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Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : ce qui change avec les lois du 3 août et du 5 septembre 2018. Par Frédéric Chhum, Avocat et Marion Simoné, Elève-avocate.
Parution : jeudi 7 février 2019
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A compter du 1er janvier 2019, la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 entre en vigueur, elle institue de nouvelles obligations pour les entreprises en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018, précisée par la circulaire du 3 septembre 2018, élargit quant à elle le champ de l’infraction pénale du harcèlement sexuel, avec la prise en compte des agissements à connotation sexiste.

Ces lois ont un objectif commun, sensibiliser les entreprises et les salariés à la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

1) L’extension des délits de harcèlement sexuel et harcèlement moral.

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a étendu la définition du harcèlement sexuel de l’article 222-33 du Code pénal sur deux points, en ajoutant à l’infraction les comportements à connotation sexiste, et en précisant le critère d’actes répétés de harcèlement.

Le harcèlement sexuel est désormais défini comme le fait « d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Cette définition s’est vue ajoutée le mot « sexiste » qui se différencie du harcèlement sexuel par un comportement misogyne, discriminatoire basé sur le sexe.

1.1) L’outrage sexiste créé par la loi du 3 août 2018 et précisé par le circulaire du 3 septembre 2018.

Toutefois, afin d’élargir le champ des infractions, la loi du 3 août 2018 a créé un nouveau délit, l’outrage sexiste qui correspond au fait « d’imposer à une personne des propos à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant créant une situation intimidante, hostile ou offensante » [1].

Contrairement au délit de harcèlement sexuel, prévu par le Code du Travail, l’outrage sexiste ne nécessite aucune répétition pour être sanctionné.

Selon la circulaire d’application du 3 septembre 2018, seront susceptibles d’être qualifiés d’outrage sexiste des propositions sexuelles, mais également certaines attitudes non verbales telles que des gestes imitant ou suggérant un acte sexuel, des sifflements ou des bruitages obscènes ou ayant pour finalité d’interpeller la victime de manière dégradante, des commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire ou l’apparence physique de la victime.

L’outrage sexiste, visant à l’origine à punir le harcèlement de rue, trouve application dans les lieux privés tel « un espace de travail ».

La preuve de ce délit pourra, être rapportée par témoignages mais également par l’exploitation de moyens de vidéo protection.

1.2) Le cyber-harcèlement.

Le harcèlement sexuel nécessite la répétition d’actes à caractères sexuels ou sexistes. Cette notion a été précisée puisqu’est désormais qualifié de harcèlement, les cas où cette répétition est le fait de plusieurs personnes.

Il est ainsi désormais prévu que le délit de harcèlement sexuel est également constitué lorsque les propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.

Cette extension de la notion de répétition a principalement pour objet de réprimer les faits de « cyber-harcèlement », qui sont fréquemment commis par plusieurs personnes dont aucune n’a cependant agi de façon répétée, et que l’on peut alors qualifier de « raid numérique ».

Cette extension de la notion de répétition a également été prévue à l’article 222-33-2-2 du code pénal pour le délit de harcèlement moral.

C’est précisément pour mieux réprimer ces faits qu’a été ajoutée une nouvelle circonstance aggravante du harcèlement sexuel, portant les peines à trois ans d’emprisonnement et à 45.000€ d’amende, lorsqu’il a été fait par le biais d’un support numérique ou électronique.

2) Affichage dans l’entreprise du texte sur le harcèlement sexuel et des moyens d’action contentieuse.

A compter du 1er janvier 2019, les employeurs devront informer, par tout moyen, les salariés, les personnes en formation ou en stage, ainsi que les candidats à un recrutement, à une formation, ou à un stage en entreprise, du texte de l’article 222-33 du Code pénal (texte définissant le harcèlement sexuel) ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents [2].

Devront être mentionnés, l’adresse et le numéro de téléphone :
- du médecin du travail,
- de l’inspection du travail compétent sur le territoire de l’établissement,
- du défenseur des droits,
- du référent harcèlement sexuel et agissements sexistes (entreprise de plus de 250 salariés),
- du référent harcèlement sexuel et agissements sexistes désigné par le CSE [3].

En pratique, cette information se fera par le biais d’un affichage qui rappelle la définition du harcèlement sexuel ainsi que des actions civiles ou pénales qui sont ouvertes en cas de harcèlement sexuel.

Cette obligation s’applique dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche [4].

Dans les entreprises de 20 salariés et plus, le règlement intérieur doit déjà rappeler « les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le Code du travail » [5].

3) Désignation de référents au CSE et dans les entreprises employant au moins 250 salariés.

3.1) CSE (conseil social et économique) : un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

A compter du 1er janvier 2019, le CSE doit désigner, parmi ses membres, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, sous la forme d’une résolution adoptée, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité [6].

Ce référent bénéficiera d’une formation en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail [7].

La formation est prise en charge par l’employeur dans les conditions définies par un décret à intervenir.

3.2) Un référent « harcèlement sexuel et agissements sexistes » dans les entreprises employant au moins 250 salariés.

A compter du 1er janvier 2019, dans toute entreprise employant au moins 250 salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes [8].

4) Harcèlement sexuel à l’Agenda de la négociation de branche.

Les organisations professionnelles devront désormais négocier au niveau de la branche sur « la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » [9].

Cette négociation doit avoir lieu au moins tous les 4 ans.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

[1Article 222-33 du Code pénal.

[2L.1153-3 C.trav.

[3Art D. 1151-1 C.trav.

[4Article L. 1153-5 alinéa 2 ; art. 105 I Loi 5 sept. 2018.

[5Art. L. 1321-2 du code du travail.

[6C. trav. Art. L. 2314-1, al.4.

[7L. 2315-18 du Code du travail.

[8Article L. 1153-5-1 nouveau.

[9Art. L. 2241-1, 2° du code du travail.

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