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Le régime juridique de l’amende forfaitaire majorée. Par Didier Reins, Avocat.
Parution : mardi 20 novembre 2018
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Bon nombre d’automobilistes commettent des infractions au Code de la route et ne se soucient pas du paiement de l’amende forfaitaire.

Quelque temps plus tard, le couperet financier tombe : l’automobiliste reçoit alors à son domicile un avis d’amende forfaitaire majorée.
Il faut alors réagir très vite, et ceci pour différentes raisons :
- d’une part, il faut éviter le paiement de l’amende majorée dont le montant peut sérieusement grever le budget de l’automobiliste ;
- d’autre part, il faut échapper au mécanisme du retrait de points.

1. La procédure.

Lorsqu’il reçoit un avis d’amende forfaitaire majorée, l’automobiliste n’est pas désarmé.

Il peut, et il lui est même conseillé de se défendre.

Celui-ci dispose d’un délai de 30 jours pour contester la commission de l’infraction qui lui est reprochée.

Pour cela, il devra écrire en recommandé avec accusé de réception à l’officier du ministère public dont l’adresse figure sur l’avis d’amende forfaitaire majorée.

Ce mécanisme est prévu à l’article 530 du Code de procédure pénale qui dispose :
Dans les trente jours de l’envoi de l’avis invitant le contrevenant à payer l’amende forfaitaire majorée, l’intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d’annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l’amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n’est pas prescrite, s’il ne résulte pas d’un acte d’exécution ou de tout autre moyen de preuve que l’intéressé a eu connaissance de l’amende forfaitaire majorée. S’il s’agit d’une contravention au code de la route, la réclamation n’est toutefois plus recevable à l’issue d’un délai de trois mois lorsque l’avis d’amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l’adresse figurant sur le certificat d’immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu’il a, avant l’expiration de ce délai, déclaré son changement d’adresse au service d’immatriculation des véhicules ; dans ce dernier cas, le contrevenant n’est redevable que d’une somme égale au montant de l’amende forfaitaire s’il s’en acquitte dans un délai de quarante-cinq jours, ce qui a pour effet d’annuler le titre exécutoire pour le montant de la majoration.
La réclamation doit être accompagnée de l’avis d’amende forfaitaire majorée correspondant à l’amende considérée…"

Dans cette requête, il expliquera précisément les raisons pour lesquelles il conteste l’infraction.

Cela va déclencher automatiquement l’annulation de l’amende forfaitaire majorée.

En effet, la réception par l’officier du ministère public d’un courrier de contestation entraîne l’annulation du titre exécutoire qu’est l’amende forfaitaire majorée.

L’officier du ministère public a alors l’obligation d’informer le comptable de la direction générale des finances publiques de l’existence d’une contestation et de l’annulation de l’amende forfaitaire majorée qui s’en suit.

Cela est prévu à l’article R 49-8 du code de procédure pénale qui dispose expressément :
"L’officier du ministère public saisi d’une réclamation recevable informe sans délai le comptable de la direction générale des finances publiques de l’annulation du titre exécutoire en ce qui concerne l’amende contestée"

Attention : une réclamation est recevable lorsqu’elle est simplement faite dans les délais.

L’officier du ministère public devra ensuite procéder à une étude du dossier et des motifs de contestation émis par l’automobiliste.

Cet officier aura le choix entre deux solutions :
- soit il se range aux arguments de l’automobiliste et prononce le classement sans suite de l’affaire.
Cela signifie que les poursuites sont abandonnées.
Conséquence directe : il n’y aura ni amende à payer ni de retrait de points opéré sur le permis de conduire.
On mesure donc là toute l’utilité qu’il y a à présenter une requête en contestation.

- Soit il fait citer l’automobiliste devant le tribunal pour que ce dernier puisse y présenter ses arguments et se défendre.
Là encore, il y a des avantages certains à faire un recours en contestation puisque l’automobiliste pourra demander sa relaxe devant le tribunal.
Si le dossier est bien préparé, la relaxe peut être obtenue.

Par ailleurs, dans l’un ni l’autre cas, une telle requête en contestation peut prendre beaucoup de temps.
Cela signifie que tant que son affaire n’est pas définitivement tranchée, l’automobiliste conservera ses points.
Étant donné qu’il lui reste au moins un point sur son permis de conduire, il dispose de la possibilité de faire un stage de reconstitution de points qui lui apportera quatre points supplémentaires.
On mesure donc là encore l’avantage certain qu’il y a à faire un tel recours.

2. Les conséquences juridiques de l’amende forfaitaire majorée.

L’amende forfaitaire majorée a une conséquence juridique redoutable : elle est l’élément déclencheur du mécanisme de retrait de points.

Cela signifie que dès que l’amende forfaitaire majorée est émise, les points vont être automatiquement retirés du permis de conduire de l’automobiliste.

Il y a donc là une différence essentielle avec l’amende forfaitaire :
- l’amende forfaitaire n’entraîne pas en elle-même de retrait de points tant qu’elle n’est pas payée ;
- l’amende forfaitaire majorée entraîne un retrait de points avant même qu’elle ne soit payée.

Il est donc essentiel de comprendre que le fait de ne jamais payer une contravention ne vous met pas à l’abri d’un retrait de points.
Cela est vrai en ce qui concerne l’amende forfaitaire.
Cela n’est plus exact au stade de l’amende forfaitaire majorée.
Dès l’instant où la majoration est prononcée, le retrait de points s’en suit automatiquement même si vous n’avez pas encore payé cette majoration.

Pour revenir au stade de l’amende forfaitaire et donc échapper à un éventuel retrait de points ainsi qu’au paiement de la majoration, il est indispensable de faire un recours contre l’amende forfaitaire majorée.
En effet, un tel recours va entraîner des conséquences juridiques favorables à l’automobiliste.

3. Les conséquences juridiques de la contestation de l’amende forfaitaire majorée.

Première conséquence juridique : l’amende forfaitaire majorée est annulée.
Cela signifie qu’il n’y aura donc plus majoration de l’amende forfaitaire et que l’automobiliste n’a donc pas à la payer.
Il y a là une utilité certaine pour l’automobiliste dont le budget ne sera pas immédiatement grevé.
Tant que l’officier du ministère public ne s’est pas prononcé sur la contestation, l’automobiliste n’a rien à payer.

Seconde conséquence juridique : l’infraction n’est plus considérée comme établie.
Cela est logique, car l’automobiliste a présenté différents arguments qui peuvent en effet conduire à douter de la commission effective de l’infraction.
C’est important dans la mesure où le code de la route précise que le retrait des points s’effectue dès lors que l’infraction est considérée comme établie.

Cela découle directement de la lettre de l’article L 223-1 du Code de la route qui dispose :
« Le permis de conduire est affecté d’un nombre de points… La réalité d’une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou par une condamnation définitive. »

Troisième conséquence juridique : si l’administration avait déjà retiré les points sur le permis de conduire de l’automobiliste, celle-ci est censée les lui restituer.
Si l’automobiliste est ultérieurement convoqué devant le tribunal et que le juge pénal prononce une condamnation, l’administration pourra alors retirer à nouveau les points relatifs à cette infraction.

4. Le recours devant le tribunal administratif.

Il arrive assez régulièrement que l’administration tarde à restituer au conducteur les points qui avaient été retirés de son permis de conduire.

L’hypothèse est la suivante : un automobiliste a exercé un recours à l’encontre d’une amende forfaitaire majorée.

Ce recours a entraîné l’annulation du titre exécutoire qu’est précisément l’amende forfaitaire majorée.

Par la suite, l’automobiliste a obtenu gain de cause :
- soit, car l’officier du ministère public a décidé de faire droit à sa requête et a classé le dossier sans suite de telle sorte que toutes poursuites pénales sont annulées contre l’automobiliste ;
- soit, car l’automobiliste a obtenu gain de cause devant le tribunal, ce qui signifie que celui-ci ne doit payer ni l’amende ni perdre de points.

Dans l’un et l’autre cas, l’administration est censée restituer à cet automobiliste les points qu’elle lui a retirés.

Si elle ne le fait pas, ou tarde à le faire, l’automobiliste peut donc saisir le tribunal administratif.

Celui-ci devra rapporter au tribunal la preuve que la réalité de l’infraction n’est pas établie.

Attention : il ne faut pas se tromper dans la formulation des arguments.
Le juge administratif n’est pas le juge pénal.
Il n’est donc pas là pour dire si une infraction a ou non été commise.

Pour rapporter au juge administratif la preuve que la réalité de l’infraction n’est pas établie, l’automobiliste ne doit pas se contenter de produire une copie du recours qu’il a exercé devant l’officier du ministère public.
Il doit également produire tous les éléments qui permettent d’apprécier les suites qui ont été données à sa requête.

L’automobiliste pourra ainsi produire le jugement de relaxe qu’il aura obtenu devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.

Si l’officier du ministère public a fait droit à sa requête, l’automobiliste n’a par définition pas été convoqué devant le tribunal.
Dans ce cas, il pourra produire au Juge administratif un document qui est le bordereau de situation des amendes et des condamnations pécuniaires, qui est tenu par le comptable public.
Ce document révélera si l’amende forfaitaire majorée a finalement été définitivement annulée.
En pareille situation, cela signifiera qu’aucune infraction n’a été retenue à l’encontre de cet automobiliste et qu’aucun retrait de points ne pouvait être effectué sur son permis de conduire.

Pour obtenir la communication de ce document, l’automobiliste peut en faire la demande sur le fondement de l’article L 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration qui prévoit que les diverses administrations sont tenues "de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande "

5. Conclusions.

Il est essentiel de comprendre que la réception d’une amende forfaitaire majorée ne signifie pas qu’il n’y a plus rien à faire.

Au contraire !

C’est à ce moment-là que l’automobiliste doit faire valoir ses droits.

Avant de recevoir un tel avis, l’automobiliste ne risquait pas de perdre ses points à condition de ne pas payer l’amende forfaitaire.

Une fois la majoration décidée, le mécanisme de retrait des points est déclenché.

La majoration elle-même peut être parfois très élevée, surtout pour les automobilistes dont les moyens financiers ne sont pas importants.

D’où la nécessité de connaître et de faire valoir ses droits en toutes circonstances.

Didier Reins Avocat E-Mail : [->reins.avocat@gmail.com] Site Web: https://reinsdidier-avocat.com
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