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Les diagnostics immobilliers. Par Patrick Heftman, Avocat.
Parution : vendredi 8 juin 2018
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Dans les méandres des diagnostics immobiliers ou comment s’y retrouver dans les durées, conditions de validité, et conditions de mise en œuvre.

Dans les méandres des diagnostics immobiliers.

Lors de la signature d’une promesse de vente d’immeuble bâti, l’article L 271 - 4 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) impose d’annexer à l’acte un dossier de 9 diagnostics techniques.

En l’absence de promesse préalable à la vente, ce qui est plutôt rare, ce dossier est joint à l’acte authentique de vente.

L’ absence des différents documents n’est pas sanctionnée de la même façon ; les exigences et durées de vie de chacun d’entre eux sont variables, et leur validité est appréciée au moment de la signature de l’acte authentique de vente.

Le plus souvent, leur absence à l’acte de vente empêche de se prévaloir de la garantie des vices cachés correspondante à l’élément non contrôlé.

Seul l’état des risques naturels et technologiques est exigé à peine de nullité, relative, l’acquéreur pouvant poursuivre la résolution de la vente, ou encore demander une diminution du prix.

Quant au diagnostic de performance énergétique, il n’a qu’une valeur informative.

Une sanction complémentaire semble ne pas avoir été expressément prévue par la loi : en cas d’absence d’annexion à la promesse de vente.

L’article L 271 – 1 du code de la construction et de l’habitation impose en effet de notifier à l’acquéreur, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou bien encore remise en mains propres (si le rédacteur est un professionnel) la promesse qu’il vient de signer, lui ouvrant ainsi un délai de rétractation de 10 jours.

Cet acte n’est cependant complet que si les différents diagnostics y sont annexés (L 271 - 4).

On peut donc penser que l’absence de l’un ou l’autre de ces diagnostics rendra l’acte imparfait et ne fera pas courir le délai de rétractation.

S’il ne s’agit pas là d’une nullité, il serait bien périlleux pour le vendeur, ou le professionnel rédacteur, de rester soumis au risque de voir à tout moment l’acquéreur se désister de son engagement en faisant valoir son délai de rétractation.

Ces états sont réalisés par des diagnostiqueurs, à qui il a été au surplus dévolu un rôle d’information des pouvoirs publics à fin d’études statistiques et d’évaluation du parc immobilier : ils ont l’obligation de transmettre les diagnostics de performance énergétique à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. [1]

Leur compétence est assurée par des certifications délivrées par un organisme accrédité, et leur responsabilité garantie par la souscription d’ une assurance professionnelle.

Leurs fautes sont sanctionnées en vertu des principes généraux de la responsabilité, et la jurisprudence est là pour le confirmer.

Ainsi pour un diagnostic termite défaillant : "Vu l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation (...) Qu’en statuant ainsi, alors que les préjudices liés à la présence de termites non mentionnée dans l’attestation destinée à informer l’acquéreur revêtent un caractère certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé." [2]

Dans cette étude, nous ne rentrerons pas dans le détail de la réalisation de ces différents diagnostics : nous nous attacherons à un descriptif général et pratique, à l’usage notamment des professionnels réalisant des transactions immobilières.

I - Les diagnostics dont l’absence prive le vendeur de la possibilité de s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondant.

Si cette sanction n’est, après tout, que de bon sens et d’une portée modérée, elle n’est pratiquement jamais encourue : l’usage s’est instauré de réaliser l’ensemble des diagnostics, quand bien même le vendeur aurait la conviction que certains sont inutiles car les éléments contrôlés sont conformes.

Il n’y a pas de notaire qui accepterait de régulariser un acte de vente auquel un des diagnostics ferait défaut.

Certains de ces diagnostics ayant une durée de vie limitée, ils doivent être en cours de validité lors de la signature de l’acte authentique de vente.

Il peut ainsi arriver que l’un de ces contrôles soit valable lors de la promesse, mais expiré à la signature de l’acte notarié ; dans ce cas, il doit être refait. [3]

Le constat de risque d’exposition au plomb.

Ce constat n’est requis que si la vente porte sur un bien à usage d’habitation construit avant le 1er janvier 1949 (articles L. 1334 - 5 et suivants du Code de la santé publique (CSP))

Si ce constat s’avère négatif (absence de plomb, ou présence à un niveau inférieur aux seuils réglementaires), sa durée de vie n’est pas limité : lors des mutations ultérieures, il peut être joint au dossier de diagnostic technique.

Si le constat mentionne la présence de plomb, sa durée de validité est limitée à une année. [4]

Si le constat plomb n’est pas joint, le vendeur ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés relatifs à la présence de plomb.

Ainsi, à l’occasion de travaux ultérieurs, si l’acquéreur venait à trouver du plomb, et devait procéder aux travaux nécessaires pour supprimer le risque d’exposition à ce matériau, le vendeur devrait sa garantie.

L’ état concernant l’amiante.

Cet état, qui précise la présence, ou l’absence, de matériaux contenant de l’amiante, ne concerne que les immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997. [5]

Ce diagnostic concerne tant les parties privatives que les parties communes, quand le bien vendu est en copropriété : tous les immeubles en copropriété doivent désormais disposer d’un diagnostic technique, qui comprend un volet sur l’amiante.

Le constat amiante n’est pas limité dans le temps : une fois établi, il reste valable sans limitation de durée.

En cas d’absence de cet état, la sanction est la même que pour le plomb : pas de garantie des vices cachés, tant sur les parties privatives que sur les parties communes

Le diagnostiqueur engage sa responsabilité si ses investigations ne sont pas suffisamment approfondies et qu’il se limite à un simple contrôle visuel : "Vu l’article 1382, devenu 1240, du Code civil, ensemble les articles R. 1334-24 et R. 1334-26 du code de la santé publique (...) Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;(..) " [6]

Les termites.

Cet insecte attaque le bois et peut ainsi affecter la charpente ou d’autres éléments du bâtiment.

Le diagnostic n’est à produire que pour les immeubles bâtis situés dans des zones contaminées délimitées par arrêté préfectoral. [7]

La carte des régions contaminées peut être consultée sur le site de l’observatoire national termite, qui contient la cartographie des zones infectées. http://termite.com.fr/

L’information peut également être obtenue auprès de la mairie de la situation de l’immeuble.

Si l’immeuble est en copropriété, l’ état ne porte néanmoins que sur la partie privative du lot vendu.

Cet état n’est valable que 6 mois [8] : s’il a moins de 6 mois à la date de la promesse, mais davantage lors de la réitération de la vente devant notaire, il doit être refait.

Dans le cas où l’ état termite s’avère positif, l’occupant de l’immeuble infesté (le vendeur ) a l’obligation de le déclarer à la mairie [9], sous peine d’amende.

Électricité.

Cet état est établi afin "d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes" [10] et n’est requis que pour les immeubles d’habitation, et pour les installations réalisées depuis plus de 15 ans.

Dans une copropriété, l’ état ne porte que sur les parties privatives.

À défaut de précision du texte, il faut présumer que la durée de 15 ans se décompte à rebours de la date de signature de la promesse de vente, puisque que c’est à ce moment que les diagnostics sont joints.

À défaut de promesse, cette durée sera décomptée à rebours de l’acte notarié de vente ; si l’installation a moins de quinze ans lors de la promesse, et ne nécessite donc aucun diagnostic, il sera néanmoins plus prudent de l’établir si cette durée se trouve probablement dépassée au jour prévu pour la signature de la réitération.

L’ état doit avoir moins de 3 ans à la date de signature de la promesse ; si cette durée de validité est périmée à la date de réitération de l’acte, il doit être refait. [11]

Assainissement.

Ce contrôle concerne plutôt les maisons d’habitation individuelle, lorsqu’elles ne sont pas raccordés au réseau d’assainissement collectif de la ville, et possèdent fosse septique ou mini station d’épuration individuelle.

Ce rapport de contrôle a pour but de s’assurer qu’il n’existe pas de risque sanitaire.

L’enjeu est important : c’est pourquoi, en cas de non conformité constatée lors de la signature de l’acte de vente, l’acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans le délai d’un an, sans toutefois qu’une sanction ne soit prévue .

J’ai rédigé un article plus complet à ce sujet.

Y figurent en particulier des développements sur la confusion souvent faite, en particulier par les notaires, qui exigent un certificat d’assainissement / conformité attestant que les deux réseaux d’évacuation eaux pluviales - eaux usées sont séparés, alors qu’aucun texte ne le requiert.

Il s’agit plutôt là d’une précaution, à mon sens déplacée, contre de supposés risques de responsabilité pour défaut de conseil.

Gaz.

Ce diagnostic concerne également les immeubles d’habitation, dont l’installation de gaz à plus de 15 ans.

Comme pour l’électricité, il est valable 3 années et, pour les copropriétés, ne s’attache qu’aux seules parties privatives.

II- L’état des risques naturels et technologiques.

C’est le seul diagnostic dont l’absence peut entraîner, au choix de l’acquéreur, la résolution du contrat, ou une diminution du prix, à fixer par le juge.

Le texte laisse l’option ouverte : un acquéreur pourrait donc solliciter la résolution, même en l’absence de tout préjudice.

En revanche, une action en diminution du prix n’aurait guère de chance de prospérer faute de risque établi et de préjudice en découlant .

L’état doit être établi depuis moins de 6 mois avant la signature de l’acte.

L’article L 271 – 4 – 5 ° du C.C.H renvoie à l’article L. 125 - 5 du Code de l’environnement (C.ENV) pour sa réglementation.

Cette dernière disposition évoque :
- les plans de prévention des risques technologiques
- les plans de prévention des risques naturels prévisibles
- les zones de sismicité
- les zones à potentiel radon.

C’est le préfet qui arrête la liste des risques et des communes concernées. [12]

Les risques naturels prévisibles.

Il s’agit de risques tels les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. [13]

L’énumération n’apparaît pas exhaustive ; peut être bientôt les risques tsunami ?

Le plan de prévention des risques technologiques.

Il identifie les sites qui présentent des risques technologiques élevés, et les périmètres d’exposition à ces risques, à l’intérieur desquels peuvent être édictés des servitudes d’urbanisme (code environnement L 515 - 15 et suivants) : aménagements limités, constructions interdites ou réglementées...

Ce plan mentionne les installations qui présentent des dangers particulièrement importants pour la salubrité et la santé des populations et pour l’environnement ; un décret en Conseil d’État les répertorie.

Où trouver cet état des risques ?

Lorsqu’on s’avise de vouloir remplir pour annexer à l’acte l’état des risques naturels miniers et technologiques (ENRMT), on se trouve confronté à un véritable labyrinthe d’informations : dispositions des code minier, de la construction et de l’habitation, de l’environnement, qui se renvoient la balle , arrêtés préfectoraux, liste des catastrophes naturelles, pollution des sols, cavités en sous-sol...

Et encore cette liste n’est elle pas exhaustive.

Le site officiel du ministère de la transition écologique, georisques s’avère foisonnant de détails : en cliquant sur " connaître les risques près de chez soi ", vous pouvez indiquer l’adresse exacte et télécharger un descriptif très complet …sur lequel il vous est cependant indiqué en caractères très apparents : " Attention : ce descriptif n’est pas un état des risques (ERNMT) conforme aux articles L-125-5 et R125-26 du code de l’Environnement. Ce descriptif est délivré à titre informatif "

Et le ministère de vous conseiller de vous retourner vers le site de la préfecture concernée ou même d’utiliser les mots clés « information acquéreur locataire » et le numéro du département.

Vous pourrez alors trouver tous les arrêtés préfectoraux utiles à la confection de l’ENRMT... mais difficilement l’état lui même.

 [14]

III- Et les autres.

Le diagnostic de performance énergétique.

Ce diagnostic est requis pour les bâtiments clos et couverts dotés d’une installation de chauffage ou d’eau chaude [15] ; il permet d’estimer la consommation en énergie et son impact sur l’effet de serre [16], mais ne constitue pas une garantie contractuelle.

Il n’a qu’une valeur informative [17] et sa durée de validité est de 10 ans.

Son absence ne fait l’objet d’aucune sanction spécifique, pas même celle de non exonération des vices cachés.

La mérule. [18]

La mérule est un champignon lignivore qui se nourrit de la cellulose du bois (charpente, plancher etc….)

Elle se développe très rapidement, et peut même se propager à travers les maçonneries, pour atteindre les boiseries voisines.

Il semble qu’il n’existe pas à ce jour de site internet centralisateur, comme pour les termites : il faut se rendre sur le site de la préfecture concernée.

Des informations sont également disponibles sur le site du ministère de la transition écologique.

De même que pour les termites, l’occupant qui a connaissance de la présence de ce parasite doit le signaler à la mairie (sans toutefois semble-t-il que des sanctions soient prévues).

Ce diagnostic n’est pas mentionné comme faisant partie de ceux dont l’absence interdisent de se prévaloir de la garantie des vices cachés.

Rien de spécifique n’est prévu ; s’agit il d’une erreur du législateur ?

Il faut en revenir au droit commun : dol, devoir d’information, garantie des vices cachés …

Patrick HEFTMAN Avocat - mandataire en transactions immobilières

[1CCH articles L. 134 - 4 - 2 et suivants.

[2Cour de cassation - chambre civile 3 - 8 décembre 2016 -N° 15-20497.

[3L 271-5 CCH.

[4L 271-5 et R 2715- CCH.

[5CSP articles L. 1334 - 13, R 1334 - 29 – 4 et suivants.

[6Cour de cassation -chambre civile 3 - 14 septembre 2017 - N° 16-21942.

[7L. 133 – 1 et suivants du C.C. H.

[8Art R 271-5 CCH.

[9CCH articles R. 133 - 3 et suivants.

[10L 134-7 du CCH)

[11Article R271 - 5 CCH.

[12R 125-24 et R 125-26 C. ENV.

[13L 562 – 1 C. ENV.

[14Un autre site semble pouvoir apporter des informations pertinentes pour établir cet état : ernt-minute.fr. En définitive, c’est un site payant qui semble le plus efficace : pour 15 €, sur preventimmo.fr, site de renseignements d’urbanisme, on obtient l’ État des Servitudes Risques et d’Information sur les Sols (ESRIS, ex-ERNMT), garanti comme conforme, complet, avec l’arrêté préfectoral, l’État des Risques de Pollution des Sols (ERPS), les sites potentiellement pollués autour d’un bien.

[15CCH article R. 134 – 1.

[16CCH L 134 - 3.

[17CCH L 271 – 4.

[18L 133- CCH.

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