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N’est pas directeur de publication qui veut : rappel par la Cour de cassation des principes régissant les mentions légales. Par Antoine Chéron, Avocat.
Parution : lundi 25 février 2019
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Par une décision du 22 janvier 2019, la Cour de cassation a rappelé le caractère strict des conditions de désignation du directeur de publication imposées par la Loi pour la confiance dans l’économie du numérique (ci-après LCEN).

En l’espèce, l’association Egalité & Réconciliation, indiquait, sur son site internet, comme directeur de publication et comme directeur adjoint deux personnes, autre que son représentant statutaire, qui étaient incarcérées pour une longue période. Cette incarcération les rendait donc incapable d’assumer leurs fonctions du fait notamment de l’absence de connexion à internet.

La Cour de cassation a considéré qu’ : « aux termes de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle le directeur de la publication d’un service de communication au public en ligne fourni par une personne morale est, de droit, le représentant légal ou, dans le cas d’une association, statutaire de celle-ci, en dépit de toute indication contraire figurant sur le site internet prétendant satisfaire à l’obligation de mettre à disposition du public dans un standard ouvert l’identité du directeur de la publication instituée par l’article 6 III, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ».

Dans des termes moins juridiques, la Cour a rappelé que la loi de 2004 impose aux sites internet de mentionner un directeur de publication effectif et en conformité avec les dispositions légales spécifiques en la matière.

La Cour renvoie en effet expressément à l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle qui prévoit que le directeur de publication est le président du directoire ou du conseil d’administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale. Dans le cas d’une association il s’agirait alors de son représentant statuaire.

En l’espèce, les personnes mentionnées en qualité de directeur de la publication et de directeur adjoint n’étaient en aucun cas les représentants statutaires de l’association en cause, celui-ci étant expressément mentionné à ce titre sur ledit site internet. La Cour de cassation a alors validé la décision de la Cour d’appel qui a retenu la responsabilité de ce dernier en tant que directeur de la publication .

Ainsi, seule la personne visée par la loi de 1982 peut avoir la qualité de directeur de la publication, toute autre mention sera privée d’efficacité.

Concrètement, cette restriction permet aux internautes d’identifier un seul destinataire auquel ils peuvent adresser leur demande et éviter au maximum les refus pour défaut de la bonne personne saisie que pourraient opposer les exploitants des sites internet.

Au surplus, les personnes visées ne pouvaient en tout état de cause assurer les fonctions qui leur revenaient en tant que directeur de publication puisqu’elles étaient incarcérées.

En vertu de la loi de 2004, le directeur de publication est notamment tenu d’assurer l’effectivité du droit de réponse offert aux internautes dont le nom est reproduit sur son site internet. Il est en effet « est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende de 3.750 Euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu » (article 6 IV de la loi de 2004).

Il était donc difficile pour des personnes incarcérées d’assurer le process mise en place par la LCEN.

La Cour de cassation a donc validé la condamnation prononcée à l’encontre du représentant statutaire de l’Association à savoir à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 5.000 euros d’amende.

Cette affaire est l’occasion de rappeler que la LCEN est d’interprétation stricte. Par analogie, la portée de cette décision s’applique également à l’éditeur et à l’hébergeur des sites internet.

Les exploitants de site internet doivent donc redoubler de vigilance dans la rédaction de leurs mentions légales afin de s’assurer de leur véracité et de leur conformité aux lois applicables en la matière.

Antoine Chéron, Avocat. ACBM Avocats [->acheron@acbm-avocats.com]