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Salarié mis en cause dans une procédure pénale : quels sont les droits de l’employeur ? Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : lundi 2 octobre 2017
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L’employeur peut être confronté à l’implication, voire la condamnation, de l’un de ses salariés dans une affaire pénale.
Le fonctionnement de l’entreprise peut être affectée par un tel événement, que ce soit en raison de l’absence subite ou prolongée du salarié (ex : garde à vue, détention provisoire, emprisonnement), ou du trouble créé au sein de l’entreprise par la nouvelle de sa mise en cause.

Si ces problèmes sont réels, l’employeur est cependant tenu de respecter la présomption d’innocence pendant l’enquête et ses options en cas de condamnation du salarié peuvent être limitées selon les faits concernés.

Il dispose toutefois de certains droits et pouvoirs pour limiter, autant que possible, les conséquences pour l’entreprise de la mise en cause de l’un de ses salariés dans une affaire pénale.

1. Le devoir d’information de l’employeur par le salarié en cas d’absence

Par principe, l’employeur ne peut pas sanctionner automatiquement le salarié du fait de son placement en garde à vue ou en détention si cette mesure est sans lien avec son travail (ex : violences conjugales).

Cependant, l’absence injustifiée reste une faute qui pourra être sanctionnée.

En effet, l’abandon de poste peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave.

Si la garde à vue, la détention provisoire ou l’incarcération constituent des motifs légitimes d’absence, le salarié a cependant l’obligation d’informer son employeur qu’il fait l’objet de l’une de ces mesures.

Ce droit est d’ailleurs organisé par la loi, puisque le Code de procédure pénale autorise expressément le salarié en garde à vue à faire prévenir son employeur par les services de police de l’existence de sa retenue dans des locaux de police.

Si l’employeur a donc le droit d’être informé de la cause de l’absence, le salarié n’a en revanche aucune obligation de lui indiquer l’infraction concernée par l’enquête.

2. La suspension du contrat de travail pendant la privation de liberté

Si le salarié a pris le soin d’informer son employeur de la mesure pénale qui a été prise à son encontre, il n’a pas à craindre d’être sanctionné pour son absence.

La privation de liberté du salarié ne constitue en effet ni une faute, ni une cause de force majeure qui justifierait la rupture du contrat de travail.

Le contrat de travail reste simplement suspendu sans être rompu.
Le contrat de travail perdure donc mais le salaire afférent au temps d’absence n’est plus versé.

La durée de suspension est équivalente à celle pendant laquelle le salarié est empêché de se rendre sur son lieu de travail.

3. La rupture du contrat de travail

Par principe si les faits pour lesquels le salarié est mis en cause sont étrangers à son activité professionnelle, il n’est pas possible, sauf exception, de rompre le contrat de travail.

Cependant, la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle est souvent fragile.

Il a ainsi été admis par la jurisprudence que l’incarcération du salarié et la nature des faits dont il était soupçonné pouvaient, en certaines occasions, justifier un licenciement au regard du trouble créé au sein de l’entreprise par cette mise en cause et de la désorganisation consécutive à l’absence prolongée du salarié.

Ainsi, l’absence du salarié, l’impossibilité de le remplacer temporairement, la réaction du personnel ou l’atteinte portée à la réputation de l’entreprise sont autant d’éléments pouvant perturber de l’entreprise et donc justifier, de manière exceptionnelle, le licenciement.

Le licenciement peut également être justifié en cas de condamnation du salarié pour des faits extérieurs à l’emploi lorsque celle-ci est de nature à remettre en cause sa capacité à occuper ses fonctions.

Ainsi, lorsque la condamnation entraîne le non renouvellement d’un agrément (par exemple la carte d’agent de sécurité) ou une interdiction professionnelle (par exemple l’interdiction de toute fonction en contact avec des mineurs) le licenciement peut être décidé par l’employeur.

Le licenciement est par ailleurs possible lorsque les faits litigieux ont eu lieu pendant les heures de travail ou ont un lien avec l’activité professionnelle (exemple : vol, violence) sous réserve du respect de la présomption d’innocence.

Pour être considéré comme valable, le licenciement doit ainsi être motivé par des éléments objectifs et suffisamment caractérisés démontrant l’implication du salarié dans l’infraction commise.

Enfin, lorsque les faits ont un lien avec l’activité professionnelle, la dissimulation, par le salarié de sa mise en cause dans une enquête pénale, peut constituer un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur, et justifier un licenciement pour faute.

Quel que soit le cas de figure, il est recommandé de prendre conseil auprès d’un avocat avant de procéder au licenciement.

Cécile Villié avocat - droit du travail www.villie-avocat.com