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Contrat d’assurance : un point sur la fausse déclaration intentionnelle du risque. Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.
Parution : lundi 30 octobre 2017
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L’article L.113-2 du Code des assurances dispose :
« L’assuré est obligé :
1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;
2° De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ; (…). »

La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du Code des assurances à l’ouverture du marché européen a ainsi abandonné le système de déclaration spontanée du risque lors de la souscription du contrat.

C’est désormais à l’assureur qu’il incombe de prendre l’initiative de questionner le souscripteur. Dans un arrêt du 3 juin 2010, la Cour de cassation a ainsi jugé que l’assureur qui n’a pas, contrairement à ce qui est prévu par l’article L.113-2 du Code des assurances, posé à l’assuré une question qui aurait dû conduire ce dernier à lui déclarer la procédure de contrôle, n’est pas fondé à se prévaloir d’une réticence ou de fausse déclaration émanant de ce dernier (Civ. 2e, 3 juin 2010, n° 09-14.876).

Dans un arrêt du 7 février 2014, la Cour de cassation a remis en cause la validité de la pratique des questionnaires pré-remplis. L’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses apportées à des questions précises. Dans cet arrêt du 7 février 2014, la Cour de cassation a ainsi jugé que l’assureur ne pouvait obtenir la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle qu’à la condition de prouver qu’il avait, au cours de la phase précontractuelle, interrogé l’assuré sur la circonstance formant l’objet de la fausse déclaration alléguée, et que l’assuré a répondu inexactement à la question posée et que « cette preuve, qui ne saurait résulter des seules mentions figurant aux conditions particulières de la police, doit être rapportée par la production du questionnaire soumis à l’assuré et des réponses apportées par ce dernier. » (Cass., ch. mixte, 7 févr. 2014, n° 12-85107).

En application de l’article L.113-8 du Code des assurances, une sanction ne peut avoir lieu que si le mensonge ou l’omission du souscripteur a eu pour conséquence de fausser le jugement de l’assureur sur le risque :
« (…), le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. (…). »

En application de l’article L.113-9 du Code des assurances, en cas de mauvaise foi du souscripteur, la sanction est la nullité du contrat. En cas bonne foi de ce souscripteur, l’assureur peut choisir de maintenir le contrat en augmentant le montant de la prime ou de résilier le contrat.

Très récemment, par arrêt du 29 juin 2017, la Cour de cassation a jugé que la précision des questions posées par l’assureur, le caractère intentionnel de la fausse déclaration et le fait que cette dernière modifie l’objet du risque relevaient de l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 2e, 29 juin 2017, n° 16-18.975).

En l’espèce, dans le contrat d’assurance souscrit, l’assuré avait répondu « non » aux trois questions suivantes : « au cours des cinq dernières années avez-vous suivi un ou plusieurs traitements médicaux (prescription de médicaments, régime alimentaire) pendant plus de trois mois », « prenez-vous régulièrement un ou plusieurs médicaments ou faites-vous l’objet d’une surveillance médicale particulière », « avez-vous été ou êtes-vous atteint d’une infirmité quelconque ou atteint d’une affection grave ou chronique » en référence à la liste des pathologies annexées au contrat.

Il résultait ensuite de l’expertise médicale sur pièces réalisée par un médecin que le courrier du service de réanimation faisait état dans les antécédents d’un « syndrome dépressif » et d’une « insuffisance respiratoire chronique sur exposition professionnelle avec emphysème ». L’expert précisait dans son rapport que cette pathologie respiratoire chronique était confirmée par le médecin traitant qui notait dans un certificat daté du 6 juillet 2010 : « EIPCO + emphysème depuis 3 è 4 ans. EIPCO modérée traitée par corticoïdes inhalés, bien stabilisée (pas d’insuffisance respiratoire). Suivi au cours des exacerbations de bronchites » puis dans le certificat du 24 septembre 2010 : « bronchite chronique très modérée ».

L’expert ajoutait que les deux traitements inhalés correspondaient au traitement continu de l’asthme persistant, mais que les ordonnances communiquées n’entraient pas de prescription régulière. L’expert a alors retenu que l’assuré souffrait d’une pathologie respiratoire chronique de type broncho-pneumopathie chronique obstructive avec emphysème depuis trois ou quatre ans.

L’expert en a conclu que si l’assuré pouvait répondre « non » à la question relative au suivi d’un traitement médical pendant plus de trois mois au cours des cinq dernières années et à la question relative à la prise de médicaments ou à une surveillance médicale particulière, il n’aurait en revanche pas dû répondre négativement à la question : « avez-vous été ou êtes-vous atteint d’une infirmité quelconque ou atteint d’une affection grave ou chronique » en référence à la liste des pathologies annexées au contrat souscrit, comprenant la broncho pneumopathie chronique obstructive.

Dans cet arrêt du 29 juin 2017, la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi en retenant l’appréciation souveraine des juges du fond en disant que « (…)le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine de la cour d’appel qui a estimé, d’abord, que les questions posées dans le formulaire de déclaration du risque étaient précises, ensuite, que la réponse apportée (…) à l’une d’elles constituait une fausse déclaration qui revêtait un caractère intentionnel et enfin, que celle-ci avait changé l’objet du risque ou en avait diminué l’opinion pour l’assureur. »

Jean-Baptiste Rozès Avocat Associé OCEAN AVOCATS www.ocean-avocats.com