Village de la Justice www.village-justice.com

Le fonds de dotation actionnaire, un instrument philanthropique original pour le dirigeant d’entreprise. Par François Vignalou, Avocat.
Parution : mardi 10 juillet 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/fonds-dotation-actionnaire-instrument-philanthropique-original-pour-dirigeant,28980.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Créé en 2008 à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie, le fonds de dotation est un outil philanthropique plus souple que les fondations mais qui bénéficie d’avantages fiscaux similaires. Il constitue un instrument utile pour favoriser le rayonnement d’une société en cours d’activité et qui souhaiterait réaliser des actions philanthropiques. Il est également intéressant pour le chef d’entreprise qui cherche à investir dans un projet philanthropique à la suite de la transmission de sa société.

Un outil simple dans sa création et souple dans son fonctionnement.

Le fonds de dotation est une personne morale à but non lucratif ayant pour vocation de capitaliser un patrimoine qui lui a été donné et dont les revenus sont ensuite utilisés afin de réaliser ou soutenir une mission d’intérêt général.

Au contraire de la fondation, le fonds de dotation est un outil simple à constituer car il est créé par simple déclaration en Préfecture et n’exige aucune autorisation administrative préalable. De plus, la dotation minimum nécessaire à la création d’un fonds est de 15 000 € contre 1,5 millions d’euros pour la fondation.

Le fonds de dotation est également un outil au fonctionnement souple. Ainsi, il est géré par des administrateurs, au nombre de 3 minimum, nommés librement par le ou les fondateurs. Les statuts déterminent la composition, les modalités et le renouvellement du conseil d’administration, qui est dirigé par un président, représentant du fonds auprès des tiers.

Un outil fiscalement avantageux.

Le fonds de dotation permet à des particuliers ou des entreprises de financer des activités philanthropiques qui sont soit réalisées directement par le fonds, soit par redistribution de ses revenus à un autre organisme à but non lucratif.
Il peut utiliser différentes sources de financement comme des revenus patrimoniaux issus de sa dotation, des libéralités qui lui sont accordées ou encore du produit de ses activités.

Le fonds de dotation est exonéré d’impôts commerciaux (IS, TVA, CFE) au titre de ses activités. Il est également exonéré de droits de mutation à titre gratuit normalement dus en raison des dons manuels, donations et legs dont il est bénéficiaire.

Par ailleurs, ses donateurs, qu’ils soient des personnes physiques ou morales, peuvent bénéficier des réductions d’impôt réservées au mécénat.

Ainsi, les donateurs personnes physiques bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 66% de leurs dons, ou 75%, selon l’activité du fonds. En revanche, le fonds de dotation n’est pas éligible à la réduction IFI.

Les donateurs personnes morales profitent d’une réduction d’impôt sur les sociétés de 60% de leurs dons, dans la limite de 0,5% de leur chiffre d’affaires hors taxe.

Un outil au service de la stratégie philanthropique des entreprises.

Afin de lui assurer une source pérenne et régulière de financement, les fondateurs peuvent affecter à la dotation des titres de leur société, lui permettant ainsi de percevoir des dividendes.
Ces dividendes sont exonérés d’imposition, à la condition que le fonds ait une dotation non consomptible.
Les titres peuvent être donnés en pleine propriété ou faire l’objet d’une donation temporaire d’usufruit. La donation temporaire d’usufruit consiste à donner le droit d’user et de percevoir les fruits futurs d’un bien sans toutefois en perdre la propriété, pour une durée de trois ans minimum, à l’issue desquels le donateur peut prolonger sa donation d’usufruit, la transformer en donation en pleine propriété ou encore récupérer la pleine propriété du bien. Cette donation n’ouvre droit à aucune réduction d’impôt pour le donateur mais lui permet de réduire ses revenus imposables puisque les dividendes attachés aux titres reviennent au fonds usufruitier.
Les titres acquis par le fonds peuvent revêtir une forme ordinaire ou être des actions de préférence, qui donnent droit uniquement à la perception de dividendes, sans droit de vote. Il s’agit d’un moyen pour les actionnaires d’attribuer des ressources au fonds sans diluer leur pouvoir de décision au sein de la société.
Le fonds de dotation actionnaire peut également céder les titres qu’il reçoit toujours en franchise d’impôt, sous réserve du respect de certaines conditions, afin d’obtenir des liquidités pour financer ses actions d’intérêt général.

Une interdiction d’immixtion dans la gestion active de la société, garante de sa finalité d’intérêt général.

S’il peut être actionnaire, le fonds de dotation doit néanmoins conserver un rôle passif dans la gestion de la société. En effet, son caractère philanthropique lui interdit de mener une activité économique qui aurait pour but l’enrichissement de ses fondateurs.
En cas d’exercice d’une activité économique, la remise en cause de son caractère non lucratif a de lourdes conséquences sur le plan fiscal.
Afin d’éviter tout risque, l’interposition d’une structure intermédiaire telle qu’une holding peut être une solution efficace afin de permettre au fonds de jouer un rôle dans l’évolution de la société, sans pour autant remettre en cause sa finalité d’intérêt général. Cette holding aurait pour fonction d’assurer la gestion opérationnelle, commerciale et financière de l’entreprise, permettant au fonds de dotation de bénéficier de ressources pour financer ses missions d’intérêt général sans risque de requalification.

Un outil utile lors de la transmission d’entreprise.

La cession d’une entreprise offre à son dirigeant l’opportunité de réaliser un projet philanthropique grâce aux liquidités qu’il percevra à l’occasion de la vente.
Réaliser une donation des titres de l’entreprise au profit du fonds de dotation, préalablement à sa cession, permet d’augmenter le montant attribué au véhicule philanthropique tout en réduisant la charge fiscale.
La donation d’une partie des titres de la société à un fonds de dotation est en effet exonérée de droits de donation, elle permet de purger la plus-value latente sur les titres de l’entreprise et la cession ultérieure des titres est réalisée en franchise d’imposition, sous réserve du respect de certaines conditions.
Attention, l’intention libérale du dirigeant donateur doit être réelle, ce qui implique qu’il ne puisse pas se réapproprier ce qui a fait l’objet de la donation au fonds. Ensuite, la donation devra intervenir avant que la cession de l’entreprise ne soit certaine, c’est-à-dire avant qu’il y ait un accord sur la chose et le prix.

Un outil efficace pour la protection de l’entreprise familiale et de ses valeurs.

Recourir à un fonds de dotation lors de la transmission d’une entreprise familiale est également un moyen efficace d’éviter les prises de contrôle hostile en lui transmettant une partie des titres de la société et en prévoyant leur inaliénabilité, par exemple.
Par ailleurs, le caractère philanthropique du fonds de dotation permet de protéger et transmettre les valeurs de l’entreprise familiale en réalisant les objectifs qui lui ont été assignés par ses fondateurs.
Le fonds de dotation en tant qu’actionnaire reste néanmoins très peu utilisé en France, alors que c’est un concept beaucoup plus développé dans les pays du nord de l’Europe, comme l’Allemagne ou le Danemark qui ont su mesurer son utilité pour sauvegarder les valeurs d’une entreprise familiale au moment de sa transmission.

François Vignalou Avocat associé - brunswick avocats Droit fiscal www.brunswick.fr