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Vérification de comptabilité et réception d’une proposition de rectification interruptive de prescription, quelles conséquences ? Emmanuelle Dewolf, Avocat.
Parution : mercredi 23 janvier 2019
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En fin d’année 2018, les entreprises en cours de vérification de comptabilité se sont vues notifier une proposition de rectification interruptive de prescription.
Afin de ne pas laisser se prescrire son droit de reprise, les services fiscaux notifient fréquemment en fin d’année une proposition de rectification « interruptive de prescription ».
Cette proposition de rectification permet à l’administration fiscale d’interrompre le cours de la prescription fiscale et d’en faire courir une nouvelle d’égale durée.

Au 31 décembre 2018, l’exercice ou année 2015 est prescrit - sauf prescription particulière applicable – l’administration fiscale notifie une proposition de rectification sur l’année 2015 afin d’interrompre la prescription.

Cette proposition de rectification « interruptive » présente généralement les particularités suivantes :
- Les redressements sont notifiés rapidement dans le but d’éviter la prescription et porte généralement sur une seule année,
- Ces redressements sont souvent contestables car notifiés de manière « large » c’est-à-dire maximisante car l’interruption ne vaut que pour le montant notifié (si on notifie 100 de redressements, on ne pourra par la suite augmenter à 150),
- La vérification de comptabilité se poursuit sur les autres années.

Toutefois, cette proposition de rectification « interruptive » doit comporter un certain nombre d’éléments obligatoires qui sont autant de garanties pour l’entreprise vérifiée :

Les redressements envisagés :

Lorsqu’elle envisage un redressement fiscal, l’administration doit, conformément aux dispositions de l’article L 57 alinéa 1 du LPF, adresser à l’entreprise une proposition de rectification (formulaire 3924) dans laquelle le service vérificateur énonce les redressements notifiés.

Chaque chef de redressement doit être suffisamment motivé pour permettre au contribuable de comprendre et de contester le redressement opéré [1].

Le caractère suffisant de la motivation s’apprécie chef de redressement par chef de redressement.

A défaut, un redressement qui ne serait pas motivé serait irrégulier et déchargé.

La procédure utilisée :

La procédure contradictoire ou d’office qui vous est appliquée doit être mentionnée dans la proposition de rectification.

La procédure d’office peut vous être appliquée notamment si vous n’avez pas déposé vos déclarations fiscales en temps et en heure. Cette procédure d’office est dommageable pour le contribuable vérifié car elle le prive d’un certain nombre de garanties.

La nature et l’origine des informations obtenues auprès de tiers qui ont été utilisées pour procéder aux redressements notifiés :

L’administration peut fonder des rectifications sur des renseignements qu’elle a recueillis auprès de tiers par l’usage de son droit de communication à condition de vous en informer dans la proposition de rectification.

L’administration dispose en effet de la possibilité d’interroger des tiers et de solliciter des éléments de ceux-ci qui sont tenus d’y répondre s’ils sont une personne morale. Les tiers les plus souvent interrogés sont les établissements bancaires, vos prestataires et clients.

Lorsque l’administration se fonde sur des renseignements ou documents obtenus de tiers pour établir une imposition faisant l’objet de la proposition de rectification prévue, elle doit conformément à l’article L 76 du LPF :
• d’une part, vous informer de la teneur et de l’origine des renseignements ou documents obtenus ;
• et, d’autre part, vous communiquer avant la mise en recouvrement une copie des documents si vous êtes en faîtes la demande.

A défaut, les redressements procédant des renseignements recueillis via son droit de communication par l’administration sont irréguliers et doivent être déchargés.

Les années ou exercices sur lesquels portent les redressements :

L’administration doit conformément au principe de l’annualité de l’impôt opérer les redressements pour chaque année d’imposition et non pour une période globale.

La proposition de rectification doit donc indiquer année par année, exercice par exercice, le montant des redressements opérés sous peine d’irrégularité.

La signature du vérificateur :

La proposition de rectification doit comporter la signature manuscrite du vérificateur qui notifie les redressements.

Les conséquences financières des redressements envisagés :

La proposition de rectification doit indiquer le montant des droits, taxes et pénalités résultant des redressements envisagés conformément à l’article L 48 du LPF.

La possibilité de présenter vos observations :

Vous disposez d’un délai de trente jours pour répondre à la proposition de rectification.

Ce délai peut être porté à 60 jours si vous en faîtes la demande expresse. Cette demande de prorogation de votre délai de réponse doit être impérativement faite dans les 30 jours suivant la réception de la proposition de rectification.

Votre délai de réponse court à dater du retrait du pli postal contenant la proposition de rectification si vous êtes allé chercher le pli recommandé à la poste ou à dater de la présentation du pli par le facteur si le pli vous a été remis directement lors de son passage.

Le délai est un délai franc. Dès lors, pour son calcul, il doit être fait abstraction du jour du point de départ du délai et de celui de son échéance. De plus, lorsque le dernier jour où le contribuable peut présenter sa réponse est un samedi ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Exemple donné par la doctrine administrative [2] : une réponse à une notification reçue par le contribuable le 2 avril qui serait adressée au service le 3 mai, soit le trente et unième jour suivant, doit être considérée comme recevable.

Pour apprécier la recevabilité de la réponse à l’égard du délai, il convient de retenir comme date celle de l’envoi des observations à l’administration (le cachet de la poste faisant foi) [3].

Le fait de ne pas répondre à une proposition de rectification ou d’accepter les redressements (partiellement ou totalement) emporte plusieurs conséquences qui vous sont très défavorables :
• la procédure de redressements prend fin : si vous présentez des observations, le vérificateur doit y répondre, puis vous avez la possibilité de demander la saisine de commission administrative, puis les recours hiérarchiques…,
Outre votre possibilité de bénéficier d’interlocuteurs variés pour faire valoir votre point de vue, ces recours sont aussi du temps de gagner avant la mise en recouvrement,
• tant que la procédure de redressements n’est pas achevée, l’administration fiscale ne peut mettre en recouvrement les impositions ; les conséquences financières des redressements c’est à dire les sommes correspondantes aux redressements ne pourront pas vous être réclamées avant la mise en recouvrement des impositions.

Il est donc conseillé de contester tous les redressements mis à votre charge dans ce délai, quitte à effectuer une contestation globale sur un problème de déroulement du contrôle, et simplement étayer votre contestation sur les points sur lesquels vous avez déjà des arguments et justificatifs.

Maître Emmanuelle Dewolf Avocat à la Cour Spécialiste en défense de contrôle fiscal et contentieux fiscal www.contrôlefiscal.fr

[1Article L 57 du LPF.

[2Note DGI 25 mai 1965 n° 61 ; D. adm. 13 L-1514 n° 50 et 51, 1er juillet 2002.

[3Note DGI 25 mai 1965 n° 61 ; D. adm. 13 L-1514 n°52, 1er juillet 2002.