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Comment le conjoint survivant peut-il cantonner ses droits successoraux ? Par Jean-Philippe Jacquot, Notaire-assistant.
Parution : lundi 9 avril 2018
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Dans quelles mesures le conjoint survivant peut-il limiter ses droits successoraux ?
Comment le cantonnement de ses droits pourra-t-il être un outil de gestion patrimonial et optimiser la fiscalité de la succession et des patrimoines des héritiers ?

La loi 23 juin 2006 (article 1094 -1 du Code civil) dispose que : « Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles. »

Le conjoint survivant peut ainsi fixer son émolument et ainsi cantonner !
La loi du 23 juin 2006 a également étendu l’exercice de cette faculté à tout légataire (C. civ., art. 1002-1).

Ainsi, le cantonnement est bien un outil de gestion post-successorale et de transmission « sur mesure » à l’instar de la représentation du renonçant, qui participe du même objectif : augmenter les droits des autres héritiers.
Il s’applique à toutes les libéralités à cause de mort (donation et legs) alors même qu’aucune clause n’aurait été prévue en ce sens. Il s’agit ainsi d’une acceptation partielle d’une libéralité à cause de mort.

Notons que le cantonnement est une option à ne pas confondre avec l’option successorale dont le régime juridique est bien établi.
Avant 2006 l’ancien régime de renonciation, impliquait une double mutation et donc une double taxation. Ce qui n’est plus le cas depuis.
Il conviendra donc d’examiner, les aspects légaux et conventionnels du cantonnement puis sous un angle pratique, d’en étudier sa mise en œuvre.

1° Conditions

Le cantonnement s’applique au dernier des vivants et à tous les legs, consentis même avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du 23 juin 2006, sauf volonté contraire du disposant. L’initiative du dispositif lui appartient donc.
Il faut faire attention à la pression potentielle des héritiers indirectement bénéficiaires d’un cantonnement ne doit pas être négligée. Et par ailleurs, limiter l’étendue du cantonnement peut aussi être motivé par des raisons fiscales ou patrimoniales.
Enfin, il faut qu’au moins un héritier ait accepté la succession.

Quelles sont les libéralités dont l’émolument peut être cantonné ?

Il y a les legs de l’article 1002-1 du code civil

Ce texte s’applique tant aux legs universels qu’à titre universel ou particulier. Un conjoint survivant, bénéficiaire de plusieurs legs, peut cantonner les uns et pas les autres. S’il est à la fois héritier et légataire, il peut avoir intérêt à renoncer à sa qualité d’héritier pour n’accepter que celle de légataire, qui est susceptible de cantonnement.

Notons que les legs graduel ou résiduel ne peuvent faire l’objet d’un cantonnement.

Les donations au dernier vivant :

Principalement les donations entre époux. Toutefois, la faculté de cantonnement n’est pas applicable aux droits légaux du conjoint survivant.
La doctrine est unanime à considérer que même hors la présence de descendant, une donation entre époux peut faire l’objet d’un cantonnement

De quelles transmissions s’agit-il ?
Les libéralités qui, prenant effet au décès, portent sur des biens présents et non sur des biens à venir, ne peuvent faire l’objet d’un cantonnement.
Concernant la donation d’usufruit successif, (donation à terme de biens présents), cela reviendrait à revenir sur une acceptation, qui a rendu la donation parfaite.

Les modalités d’exercice du cantonnement

La faculté de cantonnement n’obéit pas au régime juridique de l’option successorale. Son régime n’est pas défini par le législateur, d’où la nécessité de le définir dans l’acte constitutif (donation entre époux ou legs)
Aucun formalisme ou délai particulier n’est ici prévu. On peut prévoir dans l’acte conférant la libéralité que le cantonnement se fera dans l’acte de délivrance de legs ou acte d’option par exemple.
Il faut savoir que le cautionnement est un acte unilatéral.

En pratique il faudrait encadrer l’option pour le cantonnement dans un délai.

2° Effets du cantonnement vis-à-vis des héritiers

L’idée est que l’émolument délaissé et « qui ne sera pas vu par le bénéficiaire », ne fera plus l’objet de la libéralité.
Ainsi, le cantonnement profitera à tous les héritiers du défunt dans la mesure de leur vocation successorale.

Fiscalement, les biens recueillis par les héritiers, du fait du cantonnement, sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt et ne sont donc pas considérés comme une libéralité faite aux autres successibles.
Attention, le cantonnement peut, au premier décès, entraîner plus de droits de succession ! Il est fortement recommandé de demander conseil au notaire chargé du règlement de la succession.

Les raisons du cantonnement :
Ce peut être pour des raisons fiscales : le conjoint survivant peut ne pas vouloir appréhender l’usufruit de biens inutiles pour lui mais coûteux en termes d’IFI (impôt sur la fortune immobilière) ; il peut vouloir cantonner l’usufruit légué à un droit d’usage qui pourrait être plus adapté à ses besoins.
Cependant, ce sera avec les enfants (ou autres héritiers) au vu de l’économie d’ensemble du règlement successoral que la décision sera prise par le conjoint survivant.
Dans le cadre d’une optimisation fiscale maximale, le cantonnement pourra servir le démembrement de propriété (avec des droits en usufruit et des droits en pleine propriété).

Jean-Philippe Jacquot Notaire associé à Villemomble (93) Réseau Les Artisans Notaires: Villemomble (93) / Croissy-sur-Seine (78)
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