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APB 2017 : recours contre le refus d’inscription à l’Université, bilan et conseils aux bacheliers. Par Jean Merlet-Bonnan, Avocat.
Parution : mercredi 16 août 2017
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Face à l’augmentation constante du nombre des étudiants, les universités ont progressivement détourné la plateforme numérique APB (Admission post-bac), initialement chargée de transmettre des informations entre les bacheliers et les établissements, en un outil de sélection des bacheliers dans des formations pourtant libres d’accès et donc non sélectives.

I. APB : un outil détourné de sa finalité d’origine et mettant en place une sélection illégale.

La plateforme APB est selon l’arrêté du 8 avril 2011 relatif à la procédure de préinscription en première année d’une formation postbaccalauréat1 et la Délibération de la CNIL n° 2011-069 du 3 mars 2011 (avis n° 1383587), un dispositif de traitement de données personnelles permettant à l’étudiant de solliciter une pré-inscription, d’obtenir des conseils en matière d’orientation et de transmettre aux administrations et aux étudiants des documents, permettant un traitement administratif plus rapide et dématérialisé des dossiers.

Elle est en effet définie par la CNIL comme un « téléservice de l’administration, qui permet aux futurs étudiants de se préinscrire, de classer des vœux, de bénéficier de conseils d’orientation avant de s’inscrire administrativement en première année de l’enseignement supérieur auprès de l’établissement de leur choix ».

Cette plateforme numérique consiste donc initialement en un traitement automatisé de données à caractère personnel, dont l’objet est le recueil et le traitement des vœux des candidats à une admission en première année d’une formation postbaccalauréat, l’impression d’un dossier papier pour certaines filières et le traitement statistique des données.

En d’autres termes, APB n’est selon les textes actuellement en vigueur, qu’une plateforme de communication et de dématérialisation permettant de dématérialiser la procédure d’inscription en études supérieures.

L’arrêté du 3 mars 2011 comme le code de l’éducation ne prévoient pas d’avis préalable d’APB pour procéder à l’inscription d’un étudiant titulaire du baccalauréat dans une licence dont l’accès est libre.

L’article L. 612-3 du Code de l’éducation prévoit uniquement que « Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix, sous réserve d’avoir, au préalable, sollicité une préinscription ».

Pourtant aujourd’hui tout candidat à une formation universitaire doit s’inscrire sur la plateforme APB, formuler des vœux de préinscription en classant ses vœux par ordre de préférence et attendre les résultats "de la machine" lors de chaque tour.

Si le candidat voit par exemple son premier vœux de préinscription être accepté, il pourra alors s’inscrire. En effet même si cela n’est prévu par aucun texte, les établissements universitaires conditionnent l’inscription de l’étudiant dans une formation, à l’acception par APB de son vœux de préinscription. A défaut le candidat peut être "refusé" ou "en liste d’attente" mais se verra opposer un refus d’inscription s’il se rend directement à la scolarité.

Confirmant notre analyse et notre article publié sur le village de la justice en juillet 2015, l’Inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, dans son rapport n°2016-004 rendu public en avril 2016 portant sur « L’affectation en première année de licence dans les formations à capacité d’accueil limitée » a constaté l’absence de tout texte autorisant légalement le fonctionnement de la plateforme APB concernant notamment la sélection des demandes de préinscription.

Le rapport soulève le décalage total entre le droit applicable tel qu’il résulte du code de l’éducation et la pratique de la plate-forme APB qui tend à présélectionner les étudiants en dehors de tout cadre légal et réglementaire.

Ce rapport rendu à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et son secrétaire d’État en janvier 2016 est particulièrement explicite sur l’illégalité du fonctionnement de la plateforme APB et son tirage au sort, relevant notamment qu’il n’existait à l’époque aucune réglementation du ministère chargé de l’Enseignement supérieur permettant de fonder légalement une quelconque sélection des candidats dans les universités disposant de capacité d’accueil limitée et relevant que le Guide APB n’a aucune existence légale.

En effet, si l’article L. 612-3 du code de l’éducation prévoit la possibilité de sélectionner les candidats dans l’hypothèse où l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, cette sélection est conditionnée :
- 1 à la constatation par l’autorité administrative du dépassement de ces capacités à la date de la demande d’inscription
- 2 à l’existence d’une réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, permettant de sélectionner les candidats non pas sur leurs résultats ou leur dossier, mais en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci.

Les tribunaux ont depuis confirmé cette analyse en considérant depuis juin 2016 qu’il n’existe à ce jour aucune réglementation établie par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur permettant d’appliquer les dispositions de l’article L 612-3 prévoyant une sélection selon certains critères (TA Bordeaux req n° 1504236 16 juin 2016).

Les juridictions administratives ont par la suite suspendu en référé de nombreux refus d’inscription à l’université pour la rentrée 2016/2017, donnant lieu à une jurisprudence aujourd’hui bien établie.

En ce sens par exemple :
- Tribunal administratif de Nantes, 2013 Ord. n°1306535,
- Tribunal administratif de Nantes, août 2016, Ord., n° 1606691,
- Tribunal administratif de Cergy Pontoise, 4 octobre 2016, Ord. n° 1608810,
- Tribunal administratif de Paris, 5 octobre 2016, Ord. n°1615573/91,
- Tribunal administratif de Bordeaux, 19 septembre 2016, ord.n°1603802, 4 janvier 2017, ord. n°1605401, et 30 janvier 2017, ord. n°1700081.

Le tribunal administratif de Bordeaux a depuis confirmé au fond sa jurisprudence notamment par deux jugements récents du 22 juin 2017, annulant deux décisions du recteur d’académie refusant l’inscription en première année de STAPS de deux étudiants qui avaient été refusés par tirage au sort sur APB et enjoignant au recteur de procéder à l’inscription des requérants dans ces formations.

II. Une tentative douteuse de régularisation de cette présélection, potentiellement insuffisante pour assurer sa complète légalité.

A la suite des décisions des juridictions administratives annulant ou suspendant ces refus d’inscription, de la médiatisation de l’illégalité de la procédure mise en place notamment grâce au combat de l’Association Droit des lycéens, l’administration a tenté de régulariser la situation.

Ainsi, après avoir dans un premier contesté l’existence d’une sélection, le ministère a finalement tenté de présenter un texte pour combler ce vide juridique et régulariser la pratique existante.

Un projet d’arrêté devait notamment être examiné au CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) le 17 janvier 2017 mais en raison de l’opposition de l’ensemble des membres de la communauté universitaire à la légalisation de la pratique du tirage au sort, l’examen du projet d’arrêté a finalement été reportée et jamais présenté.

Le ministre de l’enseignement supérieur assurant par la suite, dans la presse, qu’aucun texte ne serait présenté avant l’élection présidentielle.

Finalement, c’est par une circulaire destinée aux rectrices et recteurs d’académie, aux vice-rectrices, vice-recteurs, aux présidentes et présidents d’université, publiée le 27 avril 2017 (entre les deux tours des élection présidentielles) que le ministère a tenté de régulariser les règles et les procédures d’admission en première année de licence ou en première année commune aux études de santé, lorsque les candidats sollicitent une préinscription via le portail Admission Post-Bac.

Cependant cette circulaire, actuellement contestée devant le Conseil d’État, paraît illégale et sera probablement annulée au fond dans les prochains mois.
Il est d’ailleurs à noter que le juge des référés du Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé à ce jour sur l’illégalité du texte, se contentant de rejeter les demandes des associations requérantes pour irrecevabilité pour défaut d’urgence, dans une récente ordonnance du 2 juin 2017.

Cette décision n’empêche donc pas chaque bachelier se voyant opposer un refus d’inscription fondée sur cette circulaire de soulever son illégalité si elle lui est opposée.

Les décisions refusant une inscription à l’université ne sont donc toujours pas à priori fondées juridiquement.

III. Pour les candidats refusés à l’entrée de l’université, un recours est toujours possible.

Un recours est donc aujourd’hui toujours possible et nous proposons d’en présenter les étapes avant de donner quelques conseils aux candidats malheureux.

Première étape : Le recours administratif.

Afin de tenter d’obtenir l’inscription dans la licence de son choix, l’étudiant qui voit son vœu refusé par l’application APB devra saisir l’administration compétente d’une demande d’annulation de l’avis APB et d’une demande formelle d’inscription.

L’administration ne pourra pas légalement opposer à l’étudiant l’avis négatif de l’application APB dans la mesure où l’article L. 612-3 al. 2 du code des d’éducation, se contente de demander que l’étudiant sollicite au préalable une pré-inscription « permettant aux candidats de bénéficier du dispositif d’information et d’orientation », et n’exige donc pas un avis positif.

En d’autres termes, les textes applicables ne demandent pas expressément à ce que la plate-forme APB ait proposé une admission de l’étudiant : seule la sollicitation d’une préinscription doit être effectuée et démontrée.

Il apparaît donc nécessaire pour le bachelier déçu d’APB d’adresser une demande d’inscription en lettre recommandée avec accusé de réception au président de l’université dans laquelle se situe la licence à capacité limitée et une seconde demande d’inscription au recteur d’académie.

Ces demandes d’inscription devront être motivées de manière précise et circonstanciée.

Le candidat devra rappeler les dispositions de l’article L. 612-3 du code de l’éducation ainsi que les dispositions de l’article D. 612-9 du même code : « Les candidats à une première inscription en première année d’enseignement supérieur, bacheliers ou admis à s’inscrire à un autre titre, ont le libre choix de leur université, en fonction de la formation qu’ils désirent acquérir, dans les conditions prévues par l’article L. 612-3 ».

La rédaction de ces demandes est particulièrement importante et stratégique et doit être adaptée en fonction de chaque situation.

Face à un refus d’inscription de l’administration, l’étudiant souhaitant son inscription n’aura pas d’autre choix que de saisir les juridictions administratives afin de tenter d’obtenir son inscription.

Seconde étape : saisir le tribunal.

Les décisions de refus d’inscription prises par le président de l’université ou le recteur chancelier peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif.

En effet, au regard de l’article L. 612-3 précité et de la jurisprudence, l’illégalité de cette décision pourra être soulevée devant le Tribunal au regard notamment des modalités de sélection des candidats, de la motivation du refus et de l’identité de l’auteur de la décision.

En parallèle, la procédure d’urgence en référé suspension prévue par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative peut également être intentée et permettra d’obtenir une décision juridictionnelle plus rapidement (généralement entre quinze jours et un mois après le dépôt de la requête) dont l’objet est la suspension de la décision administrative de refus dans l’attente du jugement au fond.

Si le Juge des Référés décide de suspendre la décision administrative de rejet, il peut également assortir sa décision d’une injonction adressée au recteur ou président de l’université tendant soit au prononcé d’une autorisation temporaire d’inscription soit au réexamen de la situation de l’étudiant.

Si certaines irrégularités pourront être soulevées, les chances de succès de ces procédures sont incertaines et soumises, comme toute procédure judiciaire à l’aléa.

Enfin, une nouvelle demande gracieuse auprès de l’administration pourrait être en parallèle sollicitée afin de favoriser une solution rapide et amiable de la situation.

IV. Nos conseils.

1. Se constituer un dossier comportant.
- son dossier scolaire,
- tous éléments démontrant sa motivation pour cette formation et son projet professionnel,
- une copie d’écran des résultats APB (dont une copie avec le curseur pointé sur le résultat afin de faire apparaitre la bulle de dialogue précisant le résultat),
- une copie d’écran des résultats de chaque tour,
- une copie d’écran des vœux et résultat du tour complémentaire.

2. Ne pas attendre pour lancer des recours.

Les délais de réponse et le traitement d’un contentieux pouvant être long, en lançant dès le mois de juillet/août les procédures, l’étudiant pourra espérer se retrouver devant le juge des référés en septembre/octobre pour contester un refus de l’administration et ainsi éviter de perdre une partie de son semestre.

3. Soyez cohérents !

L’administration comme le juge vérifient la cohérence de la démarche de l’étudiant.
Le juge des référés peut ainsi rejeter pour défaut d’urgence la demande d’un étudiant si celui-ci ne demande finalement qu’une inscription dans son 3e choix ou n’a pas suivi les étapes de la plateforme APB.

4. Prenez conseil auprès d’un avocat.

Ces procédures étant complexes, le recours à un avocat n’est pas obligatoire dans ce domaine mais est fortement conseillé notamment pour éviter des irrecevabilités de votre procédure devant le juge administratif.

5. Soyez patients et ne reprochez pas cette situation à l’établissement.

Les procédures peuvent être longues et l’administration ne peut humainement pas répondre à tous les recours en un jour.
Rappelez-vous par ailleurs que les universités et les rectorats sont aussi des victimes du système mis en place et de l’absence de choix politique.
En l’absence de moyens supplémentaires leur permettent d’accueillir de nouveaux étudiants et/ou d’un texte encadrant réellement l’entrée à l’université, les établissements ont dû faire avec les moyens du bord, dans l’intérêt même de ce service public qu’est l’enseignement supérieur.

En conclusion.

Un étudiant faisant face à un refus d’admission de la plate-forme APB n’est pas sans possibilité de recours et pourra tenter d’obtenir une inscription dans la licence de son choix devant le juge administratif, garant de l’État de droit et du principe d’égalité des usagers du service public de l’enseignement supérieur.

Jean MERLET-BONNAN Avocat au Barreau de Bordeaux merlet-bonnan@exeme-avocats.com http://www.recours-apb-exeme.com/
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