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Salariés, cadres, cadres dirigeants : poursuites pénales liées à l’exercice des fonctions : l’employeur doit payer les frais de défense. Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.
Parution : vendredi 3 novembre 2017
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Dans un arrêt du 5 juillet 2017 (n°15-13702), la Cour de cassation consacre l’obligation pour l’employeur de prendre en charge les frais exposés par un salarié dans le cadre de sa défense pénale dès lors qu’il était poursuivi, pour des faits accomplis en exécution du contrat de travail.

1) Réaffirmation du principe de « protection juridique » à l’égard du salarié poursuivi pénalement

En l’espèce, un salarié employé en qualité de Responsable du département valorisation et réalisation de patrimoine de la Caisse d’Epargne Loire Drôme Ardèche a été poursuivi pour complicité d’abus de bien sociaux.

Après plus de 10 ans de procédure, la cour d’appel de Lyon a relaxé le salarié.

La procédure pénale diligentée à son encontre ayant été particulièrement longue et couteuse (plus de 55.000 euros d’honoraires d’avocats), le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Saint-Etienne afin d’obtenir la prise en charge de ses frais de défense par son ancien employeur.

La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 19 décembre 2014, a accueilli la demande du salarié et condamné l’employeur au remboursement des frais engagés pour assurer sa défense.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon.

Aux termes de l’article 1194 (ancien article 1135) du Code civil, « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. »

En outre, l’employeur est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail (article L.1222-1 du Code du travail).

C’est au visa de ces deux textes que la Cour de cassation, dans un précédent arrêt du 18 octobre 2006 (n°04-48612) a pu considérer que « l’employeur est investi, par la loi, d’un pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination juridique » et qu’il était tenu de garantir les salariés « à raison des actes ou faits qu’ils passent ou accomplissent en exécution du contrat de travail  ».

Dans son arrêt du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a réaffirmé sa position, en apportant cependant une limite à la « protection juridique » du salarié.

2) Une « protection juridique » du salarié encadrée et limitée aux seuls actes accomplis en exécution du contrat de travail

L’obligation pour l’employeur de rembourser au salarié les frais engagés pour sa défense n’est pas absolue.

En effet, dans son arrêt du 5 juillet 2017 (n°15-13702), la Cour de cassation précise les conditions pour qu’un salarié puisse bénéficier de cette « protection juridique ».

Tout d’abord, la Haute Juridiction relève que les faits reprochés au salarié avaient tous été exécutés à la demande et sous l’autorité du dirigeant, qui avait été informé de l’ensemble des opérations menées.

De plus, ces actes ont été exécutés dans le cadre de l’activité professionnelle du salarié et sans que ce dernier n’ait commis d’abus de ses fonctions à des fins personnelles.

Aussi, il ressort de cet arrêt que, dès lors que les faits répréhensibles ont été accomplis en exécution du contrat de travail, la « protection juridique » doit s’appliquer.

Cependant, quid juris de cette « protection juridique » si le salarié est reconnu coupable d’une infraction pénale ?

En effet, dans les deux cas d’espèce soumis à l’appréciation de la Cour de cassation, le salarié en cause avait soit bénéficié d’un non-lieu, soit été relaxé.

Dans son arrêt du 5 juillet 2017 (n°15-13702), la Cour de cassation ne semble pas tenir compte de la reconnaissance, ou non, de la responsabilité du salarié.

En effet, la Haute Juridiction prend le soin de préciser que la cour d’appel en a « exactement déduit de ces seules énonciations que l’employeur devait prendre en charge les frais exposés par le salarié pour assurer sa défense ».

Il apparait donc que seules les conditions dans lesquelles la potentielle infraction pénale a été réalisée permettent de faire intervenir la « protection juridique ».

Aussi, à notre sens, il importe uniquement de rechercher si les actes, quelle que soit la qualification in fine retenue, ont été exécutés dans le cadre du contrat de travail par le salarié, et sans abus de ses fonctions à des fins personnelles.

Un salarié, reconnu pénalement responsable d’agissements commis dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail pourrait donc obtenir de son employeur le remboursement des frais qu’il a engagé dans le cadre de sa défense.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum
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