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La condamnation à démolir une construction conforme à une déclaration préalable de travaux. Par Emmanuel Lavaud, Avocat.
Parution : jeudi 5 juillet 2018
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Aux termes de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, le propriétaire qui a construit en conformité avec un permis de construire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Pour la Cour de Cassation, cette disposition ne bénéficie pas au propriétaire qui a construit conformément à une simple déclaration préalable de travaux.

Cass. 3ème Civ., 12 avril 2018, n°17-16645

Notons que la Loi n°2015-990 du 6 août 2015, a ajouté une condition à cette possible condamnation qui est la localisation de la construction dans une zone faisant l’objet d’une protection patrimoniale ou paysagère particulière : la bande littorale de 100 mètres, les sites Natura 2000, les sites inscrits ou classés, etc.

Par conséquent, la réforme du 6 août 2015 a en quelque sorte inversé le principe selon lequel l’annulation du permis de construire exposait le propriétaire à une condamnation judiciaire à démolir la construction devenue illégale.

En effet, en limitant la possible condamnation à démolir la construction aux constructions situées dans des zones particulières, le principe est devenu l’exception : en dehors des zones particulières énumérées par l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, celui qui a construit conformément à un permis de construire ne peut plus être condamné à démolir en raison de la méconnaissance des règles d’urbanisme.

En tout état de cause, la condamnation à démolir pour violation d’une règle d’urbanisme ne peut être prononcée que si le permis de construire a été préalablement annulé par le juge administratif.

Il semblait admis que ce principe concernait tant les constructions soumises à permis de construire que celles soumises à simple déclaration préalable de travaux. Le texte de l’article L. 480-13 renvoie à la notion de permis, et l’on pouvait considérer qu’il s’agissait de toute autorisation d’urbanisme.

Il paraissait en effet évident qu’il n’y avait pas lieu, en la matière, de distinguer celui qui construit en vertu d’une déclaration préalable et celui qui construit en vertu d’un permis de construire.

Telle n’est pourtant pas la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 avril 2018.

Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, une société a construit un terrain de tennis en vertu d’une déclaration préalable de travaux.

Une association de défense du patrimoine et du paysage a demandé au juge judiciaire la démolition de ce terrain de tennis au motif que cette construction n’était pas conforme aux dispositions du plan d’occupation des sols en vigueur.
Il convient immédiatement de souligner que l’autorisation d’urbanisme pour la construction du terrain de tennis était définitive et qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun recours contentieux. Mieux, elle avait fait l’objet d’un certificat de conformité aux travaux autorisés par le maire de la commune.

La Cour de cassation écarte ces circonstances et retient que « les dispositions de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ne bénéficiaient qu’aux propriétaires ayant obtenu un permis de construire et non à ceux qui, ayant déposé une déclaration de travaux, bénéficiaient d’une décision, tacite ou expresse, de non-opposition, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la demande de l’association devait être accueillie ».

En conséquence, après avoir constaté que la construction litigieuse contrevenait aux dispositions du plan d’occupation des sols alors en vigueur, la Cour d’appel a eu raison de prononcer la démolition d’un ouvrage, pourtant édifié conformément à une déclaration préalable, c’est-à-dire conformément à une autorisation d’urbanisme.

La solution est probablement injuste, ce n’est pas tellement choquant pour le praticien qui n’ignore plus que l’application de la Loi peut être source d’injustice. En revanche, ce qui est choquant, c’est que cette solution n’est selon nous pas conforme à l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme.

Emmanuel Lavaud, Avocat au barreau de Bordeaux http://www.laudet-lavaud-avocats.fr
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