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GPA : Reconnaissance de la filiation de la mère d’intention mentionnée sur l’acte de naissance étranger et n’ayant pas accouché. Par Francine Summa, Médiatrice.
Parution : jeudi 28 février 2019
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Par Jugement du Par Jugement du 24 janvier 2019, le Tribunal de Grande Instance de Nantes (1ère Chambre) a fait droit à la demande des parents français d’un enfant né aux Indes par gestation pour autrui de transcrire dans son intégralité son acte de naissance indien et rejette la position du Ministère Public de limiter à la filiation paternelle les effets de l’acte de naissance- la mère déclarée n’ayant pas accouché.

Cette décision est la première qui applique dès le premier degré de juridiction les principes de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et qui reconnaît la validité d’un acte de naissance par GPA internationale conforme aux dispositions de l’article 47 du Code Civil.

1- La GPA et l’Ordre International Public Français.

Depuis les Arrêts de la Cour de Cassation du 3 juillet 2015 et du 5 juillet 2017, la transcription des actes de naissance d’enfants nés à l’étranger par GPA pratiquée suivant les règles légales de ces pays n’est pas contraire à l’ordre public international français et doit être faite suivant les règles de l’article 47 du Code Civil, la vérification de la régularité de l’acte de naissance devant se limiter à un contrôle formel.
L’acte de l’état civil dressé à l’étranger ne peut faire foi s’il apparaît qu’il est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Ces décisions avaient été rendues après la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour son refus de transcrire les actes de naissance des enfants nées en Californie par gestation pour autrui par application de l’article 8 de la Convention des Droits de l’Homme- respect de la vie privée des enfants- Arrêt du 26 juin 2014).

2- L’Obstruction du Ministère Public avec le critère de l’accouchement « mater semper certa est », adage du droit romain.

Pour s’opposer à la transcription, le Ministère Public a prétendu que ces actes de naissance étaient faux en déclarant la mère d’intention – mentionnée sur l’acte de naissance- comme étant la mère de l’enfant en l’absence d’accouchement.
Reprenant l’adage du droit romain mais en le dénaturant. Cette formule latine est celle du critère de la paternité, faite par présomption : le mari est présumé être le père des enfants de son épouse. La formule commence ainsi : si la mère est certaine le père est celui qui…etc. ».
Or , les progrès de la médecine, la pratique de la PMA, ont fait modifier la loi sur la filiation.

L’article 311-25 du Code civil institué par l’Ordonnance du 2005- 759 du 4 juillet 2005 pose le critère de l’acte de naissance comme preuve de la filiation maternelle :
« La filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ».
Il ne peut donc plus être soutenu que l’accouchement reste le critère de la filiation maternelle. Rappelons que la femme peut accoucher avec des embryons créés en laboratoire, ce qui explique les naissances multiples. La grossesse n’apporte pas de patrimoine génétique, elle est la gestation nourricière sans aucune interférence sur le futur bébé, définitivement conçu par la première cellule, le zygote, qui contient tout le patrimoine génétique de l’être humain qui naitra.
Ainsi plus rien ne s’opposait à la transcription de l’acte de naissance étranger et ce pour le bien de l’enfant innocent qui a droit à sa vie privée, aux mêmes droits dont jouit un enfant.

La motivation du Tribunal.

Le Tribunal a tout d’abord écarté des débats le dossier médical en anglais transmis par le Consulat de France à Bombay (Inde) produit par le Ministère Public obtenu à l’insu des patients et sa traduction libre suivant laquelle l’enfant était né d’une mère porteuse et du père français.

Le Tribunal a relevé que le Ministère Public reconnaissait que la réalité de l’article 47 du cde Civil n’était pas nécessairement une réalité factuelle ou biologique.

Le Tribunal a observé que la régularité formelle de l’acte n’était pas contestée et qu’il avait été établi conformément à la Loi Indienne.

Le Tribunal a déclaré que les dispositions de l’article 47 du Code Civil français ne permettaient pas à la loi française de contraindre l’État étranger à appliquer la Loi française ce qui serait le résultat si l’on imposait que l’acte étranger soit intégralement conforme à la législation française et que l’acte ne soit pas contraire à l’ordre public international français.

Le Tribunal a rappelé que le Ministère Public reconnaissait que la gestation pour autrui n’était pas contraire à l’ordre international public.

Le Tribunal a déclaré :
« le fait que Madame…soit mentionnée sur l’acte de naissance en tant que mère alors qu’elle n’a pas accouché ne saurait justifier à lui seul le refus de reconnaissance de cette filiation maternelle telle qu’elle figure sur l’acte de naissance produit et qui correspond à la réalité juridique. Il n’est établi ni soutenu que l’acte de naissance de l’enfant aurait été dressé en fraude de la loi indienne. Le Ministère public ne rapporte donc pas la preuve que l’acte de naissance litigieux n’est pas conforme à la réalité au sens de l’article 47 du Code Civil. »

Le Tribunal a ajouté que la mère adoptive dans le cadre de l’adoption plénière figurait sur l’acte de naissance et donc qu’il n’était pas contraire à l’ordre public international français d’indiquer le nom de la mère d’intention comme mère sur l’acte de naissance étranger.

Le Tribunal a rappelé les dispositions de l’article 3§ 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant et de l’intérêt supérieur de l’enfant comme étant une considération primordiale, et qu’il était dans son intérêt primordial que soit reconnu son acte d’état civil indien avec ses pleins effets en France.

Le Tribunal a rappelé l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le droit au respect de sa vie privée et familiale et de la restriction à l’ingérence de l’autorité publique dans l’exercice de ce droit.

Et qu’il ne pouvait être refusé de transcrire un droit régulièrement acquis à l’étranger sans porter atteinte aux droits garantis par les conventions internationales ratifiées par la France, en particulier le droit à la vie privée et familiale de l’enfant et à une identité familiale incluant la filiation.

Le Tribunal a rejeté la solution préconisée par la Cour de Cassation et par le Ministère Public, à savoir la transcription de la seule filiation paternelle suivie d’une procédure d’adoption plénière, puisque la filiation de l’enfant est établie à l’égard des deux parents dans l’acte de naissance contrairement aux dispositions de l’article 345-1 du Code Civil.

Et que l’article 14 de la CEDH interdit toute discrimination entre les enfants quelque soit leur naissance, peu important qu’ils soient issus d’un processus de gestation pour autrui.

Le Tribunal a ordonné la transcription totale de l’acte de naissance.

3 - Un Jugement conforme aux principes de la CEDH et au Droit français.

Ce jugement très motivé juridiquement devrait ouvrir la voie à une transcription rapide des actes de naissance étrangers des enfants nés par gestation pour autrui.

Il est regrettable que le Ministère Public ait fait appel en considération de l’absence d’accouchement de la mère alors que le Code Civil a supprimé la présomption de maternité par l’accouchement – devenue obsolète avec la PMA légale et qu’en outre la distinction père/ mère est supprimée au profit du concept parent 1 et parent 2 compte tenu du mariage homosexuel et du développement du phénomène sociétal transgenre.

Francine Summa, Avocate, Médiatrice familiale.