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Retour vers le futur en matière de risques professionnels. Par Christophe Martin, Juriste.
Parution : vendredi 25 janvier 2019
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Connaître et comprendre les événements du passé peut permettre de dénouer les situations présentes. C’est bien connu. Cette règle de portée générale peut trouver à s’appliquer en matière de risques professionnels dans deux problématiques spécifiques : la déclaration de maladie professionnelle d’un salarié à faible ancienneté et la prise en charge d’une rechute d’un salarié ayant quitté l’entreprise.

De la nécessité de connaître l’état de service des salariés avant leur arrivée…

La survenance d’une maladie professionnelle peu de temps après l’entrée en fonction du salarié, peut faire débat et faire grincer des dents. En effet, que doit-on penser d’un salarié déclarant une lombosciatique, affection décrite aux tableaux 97 et 98 des maladies professionnelles, après seulement 6 mois de présence dans l’entreprise ?

D’ailleurs, la faible ancienneté du salarié dans l’entreprise et par conséquent, sa courte exposition au risque, peut être un obstacle à la prise en charge de sa maladie si le tableau visé comporte une longue durée d’exposition.

Si le salarié ne remplit pas cette condition de durée d’exposition, soit la Caisse instruit le dossier au titre de l’alinéa 3 de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale et saisit le CRRMP, soit l’intéressé démontre avoir été exposé au risque chez son employeur actuel et ses précédents employeurs.

Dans ce dernier cas de figure, les conditions de délai de prise en charge s’apprécient en effet au regard de la totalité de la durée d’exposition au risque considéré [1].

Pour autant, en dépit d’une longue durée d’exposition chez plusieurs employeur, la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire [2].

En bref, c’est le dernier employeur qui paie la facture pour tous les autres employeurs qui l’on précédé… Cette règle n’est cependant pas une fatalité puisque l’employeur aura la possibilité de demander l’inscription des dépenses de cette maladie au compte spécial, s’il démontre que la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes, sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie [3].

Cela signifie que lesdites dépenses n’impacteront plus sont compte employeur. Ceci étant, l’employeur ne dispose pas forcément d’une vision exhaustive du parcours professionnel antérieur de ses salariés, mais un curriculum vitae permettant de remonter aux années antérieures et quelques recherches complémentaires pourraient suffire à apporter ce commencement de preuve.

D’ailleurs, si l’affection a été prise en charge au titre d’une exposition au risque dans plusieurs entreprises successives, cette formation apparait nécessairement dans la déclaration ou dans les éléments de l’enquête menée par la Caisse.

C’est une échappatoire peu connue des employeurs, les Caisses Primaires ayant trop souvent tendance à imputer la charge financière de la maladie professionnelle sur le compte du dernier employeur.

... et leur devenir après leur départ de l’entreprise.

La situation inverse peut également se produire lorsqu’un salarié victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle quitte l’entreprise puis déclare une rechute quelques temps après, alors qu’il a repris une autre activité chez un autre employeur.
Une rechute est, rappelons-le, soit l’aggravation de la lésion initiale, soit l’apparition d’une nouvelle lésion, après consolidation, résultant de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle [4].

En outre, il doit avoir nécessité d’un traitement médical pour que cette rechute permette au salarié de rouvrir son dossier, avec versement éventuel de nouvelles indemnités journalières et après une nouvelle consolidation, réévaluation de son incapacité permanente partielle.

Ce nouvel état ne poserait aucune difficulté particulière si entre temps l’intéressé était resté chez le même employeur.

Le doute s’installe en revanche si le salarié, après son départ de l’entreprise a repris de nouvelles fonctions qui peuvent l’exposer au même risque, auquel cas, l’entreprise d’origine pouvant alors trouver à redire par rapport à l’imputation de cette rechute sur son compte employeur.

Or, il est constant qu’il ne peut y avoir rechute au sens du texte susvisé que si l’affection constatée est la conséquence exclusive d’un accident du travail antérieur ou maladie professionnelle [5].

A noter d’ailleurs que la charge de la preuve du lien de causalité exclusif entre l’accident d’origine et la rechute appartient à la CPAM [6].

A défaut de démonstration, l’inopposabilité de cette décision de rechute peut être demandée par l’ancien employeur.

En pratique, les Caisses Primaires prenant rarement en compte les conditions de travail actuelles du salarié, la rechute est systématiquement imputée au compte de l’ancien employeur…

Cette inopposabilité limite la valeur du risque imputé à l’entreprise d’origine, aux seuls arrêts de travail et taux d’IPP antérieurs à la rechute.

Moralité de cette histoire sans fin : dans un dossier d’accident de travail et de maladie professionnelle, il n’y a pas de fatalité si l’on sait remonter le cours du temps ou se projeter dans l’avenir !

Christophe MARTIN Juriste conseil et contentieux http://www.seculex.fr/

[1Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 29 novembre 2012, 11-24.269

[2Cass. 2e civ., 21 oct. 2010, no 09-67494

[3Arr. min. 16 oct. 1995, art. 2, JO 17 oct.

[4L.143-1 du code de la sécurité sociale.

[5Cour de Cassation, Chambre sociale, du 19 décembre 2002, 00-22482.

[6En ce sens, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 mars 2012, 10-28.117.