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Compétence juridictionnelle et demande de remboursement du raccordement au réseau d’assainissement. Par Pierre Jean-Meire, Avocat.
Parution : mercredi 31 octobre 2018
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Le Tribunal des conflits vient de rendre une décision intéressante s’agissant de la compétence juridictionnelle en matière de demande de remboursement par les propriétaires, du coût des travaux de raccordement de leurs habitations aux réseaux d’assainissement collectif, en cas de refus de réaliser ou de financer ces travaux par la collectivité. [1].

1. Les propriétaires d’une maison sur le territoire de la commune de Malroy ont effectué en 2001 des travaux de raccordement de leur propriété au réseau public d’assainissement communal.

A la suite de ces travaux, ces derniers ont demandé à ladite commune le remboursement de ces travaux.

La collectivité ayant refusé, ces propriétaires ont saisi le Tribunal administratif de Strasbourg pour obtenir ce remboursement, lequel a dénié sa compétence juridictionnelle.

Le litige a alors été porté devant les juges judiciaires, qui ont admis leur compétence juridictionnelle en première instance et en appel.

La commune de Malroy s’est alors pourvue en cassation et a soulevé l’incompétence des juridictions judiciaires pour connaître de ce litige.

C’est dans cet état que cette affaire a été renvoyée au Tribunal des conflits.

2. Il ressort d’une jurisprudence constante que les litiges individuels nés des rapports entre un service public industriel et commercial et ses usagers, qui sont des rapports de droit privé, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires.

En conséquence, et dès lors qu’en vertu de l’article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales « les services publics d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial », le litige relatif aux redevances d’assainissement réclamées par le gestionnaire du réseau d’assainissement d’un syndicat intercommunal à une société, usager de ce réseau, relève de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire [2].

Seul l’exercice de prérogatives de puissances publique conduit à faire retomber dans le giron des juridictions administratives les contentieux relatifs aux redevances d’assainissement [3].

Il en va de même s’agissant des dommages causés aux usagers à l’occasion de la fourniture de ce service public.

En principe, c’est le juge judiciaire qui est compétent pour connaître de ce type de contentieux quand bien même le dommage réside dans l’exécution de travaux publics [4].

3. La solution est cependant différente quand est en cause le refus d’une collectivité de réaliser les travaux nécessaires au raccordement au réseau d’assainissement.

Transposant une solution jurisprudentielle datant de 1986 [5] le Conseil d’État est venu juger qu’une « demande d’un habitant d’une commune tendant à la condamnation d’une commune à effectuer les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif vers son habitation et à l’indemniser de ses préjudices résultant des frais qu’il a dû engager dans l’attente de ces travaux doit être regardée comme se rattachant à un refus d’exécution de travaux publics et non à un litige opposant un service public industriel et commercial à un usager " [6]. En conséquence, la compétence d’un tel litige revient au juge administratif.

Dans la décision ici commentée, le Tribunal des conflits est venu entériner cette jurisprudence et synthétiser les solutions antérieures en jugeant "qu’eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l’assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. Ainsi, il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ces derniers à l’occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l’exécution des travaux publics ou l’entretien d’ouvrages publics, ou encore à un refus d’autorisation de raccordement au réseau public. En revanche, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative".

Cabinet d\'avocat OLEX - Maître Pierre JEAN-MEIRE Avocat au Barreau de Nantes www.olex-avocat.com https://twitter.com/MeJEANMEIRE

[1TC 8 octobre 2018 Commune de Malroy n° C4135, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[2V. TC 13 novembre 2000 SDEI n° C3191, publié au recueil Lebon

[3V. par exemple pour la contribution imposée par l’article L. 1331-8 du Code de la santé publique ; TC 13 décembre 2004 n° C3423, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[4TC 18 mai 2015 n° C4004, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[5CE 26 novembre 1986 n° 65814, Mentionné dans les tables du recueil Lebon sur ce point.

[6CE 8 juin 2015 n° 362783, Mentionné dans les tables du recueil Lebon sur ce point.