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Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : le manquement de l’employeur doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat. Par Mathieu Lajoinie, Avocat.
Parution : mardi 29 août 2017
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La prise d’acte de la rupture du contrat de travail se caractérise par la situation dans laquelle l’une des parties au contrat considère que le comportement de l’autre partie rend impossible la poursuite du contrat de travail. Ainsi, la partie qui prend acte de la rupture en impute la responsabilité à l’autre.

Définition de la prise d’acte

La prise d’acte n’est pas réglementée par le Code du travail et constitue une voie de rupture alternative au licenciement et à la démission.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, il incombe au juge de trancher ce litige en décidant quelle est la partie qui a rompu le contrat.

Les juges auront alors deux possibilités :
- soit reconnaître que l’employeur a commis des fautes suffisamment graves justifiant la prise d’acte : cela produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (le salarié percevra alors son indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés) ;
- soit juger que la prise d’acte n’est pas justifiée. Dans ce cas, cette prise d’acte produira les effets d’une démission (le salarié n’aura droit à aucune indemnité de licenciement, ni de préavis, ni même droit à l’assurance chômage).

Manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail

Depuis un arrêt du 30 mars 2010, pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation exigeait simplement que les manquements reprochés à l’employeur fassent obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Depuis une série d’arrêts rendus le 26 mars 2014, la Cour de cassation a nettement infléchi sa jurisprudence en la matière, et précise dorénavant, aux termes d’une jurisprudence devenue constante, qu’il appartient au salarié de démontrer l’existence de manquements graves, empêchant la poursuite du contrat de travail.

Et ce sont les juges du fond qui sont chargés d’apprécier le niveau de gravité de ces manquements. La Cour de cassation n’opère plus qu’un contrôle léger sur cette appréciation.

Ces derniers doivent ainsi établir, d’une part les manquements de l’employeur, et d’autre part apprécier la gravité du manquement patronal, c’est-à-dire apprécier si ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, et donc justifier la prise d’acte par le salarié.

Monsieur Pierre Bailly, Conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, indiquait à ce titre, au sein de la Semaine Sociale Lamy, n°1635 :
- « D’une certaine façon, le critère est proche de celui de la faute grave du salarié qui empêche, elle aussi, la poursuite du contrat de travail. Il y a une certaine parenté, même si l’assimilation ne peut être totale ».
- « Si un salarié invoque un fait qui empêche la poursuite du contrat, mieux vaut en tirer les conséquences rapidement. Si l’intéressé reste un an ou deux dans l’entreprise, sans protester ni réagir, on pourra lui reprocher de n’avoir pas considéré que le manquement ensuite invoqué compromettait la poursuite de la relation contractuelle. Ceci vaut pour la prise d’acte mais aussi pour la résiliation judiciaire ».

Lorsque le juge considère qu’un doute subsiste sur la réalité et la gravité des faits invoqués par le salarié, le juge estime alors que le salarié n’a pas établi les faits qu’il alléguait à l’encontre de l’employeur comme cela lui incombait, et doit requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en démission.

Mathieu Lajoinie Avocat au barreau de Paris www.avocat-lajoinie.fr
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