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Le dirigeant de fait et l’action ut singuli. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : lundi 26 juin 2017
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Si le statut de dirigeant de fait n’entraine pas de droits effectifs, il n’en demeure pas moins que sa responsabilité peut être recherchée.

En droit des sociétés, le dirigeant de fait est définit comme la personne (physique ou morale) qui sans en avoir le pouvoir, exerce l’ensemble des attributions qui sont par nature dévolues au dirigeant de droit.

Le dirigeant de fait peut être un collaborateur, un ami, un actionnaire ou toute autre personne. Au regard de cette multitudes de cas possibles, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue, par un arrêt en date du 23 janvier 1990, préciser que cette qualité ne peut être présumée et doit être prouvée par le demandeur lorsque ce dernier demande la reconnaissance du dirigeant de fait par devant les tribunaux.

Si le statut de dirigeant de fait n’entraine pas de droits effectifs, il n’en demeure pas moins que sa responsabilité peut être recherchée.

C’est ce que la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue rappelée le 29 mars 2017, en précisant que si l’action ut singuli (autrement appelée « action sociale ») permettant à un associé d’agir en responsabilité pour le compte de la société, n’est possible que pour les cas où le dirigeant de droit est mis en cause, et non le dirigeant de fait (exclu du champs d’application) ; il est néanmoins possible de faire désigner en justice un mandataire ad hoc qui pourra agir en responsabilité contre le dirigeant de fait ayant commis des fautes de gestion.

Cette décision s’inscrit dans la constance de la chambre commerciale en la matière. La cour, qui en tant que juge du droit, fait une lecture littérale des textes, et en déduit que si le Code de commerce ne parle jamais du dirigeant de fait, c’est que ce dernier est exclu du champ d’application de la responsabilité.

Toutefois, consciente que cette interprétation était de nature à créer un vide juridique patent et un risque de multiplication des dirigeants de faits, elle est venu créer un « système bis » permettant d’engager la responsabilité de ce dernier via l’action d’un mandataire ad hoc dont la nomination aura été demandé en justice en amont.

En effet, déjà le 13 juillet 2016, la chambre commerciale avait refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de savoir si les articles L. 225-252 et L. 227-8 du Code de commerce (interdisant à un associé d’intenter une action sociale contre le dirigeant de fait) portaient atteinte au principe de responsabilité et de réparation. La cour avait motivé son refus avec le même argument que dans l’arrêt commenté, à savoir que s’il est vrai que les termes des articles cités supra ne permettent pas d’engager la responsabilité du dirigeant de fait, il demeure possible d’engager sa responsabilité via la nomination d’un administrateur ad hoc.

Dès lors nous pouvons nous interroger si la recherche de responsabilité du dirigeant de fait est de nature à exonérer le dirigeant de droit de sa responsabilité ?

En pratique, la réponse est non. La responsabilité du dirigeant de fait n’exonère en rien celle du dirigeant de droit.

Les juges iront dès lors rechercher la responsabilité du dirigeant de droit, considérant que ce dernier s’est sciemment délesté de ses pouvoirs, faisant de sa fonction une coquille vide. Les peines prononcées seront dans la majorité des cas identiques à celles prononcées contre le dirigeant de fait, sauf à démontrer que le dirigeant de droit pensait de bonne foi que le dirigeant de fait avait l’ensemble des pouvoirs requis à l’exercice de ses fonctions.

Alexandre Peron Legal Counsel