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Perte de chance : le juge doit préciser l’éventualité favorable perdue. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : mercredi 2 août 2017
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C’est la chambre criminelle de la Cour de cassation qui le 18 mars 1975, a reconnu une situation intermédiaire entre le dommage certain réparable et le dommage éventuel non réparable, à savoir, la perte de chance.

Le droit français opère une dichotomie entre la responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Dans les deux cas, le dommage causé et réparable peut être présent ou futur, et doit être certain. En effet, un dommage considéré comme éventuel ne saurait être réparé.

Toutefois, avec le temps, bon nombre d’affaires ont fait naître des situations intermédiaires entre les dommages considérés comme certains et éventuels. Les victimes étaient dès lors laissées en dehors de toute possibilité de réparation et dans un vide juridique préjudiciable, ce qui ne pouvait perdurer. C’est ainsi que la chambre criminelle de la Cour de cassation le 18 mars 1975 a reconnu une situation intermédiaire entre le dommage certain réparable et le dommage éventuel non réparable, à savoir, la perte de chance.

Dès lors, la Cour de cassation a identifié une hypothèse de perte de chance chaque fois que le dommage a fait disparaître une probabilité qu’un événement positif pour la victime se réalise, ou une probabilité qu’un événement négatif ne se réalise pas. Ceci constituant ni plus ni moins la définition théorique et simplifiée de la notion de perte de chance.

Avec cette définition, nous pouvons remarquer, que l’indemnisation intégrale du dommage n’a pas été admise par la Haute Cour dans la mesure où il y a toujours un élément d’incertitude.

Si l’actualité juridique est fournie dans ce domaine, cela n’empêche pas la Cour de cassation de venir faire des rappels fondamentaux de manière régulière.

C’est notamment l’objet de l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 21 juin 2017. Par cette décision les juges du droit sont venus rappeler la nécessité pour les juges du fond retenant l’existence d’une perte de chance, de préciser et qualifier la nature de l’éventualité dont est privée la victime d’une perte de chance.

En l’espèce, un pharmacien avait eu recours à un intermédiaire spécialisé afin d’acquérir une officine. Le pharmacien estimant que l’intermédiaire ne l’avait pas assez informé et conseillé sur le montage envisagé, celui-ci s’avérant onéreux, complexe et dangereux au regard des conséquences juridiques fiscales et patrimoniales Il lui reprochait également de ne pas l’avoir conseillé sur les autres montages envisageables. Il l’avait donc assigné en réparation de son préjudice.

Les juges du fond ont retenu l’existence d’un préjudice du au manquement de l’intermédiaire à son devoir de conseil, ceci constituant une perte de chance pour le pharmacien.

L’arrêt est cassé par la chambre commerciale qui ne remet pas en cause l’existence d’une perte de chance, mais souligne la mauvaise application de ce principe par les juges du fond qui n’ont pas qualifié la nature de la perte de chance, ce qui aurait été le cas s’ils avaient précisé de quelle éventualité favorable le pharmacien avait été privé.

La Cour de cassation se montre extrêmement exigeante sur l’application du principe de la perte de chance et confirme ainsi sa jurisprudence constante en la matière

Alexandre Peron Legal Counsel