Village de la Justice www.village-justice.com

Entreprises de location de télévision aux professionnels : pourquoi le loueur est-il collecteur de la redevance ? Par Gildas Neger, Docteur en droit.
Parution : vendredi 15 septembre 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/entreprises-location-television-aux-professionnels-pourquoi-loueur-est,25869.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La question posée par l’intitulé n’a pas de réponse.
Du moins pas encore.

Le contexte juridique

Lorsque les télévisions sont louées auprès d’une entreprise, le locataire doit la contribution à l’audiovisuel public à raison d’un vingt-sixième du tarif fixé au III de l’article 1605 du Code général des impôts, par semaine ou fraction de semaine de location (CGI, art. 1605 ter, 4°). En application des dispositions de l’article 1605 ter 4° du CGI, les locataires sont donc les seuls redevables légaux de la redevance audiovisuelle.

A priori rien d’anormal si ce n’est que l’administration n’hésite pas à faire supporter le poids de la perception par le loueur…

En effet, elle impose à ces derniers de percevoir directement auprès des locataires la contribution en supplément du loyer et… charge à eux de reverser les montants perçus au service de l’administration chargé de recouvrer la contribution à l’audiovisuel public.

Cette obligation de collecte d’impôt est une source de complexité supplémentaire pour les entreprises concernées. Mais également une source de risques si elles doivent doit endosser des responsabilités en cas de dysfonctionnement de la collecte.

Chaque contribuable doit être seul responsable de ses obligations fiscales.

Pourquoi donc les entreprises de location de téléviseurs devraient-elles être mises à contribution pour récolter et payer l’impôt en lieu et place du débiteur initial ?

Il est de plus à souligner qu’aucune compensation n’existe pour les entreprises de location qui doivent remplir des obligations relevant de leurs clients.

Il nous apparait conséquemment nécessaire, voire indispensable, de prévoir une dérogation contractuelle aux dispositions de l’article 1605 ter 4° du CGI entre l’entreprise de location et le locataire. Une telle dérogation nous apparait en adéquation avec la jurisprudence puisqu’un acte de droit privé opposable aux tiers est opposable dans les mêmes conditions à l’administration fiscale tant qu’il n’a pas été déclaré nul par le juge judiciaire.

Cette dérogation permettrai de passer outre l’intervention du TA qui est compétent, vu les dispositions de l’article L199 du Livre des Procédures Fiscales, en matière de redevance audiovisuelle.

Dans le cas de dérogation proposé, les parties se conforment aux dispositions de l’article L.64 du LPF en ce qu’elles énoncent que « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

A contrario, l’adoption d’une telle dérogation pourrait donc être opposable à l’administration puisqu’elle ne constitue pas un abus de droit, n’a pas de caractère fictif et surtout n’a pas pour objet d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales dues au titre de la contribution audiovisuelle. Et que, conformément aux dispositions de l’article 1103 du Code civil, elle permet de décharger l’entreprise de location.

En effet, c’est exclusivement en cas d’absence de payement que l’administration fiscale pourra opérer une rectification en défaveur du loueur, arguant de la non souscription de la déclaration annexe 3310 A de la part de ce dernier.

C’est donc, à notre sens, la seule absence de paiement qui peut juridiquement conduire à la rectification.

Se pose toutefois la question de l’attitude de l’administration fiscale en cas de non-payement de la contribution par le locataire.

La demande d’un rescrit semble donc s’imposer pour confirmer ou infirmer la possibilité d’une telle dérogation même si, pour ma part, je n’ai aucun doute quant à la possibilité d’une telle dérogation.

Je compte sur les spécialistes en fiscalité, que je remercie par avance, pour me donner leur avis …

Gildas Neger Docteur en Droit Public
Comentaires: