Village de la Justice www.village-justice.com

Rupture conventionnelle : la Cour de cassation plus souple sur les cas de recours, mais plus stricte sur le formalisme ! Par Camille-Antoine Donzel, Avocat.
Parution : mardi 13 août 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/rupture-conventionnelle-cour-cassation-plus-souple-sur-les-cas-recours-mais,32213.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La Cour de cassation, au fil de sa jurisprudence, a assoupli sa position sur la possibilité de recourir à la rupture conventionnelle. Cet assouplissement s’est toutefois accompagné d’une appréciation plus stricte du formalisme entourant la rupture conventionnelle.

Une jurisprudence plus souple sur les cas de recours à la rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle est un mécanisme par lequel "l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie."

Fondée sur la notion de consentement, la rupture conventionnelle ne peut ainsi pas "être imposée par l’une ou l’autre des parties" et fait l’objet de dispositions "destinées à garantir la liberté du consentement des parties" (C. trav., art. L. 1237-11).

Forte du caractère hautement consensuel de la rupture conventionnelle, la Cour de cassation s’est dans un premier temps montrée réticente à ce qu’il y soit recouru dans des situations où le consentement du salarié pouvait être vicié.

Elle a ainsi remis en cause la rupture conventionnelle intervenue :

- en cas d’inaptitude (Cass. soc., 12 févr. 2002, n° 99-41.698) ;

- dans un contexte de harcèlement moral (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-22.332) ;

- dans un contexte d’engagement d’une procédure de licenciement (Cass. soc., 12 févr. 2014, n° 12-29.208 ; Cass. soc., 16 sept. 2015, n° 14-13.830).

Mais dans un second temps, sous la seule réserve d’un consentement libre et éclairé du salarié, la Cour de cassation a admis que la rupture conventionnelle intervienne :

- en cas d’inaptitude (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767) ;

- au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297 ; Cass. soc., 16 déc. 2015, n° 13-27.212) ;

- en cours de congé maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149) ;

- une fois le licenciement notifié (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-20.549) ;

- en dépit de l’existence de faits de harcèlement moral (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).

Les praticiens ont donc assisté à un assouplissement indéniable de la Cour de cassation au regard des cas de recours à la rupture conventionnelle.

Mais concomitamment, la Cour de cassation a montré récemment une plus grande rigueur dans le formalisme entourant la rupture conventionnelle.

Une jurisprudence plus stricte sur le formalisme entourant la rupture conventionnelle.

Les parties à la rupture conventionnelle doivent en discuter les termes au cours d’au moins un entretien (C. trav., art. L. 1237-12).

Les parties, une fois signée la rupture conventionnelle, bénéficient d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires (C. trav., art. L. 1237-13).

Or, la Cour de cassation a récemment rappelé que pour assurer l’effectivité du droit de rétractation du salarié, ce dernier devait se voir remettre impérativement un exemplaire de la convention de rupture.

Pour la Cour de cassation, la mention manuscrite « lu et approuvé  » précédant la signature du salarié et apposée sur l’exemplaire de l’employeur est insusceptible d’attester de l’existence de la remise d’un exemplaire au salarié (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.494), laquelle ne se présume pas (Cass. soc., 7 juill. 2019, n° 18-14.414).

Pèse donc sur l’employeur la charge de la preuve d’une telle remise, dont l’absence est de nature à entraîner la nullité de la rupture conventionnelle (Cass. soc., 7 mars 2018, n° 17-10.963).

Qui plus est, l’exemplaire remis au salarié doit être daté et signé par l’employeur et le salarié, faute de quoi la rupture conventionnelle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-23.586 ; Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 17-14.232).

Il convient donc de faire signer contre décharge au salarié un document attestant de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture signée et datée.

On notera toutefois que dernièrement, la Cour de cassation a considéré que le fait pour l’employeur de ne pas avoir informé le salarié de la possibilité de se faire assister tout étant lui-même assisté sans l’en avoir averti ne pouvait entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si l’assistance de l’employeur avait engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui s’était présenté seul à l’entretien (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-10.901).

Cette dernière décision illustre donc, malgré la sévérité de la Cour de cassation sur le plan du formalisme entourant la rupture conventionnelle, la prévalence de la recherche du consentement.

Camille-Antoine DONZEL Avocat Fromont Briens
Comentaires: