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Maladie professionnelle : inopposabilité vs imputabilité, réconciliation et clarification. Par Renaud Deloffre, Magistrat.
Parution : mardi 26 février 2019
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La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation vient dans deux arrêts du 11 octobre 2018 n° 17-24.346 et du 24 janvier 2019 n° 17-31.531 de rompre avec sa jurisprudence antérieure en décidant que l’imputabilité de la maladie professionnelle à l’activité du salarié à son service est désormais un moyen d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle mais l’apport essentiel de ces arrêts et plus particulièrement de celui du 24 janvier est que la Cour semble revenir à la solution déjà adoptée par elle dans le passé selon laquelle la maladie ne peut être imputable à l’employeur en cause que si l’exposition au risque du salarié à son service répond aux conditions du tableau.

Dans deux arrêts du 11 octobre 2018 n° 17-24.346 et du 24 janvier 2019 n° 17-31.531 la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation décide que l’absence d’imputabilité d’une maladie à l’employeur constitue un motif d’inopposabilité de la décision de prise en charge de cette dernière.

Ces deux arrêts, non publiés, semblent augurer un revirement de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur cette question.

Jusqu’à ces arrêts, le contentieux de l’opposabilité et celui de l’imputabilité semblaient bien distincts.

L’inopposabilité à l’employeur d’une décision de prise en charge permet à l’employeur d’obtenir de la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail ( CARSAT ) et auparavant de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie ( CRAM ) que les dépenses de la maladie ne soient pas inscrites sur son compte employeur et, dans le contentieux de la faute inexcusable, elle lui permet de ne pas supporter la charge de la majoration de l’article L.452-2 et des indemnisations de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale en cas d’inopposabilité de fond de cette décision. [1]

Cette inopposabilité suppose pour être prononcée que la maladie ait été prise en charge par la caisse alors que les conditions du tableau n’étaient pas remplies, la pratique et la doctrine la qualifiant d’inopposabilité de fond, ou alors que la caisse ait commis des manquements au principe du contradictoire à l’occasion de la procédure d’instruction de la déclaration, l’inopposabilité étant alors qualifiée d’inopposabilité de forme.

La notion d’imputabilité est quant à elle apparue dans le contentieux de la faute inexcusable, assez souvent en parallèle avec l’exigence du caractère professionnel de la maladie.

Il semble en effet résulter d’un certain nombre des arrêts de la Cour de Cassation intervenus dans ce contentieux que la faute inexcusable suppose pour être retenue à la fois la démonstration du caractère professionnel de la maladie, appréciée sur la totalité de la période d’emploi du salarié au service de la totalité de ses employeurs, et celle de l’exposition du salarié au risque chez l’employeur en cause dans des conditions constitutives d’une faute inexcusable, c’est à dire avec la conscience par l’employeur du danger auquel il l’exposait et sans mise en œuvre de mesures de protection permettant de le protéger contre le risque.

Cette double condition du caractère professionnel et de l’exposition au risque chez l’employeur en cause qui conditionne la reconnaissance de sa faute inexcusable semble ainsi posée par les arrêts du 28 février 2002. [2]

De manière particulièrement claire dans le même sens mais avec une formulation différente, un arrêt du 4 avril 2013 [3] exige que la maladie soit celle désignée dans le tableau et contractée dans les conditions mentionnées dans ce dernier et que la faute inexcusable commise par l’employeur soit une des conditions nécessaires de la maladie professionnelle.

On relève également deux arrêts du 29 novembre 2012 [4] qui prévoient tous deux, dans des affaires dans lesquelles l’employeur contestait le caractère professionnel de la maladie, qu’il convient de tenir compte, pour apprécier ce dernier, de la totalité de la durée d’exposition au risque considéré.

Ces arrêts publiés apparaissent particulièrement importants puisqu’ils indiquent très clairement que l’exigence du caractère professionnel de la maladie ne s’apprécie pas à l’égard du seul employeur actionné en reconnaissance de la faute inexcusable mais sur la totalité des périodes d’emploi du salarié au service de ses employeurs successifs.

Il est permis de penser à la lecture des différents arrêts précités que la faute inexcusable suppose en premier lieu que soit établi le caractère professionnel de la maladie, lequel s’apprécie sur la totalité de l’activité du salarié au service de ses employeurs successifs, puis en second lieu que la maladie soit imputable à l’employeur ce qui implique qu’il ait été exposé au risque chez ce dernier et enfin que cette exposition au risque soit intervenue dans des conditions constitutives d’une faute inexcusable.

Un certain nombre d’autres arrêts cependant ne s’attachent qu’à la condition d’imputabilité de la maladie à l’employeur actionné en reconnaissance de sa faute inexcusable ou à la condition tenant au caractère professionnel de la maladie à l’égard de cet employeur, outre les conditions tenant à la conscience du danger et à l’absence de mesures de protection contre le risque.

Ainsi peut on lire dans l’arrêt du 8 novembre 2012 [5], dans lequel apparaît sauf erreur pour la première fois dans le contentieux général l’expression d’imputabilité, la formule selon laquelle “pour retenir la faute inexcusable de l’employeur, le salarié doit établir de manière circonstanciée, d’une part l’imputabilité de la maladie à son activité au sein de l’entreprise, d’autre part la réalité de la conscience du danger auquel l’employeur exposait ses salariés ne l’ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de préservation utiles”.

De même dans un arrêt du 14 février 2013 [6], la Cour, qui était saisie d’une contestation de l’imputabilité de la maladie à l’activité pour le compte de l’employeur recherché en faute inexcusable, approuve les juges du fond d’avoir caractérisé l’exposition au risque, la conscience du danger et l’absence de mesures propres à préserver le salarié et d’en avoir exactement déduit que le caractère professionnel était établi à l’égard de la société et que celle -ci avait commis une faute inexcusable.

Il est à noter que cette formulation tenant au caractère professionnel établi à l’égard de l’employeur faisant l’objet de la procédure de faute inexcusable était déjà contenue dans l’arrêt du 10 mai 2012 [7] qui, après avoir rappelé qu’il appartenait au juge de rechercher si la maladie a un caractère professionnel et si l’assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d’une faute inexcusable, casse l’arrêt déféré à sa censure au motif que les juges d’appel n’ont pas recherché “si le caractère professionnel de la maladie était établi à l’égard de l’employeur qui contestait qu’il puisse exister un lien de causalité entre les fonctions qu’occupait la victime et sa maladie”.

L’on relèvera également, parmi ce courant jurisprudentiel, un arrêt du 12 mai 2011. [8]

Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les juges d’appel avaient retenu le caractère professionnel de l’affection pour caractériser la faute inexcusable d’un précédent employeur en relevant que le délai de prise en charge de 40 ans prévu au tableau n’était pas dépassé dans la mesure où le salarié avait continué à être exposé chez le dernier employeur jusqu’en 1981.

La décision déférée est cassée au motif qu’ayant déclaré sa maladie en février 2003 le salarié avait cessé d’être au service du précédent employeur depuis le 26 octobre 1959 ce dont il résultait que la délai de prise en charge prévu au tableau 30 B (40 ans) était expiré.

L’on voit donc que la jurisprudence en matière d’imputabilité dans le contentieux de la faute inexcusable semble effectuer un balancement entre deux courants jurisprudentiels apparemment bien distincts, retenant pour l’un le caractère professionnel de la maladie au vu de l’activité du salarié au service de la totalité de ses employeurs successifs, avec l’exigence d’une exposition au risque chez l’employeur actionné, et appréciant pour l’autre le caractère professionnel de la maladie à l’égard du seul employeur actionné en reconnaissance de sa faute inexcusable.

Apparue dans le contentieux de la faute inexcusable, la notion d’imputabilité s’est également développée dans le contentieux de la tarification, et ce également de manière totalement indépendante et distincte de la notion d’opposabilité.

On relève ainsi déjà un arrêt de la Chambre sociale du 16 novembre 1995 [9] qui, sans employer le terme d’imputabilité, approuve les juges du fond d’avoir dit que les conséquences d’une maladie ne pouvaient être prise en compte dans la valeur du risque propre à la société au motif que la première constatation médicale de la maladie était antérieure à l’embauche par le dernier employeur et qu’il n’avait pas été soutenu que l’affection se soit aggravée depuis cette embauche, ce dont il résulte clairement dans l’esprit des rédacteurs de cet arrêt que l’inscription au compte de l’employeur est subordonnée à une exposition au risque chez ce dernier.

Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation que s’il existe en matière de tarification une présomption selon laquelle la maladie a été contractée au service du dernier employeur exposant, ce dernier peut rapporter la preuve que l’exposition au risque est intervenue chez un ou plusieurs précédents employeurs
 [10]

Cette jurisprudence, applicable aux derniers employeurs exposants, l’est à plus forte raison à l’employeur non exposant qui peut obtenir l’absence d’inscription des dépenses à son compte en démontrant que la maladie ne lui est pas imputable, faute d’exposition du salarié au risque lors de son activité à son service.

L’on relève ainsi, par exemple, un arrêt de la section agricole tarification de la CNITAAT du 9 janvier 2013 (le numéro de répertoire est anonymisé au même titre que les noms des parties et des magistrats et greffier) qui inscrit les conséquences financières de la maladie professionnelle aux charges techniques générales ( équivalent du compte spécial pour le régime agricole) au motif que l’employeur sollicitant l’absence d’inscription des dépenses sur son compte n’a pas exposé le salarié au risque et qu’il convient, faute d’exposition, d’écarter la présomption selon laquelle la maladie est considérée comme ayant été contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque.

Un arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 19 décembre 2013 [11] formalise les termes de la distinction entre le contentieux de l’opposabilité et celui de l’imputabilité qui sous tendait déjà de manière assez claire la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Dans cette affaire, un employeur contestant l’opposabilité d’une décision de prise en charge avait été suivi par les juges du fond au motif que les maladies litigieuses avaient été médicalement constatées à une date antérieure à l’embauche du salarié par cet employeur et qu’elles ne pouvaient être considérées comme contractées à son service.

L’arrêt d’appel est cassé au visa des articles L.461-1, R.441-11 et R.441-13 du Code de la sécurité sociale au motif que “la prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle ne prive pas l’employeur à laquelle elle est opposable de la possibilité, en démontrant qu’elle n’a pas été contractée à son service, d’en contester l’imputabilité si une faute inexcusable lui est reprochée ou si les cotisations d’accident du travail afférentes à cette maladie sont inscrites à son compte” et que la Cour d’Appel en ne constatant pas d’irrégularité de la procédure d’instruction conduite par la caisse à l’égard du dernier employeur de la victime avait violé les textes susvisés.

L’employeur non exposant, auquel la maladie n’est pas imputable, n’a donc pas la possibilité de solliciter l’inopposabilité de la décision de prise en charge mais il peut s’exonérer des conséquences attachées à la reconnaissance de la maladie en établissant l’absence d’imputabilité de la maladie à l’activité du salarié à son service pour échapper à la reconnaissance de sa faute inexcusable ou à l’inscription des dépenses de la maladie à son compte employeur.

Il est à noter qu’il résulte de l’arrêt du 19 décembre 2013 que la charge de la preuve de l’absence d’imputabilité de la maladie pèse sur l’employeur auquel la décision de prise en charge est opposable, ce qui peut poser un problème de cohérence avec la jurisprudence en matière de faute inexcusable qui fait peser la charge de la preuve de l’imputabilité, du caractère professionnel et de la conscience du danger soit sur le salarié [12] soit sur le juge. [13]

Par un arrêt du 15 juin 2017 [14] la Cour de Cassation devait confirmer les règles posées par son arrêt du 19 décembre 2013 en ce qui concerne la charge de la preuve de l’absence d’imputabilité.

Dans cette affaire, dans laquelle le salarié recherchait la faute inexcusable d’un de ses précédents employeurs, les juges d’appel l’avaient débouté de son action au motif qu’il ne pouvait se prévaloir de la présomption d’imputabilité au dernier employeur et ne démontrait pas l’imputabilité de la maladie à son activité au service de ce dernier.

Cet arrêt est cassé pour inversion de la charge de la preuve au motif que “même s’il n’était pas le dernier il appartenait à l’employeur, s’il entendait contester l’imputabilité d’en rapporter la preuve”.

L’on relèvera également que la Cour a confirmé la distinction rappelée par son arrêt du 19 décembre 2013 entre le contentieux de l’opposabilité et celui de l’imputabilité dans une décision de non admission et dans un arrêt, tous deux du 15 février 2018.

L’affaire ayant donné lieu à la décision de non admission [15] portait sur une demande d’inopposabilité présentée par le dernier employeur d’un salarié dont la maladie avait été prise en charge au titre du tableau n° 30.

L’employeur faisait valoir au soutien de cette demande que le salarié engagé par lui en 1997 n’avait pas été exposé à l’inhalation de poussières d’amiante alors qu’il était à son service.

La Cour d’Appel de Metz [16] confirme le jugement déféré du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle au motif qu’en cas d’exposition au risque chez plusieurs employeurs les conditions de prise en charge telles que définies au tableau s’apprécient au regard de la totalité de la durée d’exposition au risque considéré, que l’exposition au risque était établie pendant la décennie 1980, que la maladie dont la première constatation médicale est le 13 février 2012 est survenue dans le délai de prise en charge, que la caisse a donc valablement pris en charge la maladie et que cette prise en charge est donc en conséquence opposable à l’employeur “qui conserve la possibilité en démontrant qu’elle n’a pas été contractée à son service d’en contester l’imputabilité si une faute inexcusable lui est reprochée ou si les cotisations AT/MP afférentes à cette maladie sont inscrites à son compte”.

L’employeur faisait valoir au soutien de son pourvoi un moyen unique en une seule branche aux termes duquel il soutenait en substance que la décision de prise en charge de l’affection ne peut lui être déclarée opposable faute pour le salarié d’avoir exposé au risque alors qu’il travaillait à son service.

Le pourvoi est rejeté sur le fondement de l’article 1014 du Code de procédure civile au motif que l’absence d’imputabilité n’est pas un moyen sérieux d’inopposabilité.

La même solution résulte d’un arrêt du même jour. [17] Dans cette affaire, la Cour de Cassation avait à connaître d’un pourvoi contre un arrêt du 4 novembre 2016 de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence intervenu sur une demande de reconnaissance par l’assuré d’une maladie professionnelle 30 bis dirigée à la fois contre la caisse et l’employeur.

La Cour d’Appel avait retenu le caractère professionnel de la maladie et l’opposabilité à l’employeur de sa décision de prise en charge au motif que les conditions du tableau étaient remplies au vu de l’activité au service de précédents employeurs et en relevant expressément que le salarié “n’a pas été soumis aux risques lésionnels au sein de la société...”

Le pourvoi de cette dernière faisait valoir que lorsqu’un employeur n’a pas exposé un salarié au risque qui a provoqué la maladie professionnelle la décision de prise en charge ne peut produire aucun effet à son égard et doit lui être déclarée inopposable.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi en relevant qu’ayant dit que la maladie du salarié avait un caractère professionnel, la Cour avait exactement décidé, tout en écartant la présomption d’imputabilité de cette pathologie au dernier employeur, que cette décision de prise en charge lui était opposable, confirmant ainsi intégralement sa jurisprudence de 2013.

C’est cette jurisprudence qui est clairement remise en cause par un premier arrêt du 11 octobre 2018 [18] dans une affaire dans laquelle la fin d’exposition au risque du salarié ayant déclaré une maladie 30D se situait en 1957 et où la caisse avait saisi le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles ( CRRMP ) pour dépassement du délai de prise en charge et avait pris une décision de prise en charge après avis de ce comité.

Le dernier employeur sollicitait l’inopposabilité de cette décision au motif que le salarié n’était entré à son service qu’à compter du 1er janvier 2015 et que l’exposition était donc antérieure à cette date.

La Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir retenu l’inopposabilité de la décision de prise en charge en relevant que l’exposition du salarié était antérieure à son embauche et que le caractère professionnel de la maladie n’était pas contesté ce dont il résultait qu’il n’y avait pas lieu à saisine du CRRMP.

Cet arrêt prend donc clairement le contre-pied de la jurisprudence antérieure qui décidait que l’absence d’imputabilité n’était pas un motif d’inopposabilité de la décision de prise en charge.

L’arrêt du 24 janvier 2019 [19] adopte la même position que l’arrêt du 11 octobre 2018.

Dans cette affaire, les premiers juges avaient relevé que le salarié avait été exposé à l’amiante en effectuant des travaux d’usinage et de finition de pièces contenant de l’amiante à compter de son embauche le 27 décembre 1965 par son précédent employeur et avait cessé d’effectuer ces travaux à compter du 1er juillet 1978 où il était devenu magasinier et soumis alors à une exposition environnementale à l’amiante, et ce jusqu’à la date de son licenciement économique le 31 décembre 1989.

Ils avaient également relevé que le fonds de commerce du précédent employeur avait été repris par le dernier employeur par un acte de cession du 2 juin 1988 entraînant transfert de plein droit des contrats de travail par l’effet de la loi mais excluant expressément le transfert des autres éléments de passif.

Ils en avaient déduit que si le dernier emploi de magasinier du salarié avait pu continuer à l’exposer à l’inhalation de poussières d’amiante, en raison des séjours plus ou moins longs qu’il pouvait faire au sein des ateliers et d’une atmosphère chargée d’amiante au sein de l’ensemble des locaux de l’entreprise, « la condition administrative tenant à la liste limitative des travaux n’était plus remplie concernant (le dernier employeur) et la reconnaissance de la maladie professionnelle ne pouvait intervenir à son égard que sur avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles » et ils en avaient déduit que la prise en charge de la maladie devait être déclarée inopposable à ce dernier employeur.

La Cour de Cassation approuve ce raisonnement au motif qu’il ressort de l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve effectuée par les juges d’appel que l’exposition de la victime au risque dans les conditions prévues par le tableau 30 bis a pris fin antérieurement à la reprise du fonds par le dernier employeur et qu’il en résulte que la maladie n’était pas imputable à ce dernier “ de sorte que la décision de prise en charge ne lui était pas opposable”.

Sous réserve de confirmation de cette jurisprudence, il apparaît donc que l’absence d’imputabilité constitue désormais un motif d’inopposabilité.

Cette évolution de la jurisprudence permet désormais aux employeurs de former une demande d’inopposabilité pour absence d’imputabilité et d’obtenir par voie de conséquence l’absence d’inscription sur leur compte employeur, en ce qui concerne désormais les employeurs relevant de la tarification individuelle ou mixte, alors que cette possibilité leur était fermée par la jurisprudence antérieure pour laquelle la contestation de l’imputabilité de la maladie à l’employeur ne relevait pas du contentieux de l’opposabilité mais du contentieux de la tarification ou de la faute inexcusable.

L’apport essentiel de la nouvelle jurisprudence et en particulier de l’arrêt du 24 janvier 2019 n’est peut être pas là.

Cet arrêt fait en effet apparaître une conception de l’imputabilité s’inscrivant dans le courant jurisprudentiel analysé ci-dessus qui s’attache à apprécier le caractère professionnel de la maladie à l’égard du seul employeur en cause puisque la Cour de Cassation retient que la maladie ne peut être imputable au dernier employeur si l’exposition du salarié à son service ne répond pas aux conditions du tableau, de même qu’elle retenait dans son arrêt du 12 mai 2011 [20] que la condition du délai de prise en charge s’appréciait à la date de la fin d’exposition du salarié au risque chez l’employeur actionné en reconnaissance de sa faute inexcusable, peu important qu’il ait ensuite été exposé au risque chez un autre employeur.

La confirmation par la Cour de Cassation d’une telle solution jurisprudentielle, si possible par un arrêt publié, aurait des conséquences importantes en matière de contentieux de la faute inexcusable et en ce qui concerne l’inscription des dépenses aux comptes des employeurs en permettant une clarification utile des critères de reconnaissance de l’imputabilité d’une maladie à un employeur déterminé.

Renaud Deloffre Conseiller à la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d'Appel d'Amiens. Docteur de troisième cycle en sciences juridiques.

[1Sur la question de l’action récursoire de la caisse en cas d’inopposabilité de la décision de prise en charge, on pourra se reporter à nos articles sur ce site et notamment l’article paru le 10 septembre 2018 intitulé “L’action récursoire des caisses.... suite.”

[2N° 99-17201 publié au Bulletin Civil 2002, V, n° 81, du 12 juillet 2012 n° 11-19127 et du 28 février 2013 n° 11-26.955.

[3N° de pourvoi 12-13600 publié au Bull.2013, II, n°69.

[4N°11-24269 au Bull.2012,II, n° 195 et du 14 mars 2013 n°11-26459 au Bull Civ,II, n° 50.

[5N° 11-20977

[6N° 12-13610

[7N° 11-15406.

[8N° 10-15187.

[9N° 93-18.579

[10Arrêt du 21 juin 1989 n°87-10.914 publié au Bulletin 1989,V,n° 463, arrêt du 22 novembre 2005 n° 04-11.447 publié au Bull.2005, II, n° 302 et arrêt du 21 octobre 2010 n° 09-67.494 au Bull Civ, II, n° 175.

[11N°12-19.995 publié au Bull Civ 2013, II n° 245.

[12Arrêt du 8 novembre 2012 n° 11-20977 et arrêt du 20 décembre 2012 n° 11-26655.

[13Arrêts du 28 février 2002 précité, du 10 mai 2012 n° 11-15406 et du 12 juillet 2012 n° 11-19.127.

[14N° de pourvoi 16-14.901, publié au Bull.2017, II, n° 137.

[15N° 17-13.491

[16Arrêt n°17/000011

[17N° 17-10.165.

[18N° 17-24.346

[19N° 17-31.531

[20N° 10-15187