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Le nouveau régime de la promesse d’embauche. Par Alexandre Pilliet, Avocat.
Parution : vendredi 5 janvier 2018
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Alors que les Ordonnances « Macron » modifient en profondeur des pans entiers du droit du travail, la jurisprudence continue son travail d’adaptation de ce même droit au nouveau régime des obligations issu de l’ordonnance du 10 février 2016 : ainsi en est-il d’une décision de la Cour de Cassation du 21 septembre 2017 modifiant sensiblement le régime et la portée de la promesse d’embauche.

En principe, la promesse d’embauche peut-être écrite ou orale. Néanmoins, afin de se garantir juridiquement pour des raisons opposées mais pas différentes, recruteur comme candidat à l’embauche préfèrent fixer les termes de l’embauche par écrit.
Ainsi, l’employeur dispose d’un document fixant les principaux éléments du contrat de travail à venir et évite les revendications de dernière minute avant signature.
Le salarié jouit bien évidemment de la même sécurité contre l’hypothèse d’un employeur souhaitant, après discussions et au moment de signer le contrat de travail, modifier certaines conditions du contrat en défaveur de son co-contractant.

Quant à la jurisprudence, elle considérait jusqu’à maintenant qu’une promesse d’embauche suffisamment détaillée (précision de l’emploi proposé, de la date d’entrée en fonction et de la rémunération) constituait un contrat qui pouvait contraindre les Parties. Ainsi, la rétractation de l’employeur sans motif légitime était analysée par le juge comme étant un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînant l’indemnisation du salarié (Cass. Soc. 15 décembre 2010, n°08-42.951).

Or, la Chambre Sociale de la Cour de cassation, dans son mouvement d’adaptation du droit contractuel en droit social suite à la réforme du droit des obligations de l’Ordonnance du 10 février 2016, modifie sensiblement le régime de la promesse d’embauche dans un arrêt du 21 septembre 2017 (Cass. Soc., 21 septembre 2017, n°16-20.104).

Dans cette espèce, les juges du fond donnent raison au salarié, en l’occurrence un joueur de rugby, considérant que le club recruteur ne donnant pas suite à sa promesse d’embauche, et peu importe que le joueur l’ait contresigné à la suite de cette rétractation, il s’agissait d’une rupture abusive du contrat de travail constitué par cette promesse. Solution classique.

Mais la Cour de cassation décide de censurer le juge d’appel en énonçant deux attendus de principe :
« Attendu que l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur » ;

« Attendu, en revanche, que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis ».

Selon la Cour, il faut donc désormais distinguer deux hypothèses :
- Soit il s’agit d’une offre de contrat de travail avec précisions habituelles des conditions d’emploi et nécessitant l’acceptation du candidat à l’embauche. Cette offre peut donc être rétractée avant acceptation de ce dernier.
- Soit il s’agit d’une promesse unilatérale d’embauche par laquelle l’employeur promet une embauche en précisant les conditions d’emploi avec droit d’option laissé au bénéfice du salarié pendant un temps déterminé. Dans cette hypothèse, l’employeur ne peut se rétracter pendant le délai d’option laissé au candidat à l’embauche sous peine de voir cette rétractation requalifiée en rupture abusive du contrat de travail.

On remarque au passage que la sanction est différente selon les cas : dans la première hypothèse, l’employeur qui se rétracte à la suite de l’acceptation de l’offre par le candidat à l’embauche engage sa responsabilité extracontractuelle, puisqu’il s’agit d’une question de droit des obligations en dehors de tout contrat de travail.

En revanche, dans la seconde hypothèse, la Cour rappelle que la rétractation dans le délai d’option n’empêche pas la formation du contrat de travail. La sanction est donc logiquement l’indemnisation d’une rupture abusive du contrat de travail.

Comme le fait remarquer la Cour de Cassation dans sa note explicative, cette évolution permet de prendre en compte un facteur déterminant qu’est le consentement du candidat à l’embauche, critère absent de la jurisprudence ancienne sur le sujet.

Recruteurs et candidat à l’embauche devront donc désormais non seulement négocier les conditions de travail à définir mais peut être également prévoir ensemble la forme que doit prendre la promesse d’embauche.

Alexandre PILLIET Avocat à la Cour FDA – Fénéon Delabrière Avocat Mail : alexandre.pilliet@feneon-delabriere.com Site internet : www.feneon-delabriere.com
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