. 1.500 paires en seraient sorties en 2004 et la production aurait augmenté de pas moins de 70% depuis 2007 ce qui équivaut à 100.000 paires de chaussures de plus chaque année. En 2009, une autre usine aurait ouvert ses portes près d’Avrig, aussi en Transylvanie, où seraient fabriqués, entre autres, sacs et valises du célèbre maroquinier.

Mais que dit la loi ?

En vérité, pas grand-chose de précis. Il n’existe pas de véritable définition légale du « Made in » et il n’est d’ailleurs plus obligatoire, dans l’Union européenne, de mentionner l’origine nationale des produits. Et ce, que ces produits soient fabriqués dans l’UE ou importés d’un pays tiers, les seuls produits faisant exception à la règle sont agricoles et alimentaires. C’est au nom de la libre circulation des biens et des services que cette absence d’obligation a été décidée par la Commission européenne

Le marquage d’origine est donc facultatif, volontaire et effectué sous la seule responsabilité du fabricant ou de l’importateur qui ne peut cependant pas faire ce qu’il veut puisque des textes protègent en effet le consommateur en sanctionnant ceux qui apposeraient des indications trompeuses.
En effet, deux types de contrôle existent :
- Un premier effectué par la direction générale des Douanes pour les produits à l’importation.
- Un second qui peut être effectué par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les produits mis sur le marché intérieur.

Cependant, si toutes ces démarches ne posent aucun problème quand le produit est fabriqué dans un seul pays, ce cas de figure reste extrêmement rare, les processus de fabrication étant, la plupart du temps, mondialisés.

En vertu de l’article 60 du DAC (Code des Douanes de l’Union Européenne), une marchandise « est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à ce effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. »

Comme il n’est pas toujours facile de déterminer si ces critères ont été satisfaits, des règles ont été établies au cas par cas pour différents produits dont les chaussures. Ainsi, l’assemblage de la totalité d’une chaussure avec une semelle constitue bien une transformation.

Le juge européen n’ayant cependant pas clarifié si le fait de rajouter une semelle à une chaussure constitue ou non une transformation « substantielle », Louis Vuitton, si l’affaire est avérée, peut a priori continuer à estampiller ses produits « Made in Italy » en toute tranquillité.

Louise El Yafi Fondatrice de LUXURYANDLAW.COM, référence en Droit du Luxe et de la Mode www.luxuryandlaw.com
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