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Le PIDAF : un outil particulier de protection des massifs contre le risque incendie. Par Camille Wautier, Avocat.
Parution : mercredi 28 août 2019
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La lutte contre le risque incendie constitue un enjeu majeur pour les collectivités, sur l’ensemble du territoire national.

Pour autant, les outils susceptibles d’être mobilisés pour assurer cette mission de protection et de lutte contre les incendies dans les forêts et massifs ne sont pas toujours aisés à identifier, encore moins à manier.

PPRIF, PDPFCI, PIDAF, que d’acronymes pour ce qui apparaît comme un objectif commun, la lutte contre le risque incendie.

Le PPRIF ou Plan de Prévention des Risques d’Incendies de Forêts, est un plan de prévention des risques naturels (incendie, inondation, éboulement…), qui a pour objet de délimiter les zones exposées au risque d’incendie de forêt, de définir des mesures de prévention et des mesures relatives à l’aménagement, l’utilisation ou l’exploitation des constructions, ouvrages ou espaces situés dans les zones identifiées [1].

Le PPFCI ou Plan de Protection des Forêts Contre les Incendies, est un document d’évaluation, d’identification des actions et de planification de la politique de gestion du risque d’incendie de forêts. Ses objectifs sont d’une part la diminution du nombre d’éclosion de feux de forêts, d’autre part la prévention des conséquences des incendies. Ce plan a vocation à s’appliquer à une échelle départementale ou interdépartementale [2].

Le PIDAF ou Plan Intercommunal de Débroussaillement et d’Aménagement Forestier est quant à lui un document de planification relatif à l’aménagement et à l’équipement d’un massif forestier en vue de prévenir les risques d’incendie et de lutter contre eux. Le PIDAF couvre une échelle intercommunale.

C’est trois documents ne visent pourtant pas le même objet [3], en d’autres termes, plus l’échelle territoriale se réduit, plus le document revêt un caractère opérationnel.

I. Valeur juridique et opposabilité du PIDAF.

La région Provence Alpes Côte d’Azur compte de nombreux PIDAF pour la gestion de ses massifs forestiers, bien que ce document ne soit prévu par aucune disposition législative ou réglementaire du Code forestier.

Le PIDAF est ainsi une création sui generis, destinée à répondre aux besoins de certaines collectivités pour l’aménagement et la protection de leurs massifs forestiers.

En pratique, la question de la valeur juridique du PIDAF n’est pas sans poser difficultés.

En effet, ce document qui permet de prescrire des mesures spécifiques pour chaque massif forestier, ne revêt pas de caractère réglementaire et n’est juridiquement pas opposable.

II. Par quels mécanismes rendre les mesures du PIDAF opposables ?

En pratique, les collectivités peuvent souhaiter de rendre opposable le PIDAF et surtout les mesures et aménagements concrets qu’il préconise.

L’élaboration d’un Plan Départemental de Protection des Forêts Contre les Incendies (PDPFCI) peut être l’occasion de rendre opposable le PIDAF.

En effet, le PDPFCI est un plan de protection des forêts, à l’échelle départementale ou interdépartementale, qui doit comporter une description des risques et des mesures de protection, massif par massif [4].

A ce titre, le PDPFCI peut :
- Définir les actions envisagées pour diminuer les départs de feu, prévenir les risques et en limiter les conséquences,
- Définir la nature des débroussaillements obligatoires visés à l’article L.131-11 du Code forestier,
- Indiquer les équipements et aménagements préventifs existants et ceux à envisager ou programmer,
- Identifier les structures et organismes associés dans la mise en œuvre des actions.

Le PDPFCI est ensuite approuvé par arrêté préfectoral et devient opposable après réalisation des mesures d’affichage et de publicité.

Ainsi, l’arrêté préfectoral arrêtant le PDPFCI pourrait renvoyer aux travaux définis par le PIDAF au titre des actions à mettre en œuvre pour assurer la protection des massifs forestiers.

En d’autres termes, le PIDAF pourrait correspondre au volet opérationnel du PDPFCI, et ainsi prendre la forme du document d’orientation du PDPFCI [5].

Cela semblerait assez cohérent dans la mesure où le PIDAF s’inscrit plutôt comme un document d’application du PDPFCI, dès lors qu’il a vocation à préciser les actions concrètes à mettre en œuvre, en prescrivant des travaux et aménagements à réaliser, dans chacun des massifs du territoire qu’il couvre.

III. Les actions et aménagements du PIDAF sont-ils soumis à étude environnementale ?

Les dispositions de l’article L.122-7 du Code forestier prévoient, qu’en présence d’un document de gestion (Schéma régional de gestion sylvicole, Plan simple de gestion, Règlement type de gestion, code des bonnes conduites sylvicoles), les travaux et aménagements prévus peuvent être réalisés sans formalité particulière.

En d’autres termes, le document de gestion permet aux propriétaires de ne pas être soumis aux dispositions relatives aux parcs nationaux, aux réserves naturelles, aux sites inscrits et classés, aux sites Natura 2000 notamment, dans la mesure où le document de gestion a lui-même été approuvé dans le respect de ces dispositions.

Ainsi, il conviendra de déterminer quel massif du territoire concerné est couvert par un document de gestion, afin de déterminer si une étude environnementale est nécessaire ou non pour mettre en œuvre les actions identifiées par le PIDAF (PDPFCI).

En pratique, tout le territoire départemental ou interdépartemental couvert par le PDPFCI/PIDAF pourrait ne pas être soumis aux mêmes exigences, selon que chaque massif en cause est lui-même couvert ou non par un document de gestion.

IV. La mise en oeuvre du PIDAF.

Dans l’hypothèse où le PIDAF prendrait la forme du volet opérationnel du PDPFCI et serait rendu opposable par une référence dans l’arrêté préfectoral arrêtant le PDPFCI, se posera ensuite la question de sa mise en œuvre concrète.

A ce titre, la principale difficulté rencontrée relève de la coordination des actions entre les collectivités et les propriétaires privés.

En effet, le PIDAF peut préconiser des actions ou aménagements divers et variés.

Parmi, ces aménagements ou actions de protection de la forêt et de lutte contre l’incendie, certains sont à réaliser par la collectivité (création de pistes DFCI, débroussaillement des pistes DFCI et des propriétés des différentes collectivités territoriales…).

En revanche, certaines actions définies dans le cadre du PIDAF incombent aux propriétaires privés, comme le débroussaillement obligatoire.

A cet égard, les propriétaires privés devront laisser la collectivité réaliser les travaux prévus par le PDPFCI (PIDAF), et devront quant à eux réaliser les travaux qui leur reviennent, notamment le débroussaillement obligatoire, sauf à s’exposer aux sanctions prévues en la matière.

Par exemple, l’article L.131-11 du Code forestier relatif au débroussaillement obligatoire prévoit que lorsque le débroussaillement est imposé, à défaut d’être réalisé par le propriétaire, la Commune peut y procéder aux frais du propriétaire défaillant.

V. Contrôle et responsabilité en matière de protection contre l’incendie.

En application de l’article L.135-1 du Code forestier, les agents commissionnés et assermentés peuvent avoir accès aux propriétés privées pour constater la réalisation des mesures de défense et de lutte contre l’incendie.

Ces dispositions permettront ainsi aux collectivités d’assurer un contrôle de la bonne exécution des actions et aménagements définis par le PIDAF intégré au PDPFCI.

Quant à la responsabilité des collectivités, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article L.2212-2 5ème du Code général des collectivités territoriales, le Maire doit mettre en œuvre les mesures de prévention des risques naturels, au titre de ses pouvoirs de police municipale.

En cas de carence du Maire dans la mise en œuvre des mesures de prévention des risques naturels, celui-ci est susceptible d’engager sa responsabilité.

En outre, la responsabilité de la collectivité pourrait être engagée en cas de carence dans la mise en œuvre des mesures et actions qu’elle a identifiées dans son PDPFCI/PIDAF comme nécessaires pour lutter contre le risque d’incendie de forêt.

On peut noter à ce titre que des communes ont déjà vu leur responsabilité retenue en cas de défaut d’élaboration ou de mise en œuvre d’un plan de prévention des risques naturels [6], également en cas d’insuffisance des mesures de prévention contre le risque naturel [7], de carence de signalisation et d’information [8], d’absence ou d’insuffisance des travaux de prévention ou de réduction des risques [9].

Par conséquent, les collectivités territoriales devront se montrer particulièrement attentives, non seulement au stade de l’élaboration des documents de protection contre le risque incendie, mais aussi dans le cadre de leur mise en œuvre et du contrôle assidu que cela suppose.

Camille WAUTIER, Avocat

[1Article L.562-1 du Code de l’environnement, Article L.131-17 et suivants du Code forestier.

[2Article L.133-et suivants du Code forestier.

[3CAA Marseille, 1er déc. 2015, req. n°14MA01978.

[4Article L.133-2 du Code forestier et R.133-4 et suivants

[5Article R.133-4 du Code forestier.

[6CAA Marseille, 20 mars 2004, req. n°11MA02600, 11MA02598.

[7CE, 14 mars 1996, req. n°96272, 99725.

[8CAA Lyon, 11 juillet 2006, req. n°01LY00189.

[9CAA Lyon, 30 mai 1995, req. n°93LY01992.