Village de la Justice www.village-justice.com

Caution du dirigeant en déduction de ses revenus, les conditions à respecter. Par Patrick Cocheteux, Avocat.
Parution : mardi 13 novembre 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/conditions-respecter-pour-admission-des-engagements-caution-dirigeant-deduction,29961.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Il n’est pas rare que les dirigeants de PME se portent caution pour leur entreprise soit auprès d’un créancier ordinaire, soit auprès de l’administration fiscale quand un plan de règlement est souscrit pour le paiement de dettes sociales, TVA notamment.
La CAA de Bordeaux vient de rappeler les principes de la déductibilité des sommes payées par la caution donnée par un dirigent en faveur de son entreprise dans son arrêt CAA de Bordeaux, 3ème chambre 25/10/2018, 16BX02947, SAS Croissor.

Conformément à la doctrine et à la jurisprudence, la déduction des sommes versées en exécution d’engagements de caution est autorisée lorsque le salarié a en vue la conservation de son salaire et non la préservation de son capital.

Au-delà d’un plafond, fixé à trois fois le montant des rémunérations perçues pendant l’année au cours de laquelle l’engagement a été souscrit, le dirigeant est regardé comme ayant pour préoccupation la sauvegarde du patrimoine qu’il a investi dans la société et non la conservation de son salaire.
La fraction de l’engagement correspondante constitue alors une dépense en capital non déductible [1].

Il est important d’être attentif au mode de preuve apporté pour l’évaluation du plafond. Au cas d’espèce de la société Croissor, le dirigeant se prévalait d’un "dossier prévisionnel" élaboré par un cabinet d’expert-comptable en vue d’évaluer les perspectives de la société en termes de résultats, ainsi que des données comparatives fournies par le franchiseur relatives au chiffre d’affaires réalisé par des commerces relevant de la même enseigne implantés dans des centres commerciaux de la région.
Pour la Cour, ces seuls documents sont apparus insuffisants, alors que le dossier prévisionnel se bornait à mentionner, dans le tableau "charges de personnel", un salaire brut de 52.800 euros pour "l’encadrement" sans autre précision ni autre élément de comparaison et alors, de plus, que la rubrique "rémunération dirigeant" du même tableau ne comportait l’indication d’aucun montant.

Le dirigeant doit donc se montrer très méticuleux dans la rédaction des documents comptables qui peuvent établir qu’au moment où l’engagement de caution a été établi, le dirigeant pouvait escompter le versement par la société de salaires pour le montant revendiqué.

En deçà du plafond, la somme qu’un dirigeant salarié qui est caution d’une obligation souscrite par la société, a dû payer au créancier de cette dernière, est déductible de son revenu imposable de l’année au cours de laquelle le paiement a été effectué, sous réserve du respect de certaines conditions. Outre la proportion avec les rémunérations allouées à l’intéressé ou qu’il pouvait escompter au moment où il a contracté son engagement, l’engagement de caution doit se rattacher directement à la qualité de dirigeant et doit avoir été pris en vue de servir les intérêts de l’entreprise. L’engagement doit donc avoir été souscrit dans l’intérêt de l’exploitation de la société, soit pour la maintenir, soit pour la développer et le versement de la caution ne doit pas être le résultat d’une gestion anormale de la société : abus de biens sociaux, détournement d’actifs, dépenses étrangères à l’intérêt de l’entreprise.

Par ailleurs, un engagement de caution écrit doit être rédigé car la prise en charge spontanée des dettes de la société n’autorise pas la déduction d’IR. Pour bénéficier de la déduction, le dirigeant ne doit enfin pas non plus détenir plus de 50 p. 100 du capital de la société [2].
L’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n’est donc pas éligible au dispositif.

Patrick Cocheteux Avocat Associé PCX Avocats

[1CE, arrêt du 12 décembre 1990, n° 113038 et n° 82071, CE, arrêt d’assemblée plénière du 6 janvier 1993, n° 78729.

[2Question écrite n° 04534 de M. Louis Souvet JO Sénat du 12/02/1987 - page 191.