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Preneurs et Bailleurs : contrôlez la clause d’échelle mobile ! Par Antoine Christin, Avocat.
Parution : jeudi 29 novembre 2018
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Cet article intéressera particulièrement les Preneurs (locataires) et les Bailleurs liés par des baux commerciaux ou des baux professionnels.

La clause d’échelle mobile – présente dans quasiment tous les baux commerciaux et baux professionnels – est la clause par laquelle les Parties conviennent que le loyer sera indexé sur un indice (l’ICC avant la loi PINEL ; l’ILC ou l’ILAT depuis ladite loi) et donc revalorisé chaque année.

La rédaction des baux est souvent confiée à l’avocat du Bailleur. Or, beaucoup d’avocats de bailleurs – soucieux de protéger au mieux les intérêts de leurs clients – ont rédigé des clauses d’échelle mobile prévoyant que l’indexation fonctionnerait en cas de variation de l’indice à la hausse (entraînant l’augmentation du loyer) mais serait « gelée » en cas de variation de l’indice à la baisse (afin d’éviter une diminution du loyer).

Le 14 janvier 2016, la Cour de Cassation a rendu un arrêt indiquant que de telles clauses sont nulles (Cour de Cassation, 3e chambre civile, 14 janvier 2016, RG n°14-24681).

Il en résultait la possibilité, pour le Preneur (locataire), d’exiger du Bailleur la restitution de toutes les sommes perçues en application de cette clause sur les cinq années précédentes.

Cependant, l’article L. 145-60 du Code de commerce dispose que « toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre [NDLR : celui afférent aux baux commerciaux] se prescrivent par deux ans ».

Il en résultait que, sauf à agir dans les deux ans de la conclusion du bail, le Preneur ne pouvait pas exiger la restitution des sommes indûment versées.

Le 7 février 2018, la Cour d’Appel de Paris est allée plus loin que la Cour de cassation.
(Cour d’Appel de PARIS, 7 février 2018, RG n°16-07034).
Dans cet arrêt la CA a considéré que de telles clauses ne sont pas nulles mais sont réputées non-écrites

La différence est importante :
- en présence d’une clause nulle, le Preneur est tenu d’agir dans un délai de deux ans (article L. 145-60 du Code de commerce) ;
- en présence d’une clause réputée non-écrite, il peut agir à tout moment !

Une telle solution est une véritable aubaine pour le Preneur qui pourra exiger la restitution de sommes potentiellement colossales (lorsque les loyers sont importants et que la clause d’échelle mobile a été appliquée pendant 5 ans par exemple).

Corrélativement, elle est un véritable risque pour le Bailleur qui – légitimement – n’aura pas provisionné de quoi restituer au Preneur les sommes qui lui sont pourtant dues.

Cette solution reste à confirmer mais la doctrine majoritaire tend à considérer que la Cour d’Appel de PARIS a eu raison de considérer qu’il s’agissait d’une clause réputée non-écrite (et non d’une clause nulle) et un revirement de jurisprudence de la Cour de Cassation est donc espéré par les Preneurs et craint par les Bailleurs…

Nous conseillons donc à tous les Preneurs et à tous les Bailleurs de baux commerciaux ou de baux professionnels de contrôler la rédaction des clauses d’échelle mobile stipulées à leurs contrats puis de nous contacter afin de connaître avec précision l’étendue de leurs droits ou obligations.

Pour les Preneurs : nous conseillons d’agir afin d’obtenir judiciairement les sommes dues ou, en tout cas, d’être en position de force pour négocier avec leur Bailleur.

Pour les Bailleurs : nous conseillons, soit de profiter du renouvellement du bail commercial ou du bail professionnel pour faire disparaître cette clause (voire, lorsque le Preneur a conscience du problème ci-dessus, obtenir de lui qu’il renonce à agir à ce sujet), soit d’envisager de rechercher la responsabilité du rédacteur de la clause d’échelle mobile nulle ou réputée non-écrite.

-- Antoine CHRISTIN Avocat associé - SALMON ET CHRISTIN ASSOCIÉS Ancien Secrétaire de la Conférence Spécialiste en droit immobilier Site internet : http://www.scavocats.fr