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Ordonnances Macron : En marche. Par Gilles Courtois, Juriste.
Parution : mercredi 5 juillet 2017
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Lors des élections présidentielles, Emmanuel Macron avait fait de la réforme du droit social l’un de ses axes forts de son programme. Perçu comme trop rigide par certains, voire déconnecté des réalités des entrepreneurs, la réforme du Code du travail fait depuis longtemps débat. Les ordonnances « Macron » s’inscrivent dans une logique de simplification du Code du travail.

I : Vers une instance unique de représentation du personnel

Face au constat d’une « représentation morcelée des salariés en quatre instances différentes dans l’entreprise » et dans un souci d’offrir aux représentants du personnel, une vision complète et plus efficace dans le dialogue social, le projet de loi d’habilitation offrirait au gouvernement la possibilité de fusionner les instances représentatives du personnel en un seul bloc.

La question de fusionner également les délégués syndicaux est posée aussi.

Outre cette fusion des institutions représentatives du personnel, le gouvernement aurait également la possibilité, par ordonnance de :
- Accentuer la formation des représentants du personnel,
- Créer un dispositif de chèque syndical,
- Accentuer la lutte contre les discriminations syndicales,
- Accentuer la reconnaissance de l’exercice de responsabilités syndicales et des compétences acquises dans ce cadre et en tenir compte dans le déroulement de carrière,
- Favoriser le droit d’expression des salariés notamment par l’outil numérique,
- Définir les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur.

II : Vers une reforme du droit des licenciements économiques

Le projet de loi d’habitation présenté le 28 juin 2017 en conseil des Ministres fait de la reforme des licenciements économiques, l’un de ses enjeux majeurs.

Ainsi le gouvernement serait habilité à définir le périmètre d’appréciation de la cause économique à l’origine du licenciement.

Néanmoins et dans un souci d’éviter les dérives qui ont pu être constatées dans le passé, le gouvernement serait habilité à prendre des mesures visant à prévenir ou tirer les conséquences d’une création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des destructions d’emploi.

En l’état actuel, il n’est pas précisé à quel niveau la cause s’apprécierait.

Outre ce premier volet, le gouvernement serait habilité à reformer par ordonnance :
- Définir les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait son obligation de reclassement,
- Modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l’employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail,
- Prendre des mesures en vue de favoriser et sécuriser les plans de départ volontaires.

III : Vers une sécurisation des contentieux

Anticiper le coût d’une rupture du contrat de travail fait partie des objectifs phares de la réforme du droit du travail. Perçu, par certains, comme un frein à l’embauche, le coût, perçu comme excessif, d’une rupture du contrat de travail fait débat entre les organisations syndicales.

Dans cette optique, le gouvernement remet sur le devant de la scène, le référentiel obligatoire de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour rappel, le Conseil constitutionnel avait censuré ce dispositif en 2015.

Dorénavant, ce référentiel n’aurait pas vocation à s’appliquer dans les cas de licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une particulière gravité. Selon toute vraisemblance, il y a lieu de penser que les fautes en question recouvrent les cas de discrimination ou de faits de harcèlement.

En outre, le gouvernement serait habilité à modifier les planchers et plafonds des dommages-intérêts définis par le Code du travail pour punir les autres irrégularités liées à la rupture du contrat.

Autre aspect de la réforme, la réduction du formalisme en matière de licenciement.

Ainsi, le projet de loi offrirait au gouvernement la possibilité de :
- Réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail,
- Mettre fin à la jurisprudence selon laquelle le défaut de motivation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Adapter les règles de procédure et motivation applicables aux décisions de licenciement.

IV : Vers une clarification en matière d’inaptitude

Le projet prévoit d’offrir au gouvernement la possibilité de clarifier les obligations en matière de reclassement. En outre serait clarifié les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude qui depuis la loi travail relève de la compétence du Conseil de Prud’hommes.

V : Vers une réforme de l’emploi

Soucieux d’adapter le code du travail aux évolutions des modalités d’exercice du travail, le projet prévoit des mesures en vue de :
- Développer le recours au télétravail : l’idée serait de favoriser ses conditions d’accès notamment pour tenir compte des attentes des salariés ;
- Sécuriser le travail de nuit et le prêt de main d’œuvre  : en pratique, il s’agirait de diminuer les plages horaires du travail de nuit dans le but de tenir compte des salariés dont la période de travail se termine tôt ou commence tard. En outre, serait accentué le recours au prêt de main d’œuvre dans le cas bien précis de l’échange de compétences entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise ;
- Permettre aux branches de fixer, en matière de CDD et de travail temporaire, les motifs de recours, la durée et le renouvellement de ces derniers.

VI : Vers une réforme de la négociation collective

Le projet de loi d’habilitation fait de l’entreprise « le lieu ou la création de la norme sociale permet de répondre de manière pertinente aux besoins spécifiques des salariés et des entreprises ».

En pratique, une clarification serait apportée en ce qui concerne l’articulation entre les accords d’entreprise d’une part, les accords de branche d’autre part et les contrats de travail.

La réforme prendrait la forme de trois grands blocs :

- Le 1er bloc se composerait des domaines dans lesquels les accords de branche priment sur les accords d’entreprise. Les domaines visés seraient les suivants : minima conventionnels, les classifications, la mutualisation des financements paritaires, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la gestion et la qualité de l’emploi
- Le 2ème bloc se composerait des domaines dans lesquels la branche a la faculté de décider de faire primer son accord sur ceux d’entreprise. Les domaines visés sont la prévention des risques professionnels et la pénibilité, le handicap, les conditions et les moyens d’exercice d’un mandat syndical
- Le 3ème bloc se composerait des domaines non précédemment listés. Ici la primauté serait donnée à l’accord d’entreprise.

Outre ce 1er projet, la reforme est partie du postulat que «  l’articulation actuelle entre le contrat de travail et l’accord d’entreprise est complexe et insécurisée pour les salariés et les employeurs ».

En conséquence, il est prévu d’harmoniser et de simplifier les conditions de recours et le contenu :
- Des accords de réduction du temps de travail,
- Des accords de mobilité interne,
- Des accords de préservation et de développement de l’emploi,
- Des accords de maintien de l’emploi,
- Des accords d’aménagement du temps de travail.

En parallèle, la reforme entend aller plus loin puisqu’elle prévoit que :
- Le gouvernement serait autorisé à aménager les délais de contestation d’un accord collectif et à permettre au juge de moduler les effets dans le temps de ses décisions dans le cadre d’un litige relatif à un accord ;
- L’accord collectif pourrait déterminer la périodicité et le contenu des consultations et négociations obligatoires ;
- Le calendrier et les modalités de généralisation du principe de l’accord majoritaire pourraient être modifiés ;
- Faciliter les modalités de conclusions d’un accord collectif par les représentants élus du personnel en l’absence de délégués syndicaux.

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le calendrier social est particulièrement chargé, les semaines à venir nous permettrons d’y voir plus clair sur le contenu exact de la réforme.

Gilles Courtois Juriste droit social