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Expropriation et procédure d’appel. Par Juliette Delgorgue, Avocat.
Parution : lundi 6 novembre 2017
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L’absence de production d’un mémoire dans les trois mois suivant le dépôt de la déclaration d’appel en matière d’expropriation n’entache pas nécessairement la régularité de la procédure devant la Cour.

Il résulte de l’article R.311-26 du Code de l’expropriation que la personne désirant former appel d’un jugement rendu par le juge de l’expropriation en première instance doit, à peine de caducité (c’est-à-dire au risque de voir son appel directement rejeté sans analyse au fond de sa demande), déposer au greffe de la Cour ses conclusions et ses pièces justificatives dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

Par un arrêt pour le moins très étonnant en date du 9 février 2017 (n°15/15489), la cour d’appel de Paris a décidé de nuancer la portée de l’article R.311-26 sus-évoqué en jugeant que l’absence de dépôt des conclusions de l’appelant et des pièces à l’issue dudit délai de trois mois pouvait être suppléée par la déclaration d’appel.
En clair, à partir du moment où la déclaration d’appel est suffisamment explicite sur les demandes de l’appelant, l’absence de production d’un mémoire n’est pas de nature à entraîner l’irrégularité de la saisine du juge d’appel :
« Considérant toutefois que la déclaration d’appel d’un jugement statuant sur une indemnité d’expropriation peut suppléer à l’absence d’un mémoire ultérieur dès lors qu’elle contient une énonciation suffisante des prétentions de l’appelant ; qu’il faut pour suppléer l’absence de mémoire dans le délai de trois mois que la déclaration d’appel contienne des prétentions chiffrées et indique les moyens formulés à l’appui de sa demande d’infirmation de la décision du premier juge ».

Des précisions procédurales non négligeables

Dans cette affaire, la cour d’appel a finalement déchu l’exproprié de son appel dès lors que la déclaration qu’il avait enregistrée ne contenait aucun moyen juridique, ni aucune prétention indemnitaire. Elle n’était donc pas suffisamment précise pour suppléer l’absence de dépôt de mémoire.

D’un point de vue procédural, l’incidence de cet arrêt est loin d’être négligeable.
Il ouvre en effet à l’appelant la possibilité de se libérer de son obligation de produire un mémoire dans les trois mois suivant le dépôt de sa déclaration d’appel, en veillant toutefois scrupuleusement à y soulever des moyens juridiques (arguments motivés en droit), ainsi que des prétentions indemnitaires chiffrées et justifiées.

Reste à voir si cette jurisprudence sera entérinée par la Cour de Cassation…

Juliette DELGORGUE Avocat - Spécialiste en Droit Public