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La régularisation d’un compte étranger est-elle encore possible depuis la fermeture du STDR ? Par Eve d’Onorio di Méo et Margot Gonzalez, Avocats.
Parution : mercredi 28 mars 2018
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Le 31 décembre 2017, le Gouvernement a mis fin au dispositif avantageux des circulaires Cazeneuve en vue de la régularisation des avoirs non déclarés détenus à l’étranger. Ce ne sont pas moins de 36.700 dossiers qui ont été traités depuis l’ouverture de la procédure de régularisation spontanée en 2013 (dont encore 13.000 dossiers en cours de traitement), représentant près de 7,8 milliard d’euros de recettes complémentaires pour l’Etat français et plus de 5 milliards à venir encore. De ce fait, la régularisation d’un compte étranger est-elle encore possible depuis la fermeture des services du STDR (Service de Traitement des Déclarations Rectificatives) ?

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2018, l’échange automatique de renseignements bancaires s’est accéléré entre les pays ayant signé une convention fiscale en ce sens.

Il est apparu important de revenir sur les obligations déclaratives de ce dispositif de régularisation incitatif pour faire un point sur la situation des contribuables détenant encore des avoirs à l’étranger non déclarés en France après le 31 décembre 2017. Que se passe t-il en cas de contrôle fiscal ? Une régularisation est-elle encore possible en 2018 et dans quelles conditions ?

1. Rappel des obligations déclaratives d’un résident fiscal français détenant des avoirs à l’étranger et risques en cas de contrôle fiscal.

Tout contribuable résident fiscal français a une obligation fiscale illimitée et doit déclarer ses revenus et son patrimoine français et mondiaux. En cas de détention de patrimoine à l’étranger qu’il soit mobilier ou immobilier, les obligations sont les suivantes :

1) Déclarer le compte étranger chaque année au service des impôts de son lieu de résidence.
Les personnes physiques (mais aussi les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale) résidents fiscaux en France, doivent déclarer :
- Les comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. L’obligation déclarative pèse sur les titulaires des comptes ainsi que sur toute personne ayant une procuration sur ces comptes (article 1649 A du Code général des impôts). Chaque compte financier doit faire l’objet d’une déclaration distincte établie sur un imprimé n° 3916 chaque année.
- Les contrats de capitalisation ou les placements de même nature, notamment les contrats d’assurance-vie, auprès d’organismes établis à l’étranger (article 1649 AA du CGI). Cette déclaration doit être faite sur papier libre ou dans le champ « observations » de la déclaration chaque année, en indiquant les éléments d’identification de chaque contrat.

2) Déclarer les revenus annuels liés à ces avoirs étrangers sur une déclaration 2047 (revenus bancaires, revenus fonciers liés à la détention d’un bien immobilier à l’étranger sous réserve de l’application des conventions internationales).

3) Déclarer certains contrats de capitalisation représentatif de parts en immobilier dans l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière) si vous y êtes soumis.

Toute personne qui ne satisferait pas à ces obligations s’exposent, en cas de redressement fiscal, à des sanctions fiscales et pénales lourdes de conséquences :

- Amendes fiscales pouvant aller de 1 500 euros par compte à 20 000 euros pour des trusts ;
- Rappel d’impôt sur le revenu et d’ISF/IFI sur 10 ans avec des majorations pour fraude fiscale de 80% et des intérêts de retard ;
- Risque d’une sanction pénale pouvant aller jusqu’à 3 000 000 euros d’amendes et 7 ans d’emprisonnement.

2. Rappel du dispositif Cazeneuve pour toute régularisation déposée avant le 31 décembre 2017.

Les circulaires Cazeneuve de 2013 prévoyaient la possibilité, pour les contribuables n’ayant pas déclarés en France leurs avoirs détenus à l’étranger, de régulariser leur situation fiscale spontanément en bénéficiant d’une réduction du montant des pénalités et amendes applicables. Le Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR) a ainsi été spécialement créé au sein de l’Administration fiscale française afin de recevoir et traiter les dossiers de régularisation des contrevenant souhaitant se mettre en conformité avec leurs obligations fiscales françaises. Par ailleurs, les personnes procédant à la régularisation spontanée de leurs avoirs étrangers non déclarés en France ne faisaient pas l’objet de poursuites pénales pour fraude fiscale.

Par communiqué de presse du 15 septembre 2017, le Gouvernement a annoncé la fin du dispositif dérogatoire de régularisation des avoirs étrangers instauré par les circulaires Cazeneuve de 2013. La fin d’application des pénalités réduites en cas de régularisation spontanée a ainsi été fixé au 31 décembre 2017. Seuls les dossiers complets (dossiers comportant l’ensemble des déclarations rectificatives et du paiement des droits) déposés avant le 31 décembre 2017 pouvaient encore bénéficier des dispositions avantageuses prévues par les circulaires Cazeneuve.

3. Après le 31 décembre 2017, que se passe t-il ? Peut-on encore régulariser ?

Les dispositions avantageuses des circulaires Cazeneuve ne peuvent plus s’appliquer depuis le 1er janvier 2018 et le STDR n’accueille plus de nouveaux dossiers.

Toutefois, il faut continuer d’inciter les postulants à régulariser leur situation plutôt que de courir le risque d’être rattrapés par un contrôle. Compte tenu des informations en notre possession, il semblerait que les nouvelles demandes devront être adressées aux Directions départementales des Finances publiques et qu’elles seront jusqu’à nouvel ordre traitées avec la majoration atténuée de 40 %.

Ceci ouvre la voie d’une possible régularisation spontanée après le 1er janvier 2018 avec des majorations atténuées à 40% et la possibilité d’écarter le risque pénal, sans que cela ne soit automatique. A ce jour, rien est publié en ce sens et ce n’est pas la volonté du gouvernement de proroger le dispositif de régularisation. Toutefois, comme dans toute procédure de régularisation spontanée par un contribuable, l’Administration a toujours su faire preuve de tolérance.

En tout état de cause, en cas de régularisation spontanée du contribuable après le 1er janvier 2018, les pénalités pourraient être les suivantes :

- une amende de 1.500 euros par compte/contrat non déclaré et par année non prescrite (l’année en cours et les quatre années précédentes) ou de 10.000 euros lorsque les avoirs sont détenus dans un Etat n’ayant pas conclu de convention en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale avec la France (ETNC) ou de 20.000 euros en cas de trusts (article 1736 IV du CGI).

- un rappel fiscal d’IR et d’ISF/IFI sur les déclarations des 10 dernières années ou des 3 dernières années seulement si le montant des avoirs ne dépassent pas 50.000 euros.

- une majoration de 80 % de tous les rappels d’impôt liés aux sommes ou produits inscrits sur un compte bancaire, un contrat de capitalisation ou dans un trust non déclaré (article 1729-0 A du LPF). Cette majoration serait ramenée à 40% selon une communication orale de mars 2018 et dans un souci de tolérance. Cela représenterait donc le seul avantage de faire à ce jour une régularisation spontanée de ses avoirs.

- un intérêt de retard au taux de 0,40% par mois de retard décomptés à partir du 1er juillet de l’année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition aurait dû être établie.

En matière pénale, l’absence de déclaration d’avoirs détenu à l’étranger est constitutive d’un délit de fraude fiscale aggravée. Ce délit est sanctionné par l’article 1741 du CGI qui prévoit une amende de 3.000.000 d’euros, une peine d’emprisonnement de 7 ans, et une peine complémentaire de privation des droits civiques, civils et de famille. Tout laisse à penser que l’administration fiscale en cas de régularisation spontanée, et ce même après le 1er janvier 2018, ne devrait pas saisir le parquet des faits de fraude fiscale aggravée et abandonnerait donc par tolérance les poursuites pénales à l’encontre du contribuable. Aucun texte ne le garantit à ce jour pourtant.

A compter du 1er janvier 2018, il est bien évidemment toujours possible de régulariser sa situation en cas de non déclaration d’avoirs étrangers. La régularisation s’opérera toutefois sans la garantie d’une réduction des pénalités fiscales (sauf une majoration des impositions atténuée à 40% jusqu’à nouvel ordre) et a priori en écartant le risque de poursuite pénale. Il est donc conseillé aux contribuables n’ayant pas encore eu l’occasion de régulariser leurs avoirs étrangers de le faire sans plus attendre avec l’aide d’un avocat qui pourra préparer et négocier au mieux avec l’administration fiscale. En cas de contrôle fiscal, l’avocat peut également accompagner le contribuable pour sa défense.

Eve d'Onorio di Méo Avocat spécialiste en Droit Fiscal [->ed@donorio.com] www.donorio.com et Margot Gonzalez Avocat