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Refus de renouveler une autorisation d’occupation du domaine public maritime et Loi littoral. Par Pierre Jean-Meire, Avocat
Parution : lundi 21 août 2017
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La cour administrative d’appel de Marseille a validé le refus du Préfet de la Corse-du-Sud d’accorder une autorisation d’occuper le domaine public maritime pour une activité de restauration sur la plage de Saint-Cyprien, située dans la commune de Lecci, en se fondant notamment sur le fait qu’un accord aurait entraîné une méconnaissant des dispositions de la Loi littoral relatives aux espaces remarquables.

CAA Marseille 29 juin 2017 M. A. n° 15MA04890

1.

M. A., exploitait un restaurant, à Lecci, sur la plage de Saint-Cyprien, comprenant un local de restauration, une terrasse couverte et une terrasse découverte.

Ce dernier a sollicité, le 23 janvier 2014, le renouvellement pour trois ans de l’autorisation d’occupation du domaine public expirant le 31 décembre 2013 qui lui avait été précédemment accordée, en vue de l’occupation du domaine public maritime pour une surface totale de 258 mètres carrés.

Par un arrêté du 24 avril 2014, le préfet de la Corse-du-Sud lui a refusé cette autorisation.

La Préfet a également enjoint à M. A., d’une part, de démonter les parties en dur de son établissement, d’autre part, de lui communiquer un échéancier de démontage lui permettant d’échelonner le coût financier de cette opération.

M. A. a demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler ces décisions administratives.

Les premiers juges n’ont toutefois pas fait droit à sa demande et l’intéressé a relevé appel de ce jugement.

2.

Le refus de Préfet de renouveler l’autorisation de M. A. était fondé sur le fait que la demande portait sur un bâtiment non démontable, alors que le domaine public n’a pas vocation à recevoir des installations permanentes, mais seulement des occupations temporaires et le cas échéant démontables.

M. A. arguait du fait qu’il avait bénéficié d’un permis de construire pour la construction du bâtiment en cause, qu’il avait par le passé obtenu de nombreuses fois l’autorisation d’occuper le domaine public maritime dans les mêmes conditions et que l’intégration paysagère du restaurant dans son environnement était satisfaisante.

Ces arguments n’ont cependant pas fait changer d’avis les juges de la cour administrative d’appel de Marseille, qui par la décision du 29 juin 2017 ici commentée, a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bastia.

3.

La première question qui se posait aux juges administratifs d’appel marseillais, était de savoir si le terrain en cause était situé sur le domaine public maritime.

En effet, M. A. invoquait le fait que finalement la parcelle concernée ne relevait pas d’un tel régime juridique et qu’en conséquence le refus qui lui a été opposé était entaché d’une erreur de fait sur les limites du domaine public.

Le Préfet invoquait quant à lui le fait qu’en l’espèce, le domaine public maritime avait fait l’objet d’une délimitation par arrêté préfectoral du 20 mars 2001, portant délimitation des lais et relais de mer, pris après enquête publique, et pour l’application de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime, et aux termes duquel la page de Saint-Cyprien était désignée comme appartement au domaine public maritime.

Toutefois, s’agissant du domaine public maritime, la Cour administrative d’appel a rappelé qu’elle doit appliquer les critères fixés par l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et quelle n’est pas liée par les termes d’un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime.

En effet, l’appartenance d’une dépendance au domaine public ne peut résulter de l’application d’un tel arrêté, dont les constatations ne peuvent représenter qu’un des éléments d’appréciation soumis au juge.

Aux termes de cette disposition, « le domaine public maritime naturel de L’Etat comprend : (...) 3° Les lais et relais de la mer : a. Qui faisaient partie du domaine privé de l’Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b. Constitués à compter du 1er décembre 1963 (...) ».

Selon la Cour, il ressort de l’ensemble des pièces du dossier, et notamment, outre l’arrêté préfectoral précité du 20 mars 2001, des clichés photographiques produits par l’intéressé à l’appui de ses écritures, et sans qu’il soit nécessaire d’apporter une autre preuve de ce que les terrains en cause ont été soumis à l’action des flots avant que le mer ne s’en retire, que la parcelle partiellement occupée par les installations du restaurant exploité par M. A. est située sur un lais ou relais de la mer et appartient ainsi au domaine public maritime.

4.

La Cour administrative d’appel devait alors s’interroger sur la légalité du motif retenu par le Préfet pour s’opposer au renouvellement de l’autorisation.

Sans surprise, les juges administratifs d’appel marseillais l’ont confirmé et ont jugé qu’il résultait de la combinaison des articles L. 2122-2 et L. 2122-2 du Code général de la propriété des personnes publiques, L. 321-9 du Code de l’environnement et de l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme que le domaine public maritime naturel n’avait pas vocation à recevoir des implantations permanentes qui ne seraient pas démontables, de telles installations étant incompatibles avec les impératifs de préservation du site évoqués ci-dessus.

5.

Ce faisant, la cour administrative d’appel de Marseille s’est appuyée sur les dispositions de la Loi littoral pour valider un refus d’autorisation d’occupation du domaine public maritime.

En l’espèce l’article L. 146-6, lequel était visé par le refus de renouvellement de la demande de M. A, dispose que : « les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ».

Cette disposition est aujourd’hui reprise à l’article L. 121-23 du Code de l’urbanisme dans le paragraphe relatif à la préservation des espaces remarquables ou caractéristiques et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Ce n’est pas la première fois que le juge administratif est amené à faire application des dispositions de la Loi littoral relatives à la protection des espaces remarquables à des décisions relatives à l’occupation du domaine public maritime.

Le Code général de la propriété des personnes publiques contient lui une disposition de la Loi Littoral s’appliquant spécifiquement aux décisions d’autorisation d’occupation du domaine public maritime. Il s’agit de l’article L. 2124-1 qui dispose que « les décisions d’utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ; elles sont à ce titre coordonnées notamment avec celles concernant les terrains avoisinants ayant vocation publique ».

Le Conseil d’Etat a déjà par le passé accepté sur le fondement des articles L. 2124-1 du Code général de la propriété des personnes publiques et L. 121-23 et suivants du Code de l’urbanisme, d’annuler une délibération approuvant un avenant à une concession de plages naturelles, lequel prévoyait, dans la partie naturelle d’un site inscrit, la possibilité d’implanter des abris démontables à usage de buvette, de restauration légère (CE 12 mars 2007 Ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, n° 289031, Inédit ; V. également l’arrêt de la CAA de Marseille du 8 novembre 2005 n° 01MA01755).

La Cour administrative d’appel de Marseille quant à elle a déjà dans le passé accepté de valider la décision de rejet d’une offre présentée par un candidat à une délégation de service public balnéaire, au motif que son offre, qui comprenait l’installation d’un module bar-restaurant démontable, n’était pas compatible avec les règles d’urbanisme protégeant les espaces remarquables, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une installation autorisée par l’article R. 121-4 du Code de l’urbanisme (CAA Marseille 30 septembre 2013 Société Hôtel Impérial Garoupe n° 11MA00434).

6.

La question se pose de savoir si d’autres dispositions de la Loi littoral que celles relatives aux espaces remarquables sont également invocables à l’encontre de décisions relatives à l’occupation du domaine public maritime ?

Selon l’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme : « les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement ».

Il résulte de cette disposition que la Loi littoral s’applique, avant tout, aux autorisations d’urbanisme (permis de construire, permis d’aménager, déclaration préalable même lorsqu’il s’agit d’une simple division d’un terrain, dès lors que c’est en vue de construire CE 17 décembre 2014 n° 367134, Mentionné dans les tables sur ce point V. également CAA Nantes 31 mai 2017 M. et Mme D n° 15NT01914 ) et aux documents d’urbanisme (PLU, SCOT…).

Mais la jurisprudence administrative a eu l’occasion de préciser le champ d’application de la Loi littoral en retenant une conception particulièrement extensive de ce dernier (V. reconnaissant cette conception extensive A. Bretonneau Conclusions sous CE 4 mai 2016 SARL MERICEA n° 376049, BJDU 6/2016 p. 406 « vous avez de toute façon une conception extensive du champ des décisions relatives à l’utilisation ou à l’occupation du sol auxquelles ces dispositions issues de la loi Littoral sont opposables »).

Ainsi, la jurisprudence administrative a appliqué la Loi littoral à des décisions d’homologation d’un terrain de moto-cross (TA Pau, 15 mars 2001, n° 00-1242 ; V. également TA Lille, 11 déc. 2003, n° 03-3215 : AJDA, 19 juill. 2004, p. 1483 et note S. Damarey), à un arrêté préfectoral autorisant la création d’une association foncière urbaine (CAA Marseille 22 novembre 2001 n° 97MA11677 « dès lors que l’objet de l’association foncière urbaine est de procéder à un remembrement des terrains appartenant aux propriétaires membres en vue de l’urbanisation d’une partie de ces terrains » et qu’un certains de ces terrains sont situés dans un espace remarquable) ou encore à un arrêté autorisant l’abattage d’arbres (CE 6 février 2013 Commune de Gassin n° 348278, BJDU n° 3/2013 p. 177 ; V. également pour une autorisation de défrichement CE 14 novembre 2011 Société les HAUTS DU Golf n° 333675).

Si pour l’instant seules les dispositions de la Loi littoral relatives aux espaces remarquables ont été appliquées à l’encontre de décisions relatives à la gestion du domaine public maritime, la conception jurisprudentielle particulièrement extensive du champ d’application de cette législation protectrice de l’environnement plaide pour son application générale.

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Cabinet d\'avocat OLEX - Maître Pierre JEAN-MEIRE Avocat au Barreau de Nantes www.olex-avocat.com https://twitter.com/MeJEANMEIRE