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Cadres dirigeants salariés : si votre contrat mentionne un forfait en jours, vous pouvez demander le paiement de vos heures supplémentaires ! Par Frédéric Chhum, Avocat et Marilou Ollivier, Elève-Avocate.
Parution : jeudi 19 octobre 2017
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Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation a affirmé, par un arrêt du 7 septembre 2017 (n°15-24725) publié au Bulletin, que la mention d’un forfait en jours dans la promesse d’embauche ou le contrat de travail du salarié excluait automatiquement l’application à celui-ci de la qualité de cadre dirigeant.

En l’espèce, un salarié employé en qualité de responsable d’un centre de profits sollicitait l’annulation de son statut de cadre dirigeant ainsi que le paiement de ses heures supplémentaires.

La cour d’appel avait accueilli la demande du salarié et condamné l’employeur à lui verser diverses sommes au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés afférents.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel.

1) L’exclusion de la qualité de cadre dirigeant en cas de référence à un forfait en jours

L’employeur, demandeur au pourvoi, reprochait notamment aux juges d’appel d’avoir exclu la qualité de cadre dirigeant sans rechercher si, dans les faits, le salarié remplissait les conditions cumulatives afférentes à cette qualité, à savoir :
- l’exercice de responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps ;
- l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome ; et
- la perception d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise.

La Cour de cassation a pourtant confirmé la solution adoptée par les juges d’appel :
« ayant constaté que, par lettre du 7 décembre 2006 les parties avaient signé une promesse d’engagement précisant “votre emploi de la catégorie cadre est régi par un accord d’annualisation du temps de travail sur la base de 218 jours” et retenu que le salarié avait été soumis à une convention individuelle de forfait en jours prévue par les articles L. 3121-39 et suivants du code du travail, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche sur l’éventuelle qualité de cadre dirigeant du salarié que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ».

Ce faisant, la Cour de cassation affirme que la mention dans le contrat de travail ou dans la promesse d’embauche valant contrat de travail de la soumission du salarié à un régime de forfait en jours exclut la qualité de cadre dirigeant.

La Cour de cassation précise que dans cette hypothèse, il n’est pas utile de rechercher si les conditions d’attribution de cette qualité sont satisfaites, cette seule mention suffisant à exclure la qualité de cadre dirigeant.

Les employeurs devront donc être particulièrement vigilants à cet égard.

La solution ainsi consacrée par la Cour de cassation ne nous semble néanmoins guère surprenante.

Elle est d’ailleurs à rapprocher d’un autre arrêt, rendu le 27 mars 2013 (n°11-19.734), et par lequel la Cour de cassation avait adopté un raisonnement identique, affirmant que la mention dans le contrat de travail de la soumission à l’horaire collectif en vigueur dans l’entreprise ainsi que de l’impossibilité de refuser des heures supplémentaires était incompatible avec la qualité de cadre dirigeant.

2) Le paiement des heures supplémentaires sur la base des éléments fournis par le salarié

La cour d’appel ayant écarté la qualité de cadre dirigeant et jugé que la convention de forfait en jours n’était pas non plus valable, le salarié était fondé à réclamer le paiement de ses heures supplémentaires.

Or l’employeur reprochait également à la cour d’appel de l’avoir condamné à un rappel d’heures supplémentaires sur la base des seuls éléments fournis par le salarié, en l’occurrence des extraits de ses agendas.

Là encore, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la cour d’appel, précisant que : « le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation par les juges du fond de la valeur et la portée des éléments de preuve versés par les parties de laquelle, ils ont (…) souverainement déduit l’existence d’heures supplémentaires et fixé le montant de la créance s’y rapportant. »

Ce faisant, la Cour de cassation ne fait qu’appliquer sa jurisprudence constante selon laquelle, en application de l’article L.3171-4 du Code du travail, dès lors que le salarié fournit des éléments de nature à étayer sa demande, il revient à l’employeur d’apporter la preuve des horaires réellement accomplis.

A défaut d’une telle preuve contraire, c’est souverainement que les juges du fond peuvent faire droit aux demandes du salarié sur les seuls éléments fournis par lui.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum