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Agent commercial : paiement des commissions, rupture de contrat, indemnité, compétence juridictionnelle. Par Antoine Simon, Avocat.
Parution : lundi 8 janvier 2018
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Sélection de décisions de justice 2017 relatives aux agents commerciaux.

Paiement des commissions :

Le paiement des commissions à bonne date constitue une obligation essentielle à la charge du mandant.

Il incombe au mandant de justifier du chiffre d’affaires réalisé pour permettre à l’agent commercial d’établir son droit à commissions et non à l’agent commercial de démontrer l’assiette de son commissionnement.

C’est ce qu’a rappelé un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 mars 2017.

Rupture du contrat d’agent du fait du mandant et droit à indemnité de l’agent :

Volonté du mandant d’imposer à l’agent un nouveau contrat :

Un mandant avait notifié à son agent commercial le non-renouvellement des contrats à durée déterminée en vigueur et lui avait proposé alors la négociation d’un nouveau contrat.

L’agent refuse le contrat nouveau proposé et réclame l’indemnité de rupture des relations.

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris déboute l’agent de sa demande au motif que le refus de l’agent de conclure le nouveau contrat serait à l’origine de la rupture.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en jugeant que l’agent qui refuse de conclure un contrat nouveau à l’expiration du précédent, non renouvelé par le mandant, n’a pas l’initiative de la cessation du contrat, de sorte qu’il n’est pas privé du droit à indemnité.

Cette solution doit être approuvée. Nul n’est tenu d’accepter un contrat différent et c’est la notification par le mandant du non renouvellement des accords précédents qui est la cause de la rupture des relations.

Modification autoritaire des modalités de travail :

Par un arrêt du 9 novembre 2017, la Cour d’appel de Paris a jugé que le fait pour un mandant d’imposer à son agent commercial, sans raison valable et de façon brutale et vexatoire, des modifications substantielles de ses modalités de travail, de façon à l’empêcher de travailler conformément à sa pratique ancienne connue et acceptée, s’analysait en une rupture du contrat totalement imputable au mandant.

La Cour octroie à l’agent une indemnité de cessation de contrat correspondant à deux années de commissions.

Non-paiement des commissions :

Dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation du 26 avril 2017, le mandant avait manipulé les états de marge, avait une gestion déficiente des encours clients, avait procédé à des déductions abusives de commissions et avait exercé une concurrence déloyale au détriment de l’agent commercial.

La Cour d’appel avait cru pouvoir priver l’agent d’indemnité au motif que celui-ci ne se serait pas suffisamment plaint de manière circonstanciée de l’attitude du mandant.

La Cour de cassation casse cette décision en considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le comportement du mandant était constitutif d’une rupture du fait de celui-ci.

On peut conseiller aux agents d’être particulièrement prudents et de bien formaliser par écrit les reproches faits au mandant avant de prendre l’initiative de constater la rupture du contrat

Comportement du mandant ne mettant pas l’agent en mesure d’exécuter son contrat :

L’agent commercial peut avoir droit à une indemnité de rupture, même en cas de faute grave, dès lors que cette faute grave n’est pas la cause de la rupture.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 8 juin 2017 un arrêt intéressant en ce sens.

Un agent, quoiqu’ayant commis une faute grave, se voit reconnaître un droit à indemnité au motif que ce n’est pas sa faute grave qui était à l’origine de la rupture, mais un comportement fautif imputable au mandant qui n’avait pas mis l’agent en mesure de continuer à exercer son mandat ni de procéder à la facturation de ses commissions.

Autrement dit, c’est seulement si la faute grave de l’agent est la cause directe de la rupture que l’agent perd son droit à indemnisation.

Un arrêt de la CJUE du 28 octobre 2010 l’avait déjà jugé en relevant que la Directive européenne ne prévoit la suppression de l’indemnité que lorsque le mandant rompt « pour un manquement imputable à l’agent commercial », ce qui nécessite donc une causalité directe entre le manquement et la décision de rupture.

L’article L. 134-12 du Code de commerce français traduit la même idée en indiquant que la réparation n’est pas due lorsque « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ».

Ainsi, le droit de l’agent à indemnité prévu par la loi impérative ne cesse que lorsque la rupture s’est imposée au mandant du fait de l’existence d’une faute grave de l’agent. Le mandant qui rompt pour un autre motif, ou dont le comportement fautif provoque la rupture, doit l’indemnité à l’agent, quoique celui-ci se trouverait par ailleurs fautif.

Cette solution, respectueuse des termes de la Directive comme du droit français, pourrait remettre en cause une précédente décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui avait privé un agent d’indemnité au motif d’une faute grave, alors que cette faute grave s’était révélée postérieurement à la rupture et n’avait donc pas pu être la cause de cette rupture.

Montant de l’indemnité de 2 ans :

Le 8 mars 2017, un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse a accordé à l’agent une indemnité de rupture de contrat égale à deux années de commissions (au lieu de 6 mois accordés en première instance).

La Cour juge :
« Par la rupture de son contrat imputable à la faute [du mandant], [l’agent] a perdu la part de marché qu’[il] pouvait espérer de la poursuite de cette activité et l’élément incorporel que représente le mandat pour son entreprise. Il y a lieu d’évaluer son préjudice par référence à deux années de commissions HT… »
(voir sur notre site)

Cette décision est donc tout à fait satisfaisante.

Absence de faute de l’agent commercial et droit à indemnité :

Un arrêt de la Cour de Besançon du 17 janvier 2017 juge que la juxtaposition de reproches mineurs ou de reproches anciens faits par le mandant à l’agent, ne suffit pas à rendre impossible le maintien des relations contractuelles et ne saurait donc constituer une faute grave de l’agent.

La Cour condamne en conséquence le mandant à verser à l’agent une indemnité de rupture égale à deux années de commissions.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris rappelle que la baisse du chiffre d’affaires n’est jamais en elle-même constitutive d’une faute grave de l’agent commercial.

L’agent commercial n’est en effet tenu que d’une obligation de moyens et l’évolution du chiffre peut être due à des circonstances qui relèvent du contexte économique, de l’offre du mandant, de son positionnement tarifaire…

La Cour d’appel, jugeant que l’agent commercial n’a commis aucune faute grave, lui accorde une indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions, selon l’usage professionnel que la Cour rappelle.

L’arrêt ajoute qu’il n’existe pas de raison en l’espèce de s’écarter de cet usage.

Compétence juridictionnelle :

Dans un contrat international d’agent commercial la question du juge compétent en cas de litige est particulièrement cruciale pour les droits de l’agent.

Ainsi, dans une affaire où un agent commercial français avait conclu un contrat avec un mandant espagnol, sans qu’aucune clause attributive de compétence juridictionnelle n’ait été prévue, les parties débattaient de savoir si la juridiction compétente devait être le tribunal français, comme le voulait l’agent, ou le tribunal espagnol comme le soutenait le mandant.

La Cour de cassation décide le 13 septembre 2017 que le juge compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur ce contrat (indemnité de rupture et commissions arriérées), est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de la fourniture principale des services de l’agent, tel qu’il résulte des stipulations du contrat, ou à défaut de telles stipulations, de l’exécution effective de ce contrat et, en cas d’impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l’agent est domicilié.

La Cour valide donc la compétence du juge français.

Maître Antoine SIMON Avocat associé L.E.A - Avocats
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