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Quelles obligations pour le juge administratif lorsqu’il prononce l’annulation partielle d’un permis de construire ? Par Tiffen Marcel, Avocate.
Parution : mercredi 8 novembre 2017
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Lorsque le juge administratif décide de limiter à une partie du projet, l’annulation de l’autorisation d’urbanisme qu’il prononce, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, il lui appartient, au préalable, de constater qu’aucun des autres moyens présentés devant lui, susceptibles de fonder une annulation totale de cette autorisation, ne peut être accueilli, et d’indiquer dans sa décision pour quels motifs ces moyens doivent être écartés (Conseil d’État, 16 octobre 2017, req. n°398902).

L’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a codifié, à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, la possibilité pour le juge administratif de prononcer l’annulation partielle d’un permis de construire lorsqu’un vice n’affecte qu’une partie du projet et que celui-ci peut donner lieu à régularisation par un permis modificatif :
« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation » (article L. 600-5 du cCde de l’urbanisme).

Par son arrêt du 16 octobre 2017 (req. n°398902), le Conseil d’État précise que, l’annulation partielle d’un permis de construire est subordonnée à la justification préalable, par le juge administratif, de ce qu’aucun autre moyen susceptible de fonder une annulation totale de l’acte ne peut être retenu :
« 2. (…) qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge administratif décide, sur leur fondement, de limiter à une partie du projet l’annulation de l’autorisation d’urbanisme qu’il prononce, il lui appartient de constater préalablement qu’aucun des autres moyens présentés devant lui susceptibles de fonder une annulation totale de cette autorisation ne peut être accueilli et d’indiquer dans sa décision pour quels motifs ces moyens doivent être écartés ;  ».

En effet, le Conseil d’État considère qu’une cour administrative d’appel qui prononce l’annulation partielle d’un permis de construire, sans justifier des raisons qui l’ont conduit à écarter les autres moyens invoqués devant elle, ne motive pas suffisamment sa décision :
« 3. Considérant qu’après avoir écarté le moyen tiré de l’irrégularité de l’intervention d’un permis rectificatif aux lieu et place d’un nouveau permis la cour a fait droit aux moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-3 du Code de la construction et de l’habitation et UM-C 11 du règlement du plan local d’urbanisme par les dispositions du permis concernant les surfaces commerciales situées en rez-de-chaussée ; que, faisant application des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, elle n’a ensuite prononcé qu’une annulation partielle du permis de construire attaqué ;

4. Considérant que la cour n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que les autres moyens invoqués par les requérants, dont elle était saisie par l’effet dévolutif de l’appel, et qui étaient susceptibles d’entraîner une annulation totale des permis contestés, n’étaient pas fondés ; qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, avant de prononcer en application des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, l’annulation partielle du permis de construire, de constater qu’aucun des autres moyens invoqués devant elle n’était fondé et d’indiquer dans sa décision pour quels motifs ceux-ci devaient être écartés, la cour a insuffisamment motivé sa décision ; que, par suite, M. T...et autres sont fondés, pour ce motif et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’article 5 de l’arrêt qu’ils attaquent ; »

Ainsi, la prononciation d’une éventuelle annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme par le juge administratif est subordonnée à l’analyse préalable de l’ensemble des moyens et, à la vérification de ce qu’aucun moyen n’est susceptible de fonder une annulation totale de cette autorisation.

Ce n’est que dans l’hypothèse où aucun moyen n’est susceptible de fonder une annulation totale de l’autorisation d’urbanisme que le juge administratif peut, après avoir expressément écarté ces moyens et motivé sa décision, annuler partiellement l’autorisation en cause.

D’abord, l’arrêt du 16 octobre 2017, rappelle le principe posé à l’article L. 9 du Code de justice administrative qui impose aux juridictions de l’ordre administratif de motiver leurs décisions.

Ensuite, le Conseil d’État confirme le principe énoncé à l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme qui impose au juge administratif, en matière d’urbanisme, de se prononcer sur l’ensemble des moyens soulevés devant lui à l’appui d’un recours en annulation ou en suspension d’une autorisation d’urbanisme, et qui dispose ce qui suit :
« Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier. »

Surtout, le Conseil d’État précise que l’annulation partielle d’un permis de construire ne peut être prononcée que de manière subsidiaire par rapport à une annulation totale et dans l’unique hypothèse où cette dernière demande doit être rejetée faute de moyens fondés en ce sens.

Tiffen Marcel Avocate au barreau de Paris [->tiffen.marcel@obsalis.fr] [->https://www.obsalis.fr/]
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