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La responsabilité contractuelle des intermédiaires techniques en droit tunisien. Par Mohamed Gargouri, Juriste.
Parution : lundi 23 septembre 2019
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La responsabilité des fournisseurs de services (F.S) est engagée soit civilement, soit pénalement. En fait, elle est transposée par application de la loi du 27 juillet 2004 portant sur la protection des données à caractère personnel. Les intermédiaires techniques (I.T), qui sont spécifiquement, le fournisseur d’accès, le fournisseur d’hébergement, le fournisseur de contenu et le fournisseur des moteurs de recherche, sont eux-mêmes des F.S.
Ils sont régis, aussi, par le décret-loi n° 2014-4773 du 26 décembre 2014 fixant les conditions et les procédures d’octroi d’autorisation pour l’activité des fournisseurs de services internet.

La responsabilité civile est partagée en deux catégories à savoir : la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle.
Le rapport entre ces deux types de responsabilité pose toujours la question de l’option.

Le droit tunisien consacre la théorie de l’option dans l’article 523 du C.O.C. La responsabilité civile des intermédiaires techniques doit être analysée à deux niveaux : délictuel et contractuel. Notre étude va s’intéresser au côté contractuel.

La responsabilité contractuelle d’intermédiaire technique est engagée en cas de mauvaise exécution ou d’inexécution totale ou partielle de ses obligations qui existent dans un contrat au sens de l’article 276 du C.O.C. Il est nécessaire, d’un côté, de se focaliser sur la détermination contractuelle de la responsabilité de chaque fournisseur de services en présentant leurs garanties complémentaires (A) et d’un autre côté, de préciser la nature juridique de chaque contrat de fourniture (B).

A) La détermination contractuelle et les garanties complémentaires.

Il s’agit de s’intéresser en premier lieu à la responsabilité contractuelle de chaque acteur (a) et en second lieu aux garanties complémentaires (b).

a) La détermination contractuelle de la responsabilité de chaque intermédiaire technique.

La détermination contractuelle de la responsabilité de chaque fournisseur de service exige de mettre l’accent sur les caractéristiques spécifiques de la responsabilité du fournisseur d’hébergement (1), fournisseur d’accès (2) et fournisseur de contenu (3).

1) La responsabilité contractuelle du fournisseur d’hébergement.

La création d’un site, d’une page ou d’un blog suppose l’intervention de plusieurs intermédiaires techniques. Chacun de ces derniers est lié par un contrat qui est soumis à l’approbation de l’instance nationale de télécommunication (I.N.T) au niveau de son modèle à conclure avec les clients. Ce contrat régit les obligations des intermédiaires techniques vis à vis de l’internaute mineur conformément au décret-loi du 26 décembre 2014. En fait, le contrat d’hébergement est un contrat signé entre une entreprise possédant un serveur et un utilisateur de l’internet, par lequel, le prestataire de services héberge sur ses propres machines le site Internet de l’utilisateur. « Le serveur d’hébergement accueille, et stocke les informations fournies par l’utilisateur et les rend accessibles aux autres utilisateurs sur le réseau ».

Le contrat d’hébergement peut être défini comme étant « un contrat de prestations de services par lequel le prestataire (l’hébergeur) remet à son abonné (l’hébergé) une partie des ressources de ces machines espaces, disques durs et capacité de traitement en temps machine ».
Cette définition suscite les 3 remarques suivantes : D’abord, l’hébergeur doit mettre à la disposition de son abonné, moyennement rémunération, un espace mémoire (disques durs) et des capacités de traitement sur un serveur informatique. Ce serveur est une ressource informatique logicielle ou matérielle qui est capable de délivrer une information ou d’effectuer un traitement à la demande d’autres logiciels ou ordinateurs. Ainsi, un serveur matériel peut héberger divers serveurs logiciels. Ensuite, plusieurs abonnés, en se partageant le disque dur de l’hébergeur, se verront cependant attribuer chacun une adresse différente. On parle alors d’hébergement mutualisé qui constitue une solution préférée par les entreprises. Enfin, bien qu’elle reste de la propriété de l’hébergeur, l’abonné peut exiger l’exclusivité de l’utilisation de son serveur.

2) La responsabilité contractuelle du fournisseur d’accès.

Le contrat de la fourniture d’accès Internet réglemente la relation entre l’utilisateur de l’internet et l’opérateur de télécommunication. Le contrat de la fourniture d’accès est défini comme étant un contrat de prestation de services innomé par lequel le prestataire (F.A) confère à son abonné l’accès au réseau, gratuitement ou moyennant rémunération.

L’article 13 du décret-loi du 26 décembre 2014 prévoit que « le fournisseur de services internet s’engage envers les clients à : fournir l’accès aux services Internet à tous les demandeurs en utilisant les solutions techniques les plus efficaces ». L’article 8 du cahier des charges fixant les clauses particulières à la mise en œuvre et à l’exploitation des services à valeur ajoutée des télécommunications de type Internet, promulgué par l’arrêté du ministère des communications du 22 mars 1997, impose au F.S de conclure avec ses clients un contrat. Après la conclusion d’un contrat de fourniture d’accès, le prestataire de service est tenu d’une mission purement technique en s’engageant auprès de ses abonnés à fournir un service de connexion Internet. Le fournisseur d’accès est chargé, selon le même article, de garder la confidentialité de toute information relative à la vie privée des clients abonnés et n’en faire part que dans les cas prévus par la loi. De même, le fournisseur d’accès est tenu de prendre toutes les mesures techniques de protection visant à empêcher les différentes formes d’atteintes aux données nominatives de ses abonnés par les tiers. Le fournisseur d’accès est chargé d’une obligation de faire au sens de l’article 275 C.O.C.

3) La responsabilité contractuelle du fournisseur de contenu.

Le fournisseur de contenu est un producteur de contenu multimédia qui propose ses prestations aux opérateurs de sites web. Deux remarques s’imposent : la première est que la notion de fournisseur de contenu ne coïncide pas avec la notion du fournisseur d’accès, la seconde remarque est que l’opérateur fournisseur de contenu propose des offres de gestion de contenu qui seraient plutôt en rapport avec la gestion des ressources numériques (Digital Asset Management).
Il faut distinguer entre deux types de contrats qui lient les F.C et « ceux qui les relient aux autres intervenants, notamment pour la fourniture des moyens techniques et ceux qui les relient aux destinataires finaux du contenu ». En effet, les engagements sont clairement définis dans les contrats qui relient les F.C aux autres intervenants. La mise en ligne d’un contenu illicite entraîne la violation du contrat. Ce dernier sera inexécuté et donne lieu à la résiliation et éventuellement à des dommages et intérêts si le cocontractant démontre le préjudice. En général, cette responsabilité n’est pas règlementée par une loi spécifique mais elle repose sur les principes, du droit commun, édictés aux articles 330 à 338 du C.O.C.

b) Les garanties contractuelles.

L’analyse va mettre l’accent à la fois sur les garanties des contrats de fournitures (1), et les limites qu’elles confrontent (2).

1) Les garanties contractuelles des contrats de fournitures.

Les garanties des contrats de fournitures sont basées sur 3 éléments : d’abord, les déclarations des sites web (*). Ensuite, les clauses de confidentialité et de sécurité du contenu (**) et enfin le téléchargement et la modification des sites (***).

*) Les déclarations des sites web.

Les différentes déclarations relatives aux sites Internet peuvent être déléguées au prestataire d’hébergement bien que ces sites soient, en principe, réservés à leurs auteurs. La principale déclaration reste celle qui doit être déposée au siège de l’instance nationale de protection des données à caractère personnel conformément à l’article 7 de la loi du 27 juillet 2004 portant sur la protection de telles données. En droit français, la déclaration doit être déposée auprès de la commission nationale informatique et libertés (C.N.I.L) responsable du traitement automatisé des données.

**) Les clauses de confidentialité et de sécurité du contenu.

La clause de confidentialité qui peut dépendre du type de contenu hébergé, n’a ni un caractère obligatoire, ni un caractère nécessaire. Il est important de conclure un accord de confidentialité, concernant les informations sensibles, car l’hébergeur a toujours accès aux données relatives aux clients et aux partenaires de l’entreprise. L’intermédiaire technique, notamment le fournisseur d’accès, est tenu de respecter les obligations contractuelles comme la confidentialité consacrée par l’alinéa 8 de l’article 14 du décret-loi du 26 décembre 2014 qui l’oblige à conserver et à protéger les données personnelles propres à l’abonné, à savoir son nom, son prénom, son adresse e-mail, son adresse IP, son numéro d’identifiant fiscal. Ces données ne peuvent être divulguées qu’au cas où l’abonné présenterait son consentement préalable.

***) Téléchargements et modifications des sites.

L’article 14 alinéa 7 du décret-loi du 26 décembre 2014 prévoit que le fournisseur de services est tenu de « garantir le droit à tout abonné de rectifier les données à caractère personnel le concernant ou de les compléter ou de les clarifier ou de les mettre à jour, ou de les supprimer ». L’abonné mineur doit bénéficier des techniques fiables lui permettant le téléchargement et la modification des données et des sites. Les modes d’accès au site, par le téléchargement ou la modification, doivent être prévus dans le contrat original. En général, les contrats de fournitures comportent des garanties qui visent la protection de leurs abonnés mineurs. Cependant, les garanties complémentaires s’affrontent à des limites qui restreignent leur importance.

2) Les limites qui confrontent les garanties complémentaires.

Les garanties complémentaires peuvent avoir des différentes limites dans les contrats de fournitures comme les conditions de suspension des contrats de fourniture (*) et les clauses insérées qui empêchent l’engagement de la responsabilité (**).

*) Les conditions de suspension des contrats de fourniture.

La suspension des contrats de fourniture de services Internet peut être prévue dans certaines situations. Les modes de cette suspension doivent être insérés dans le contrat. La régularisation du problème exige que la durée de la suspension prévue puisse être ouverte ou fixée. Les modalités des transferts de l’hébergement du site et des noms de domaine doivent absolument être prévues dans le contrat. La récupération des données nécessite la fixation des délais. En effet, la fixation des délais a trois objectifs : d’abord, empêcher que l’hébergeur fasse trainer ce transfert, ensuite, préciser un délai pour que le client vienne restituer ces données et enfin, limiter le blocage des unités de stockage.

**) Les clauses abusives insérées aux contrats de fournitures.

Les clauses abusives n’ont pas été définies ni par la loi ni par la jurisprudence. En l’absence d’une définition claire et précise, on se réfère au droit français qui a défini ces clauses dans l’alinéa 1er de l’article L.132-1 du Code de la consommation, comme étant celles « qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ».
On constate que les clauses abusives sont les celles qui reflètent l’intention d’empêcher l’engagement de la responsabilité des F.S. La protection du mineur sur l’internet, en tant que consommateur d’un service de connexion, est prévue par la loi du 7 décembre 1992 relative à la protection du consommateur. Cette dernière s’avère applicable à tout type de contrat portant sur un produit ou un service. Le législateur s’est focalisé sur tout contrat nommé ou innommé ayant pour vocation un produit ou un service, et par conséquent il ne s’intéresse pas à un contrat bien déterminé. A ce propos, la protection se trouve consacrée non seulement dans l’article 10, qui interdit la clause qui limite la responsabilité du fournisseur du fait dommageable par le service n’offrant pas la sécurité et la santé légitimement requises pour le consommateur, mais aussi par l’article 17 alinéa 2 qui prohibe l’accord relatif à la non garantie. Cette législation, malgré son importance, n’a pas prévu de nouvelles techniques visant la lutte contre les clauses abusives insérées dans les contrats de fournitures.

B) La nature juridique spécifique des contrats de fournitures.

L’importance des contrats de fourniture impose leurs qualifications d’après les éléments qui les constituent. Une confusion des rôles, qui reste toujours possible, révèle un chevauchement au niveau des qualifications données aux différents contrats comme le contrat de fourniture d’hébergement (a), le contrat de fourniture d’accès (b) et le contrat de fourniture de contenu (c).

a) La nature juridique spécifique du contrat de fourniture d’hébergement.

Le contrat de fourniture d’hébergement est qualifié, d’un côté, comme un contrat de louage de choses (1) et d’un autre côté, comme un contrat de louage d’ouvrage (2). On va préciser aussi la qualification retenue soit par la doctrine, soit par la jurisprudence (3).

1) Le contrat de louage de choses.

Le contrat de louage de choses est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à permettre à l’autre de jouir d’une chose pendant un certain temps moyennant un prix, qui doit être payé conformément à l’article 727 du C.O.C quelle que soit la chose mobilière ou immobilière. Par application de cette définition au contrat d’hébergement, on constate que l’hébergeur permet à l’hébergé de bénéficier de l’espace dont il dispose sur ses machines. Cette définition s’avère valable puisque le prestataire donne l’autorisation à son client d’avoir accès à ses machines dont il conserve la propriété. Cependant, le contrat d’hébergement peut être qualifié de louage de choses dans la mesure où la prestation principale de l’hébergeur subsiste, mais puisque les prestations accessoires ne sont pas parfois plus importantes que la simple location des ressources d’une machine, cela entrainerait la modification de la qualification du contrat d’hébergement et le transforme en contrat de louage d’ouvrage.

2) Le contrat de louage d’ouvrage.

Le contrat de louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles. En effet, l’article 828 paragraphe 2 du C.O.C a considéré qu’une personne s’engage en vertu de ce contrat à exécuter un ouvrage déterminé moyennant un prix que l’autre partie s’engage à le lui payer. Le fournisseur de services est tenu dans le cadre du contrat d’hébergement d’accomplir plusieurs services qui sont essentiellement au nombre de trois. D’abord, l’assistance technique en cas de problème pour gérer le site. Ensuite, l’enregistrement du non de domaine et enfin, la maintenance d’une boite aux lettres électroniques.
L’hébergé est tenu de respecter non seulement les lois nationales du lieu de l’hébergement mais aussi les lois internationales, notamment en matière de protection de l’enfance, contre la pornographie ou encore les données à caractère raciste. En effet, Le défaut de respect de ces dispositions pourrait entrainer la résiliation du contrat pour mauvaise exécution d’une obligation et engager la responsabilité contractuelle de l’hébergé, le condamnant à payer des dommages et intérêts à son contractant. Les fournisseurs d’hébergement doivent effectuer les activités d’Entreprise puisqu’ils s’engagent à rendre plusieurs services comme l’enregistrement du nom de domaine, la maintenance d’une boite aux lettres électroniques, l’assistance qui vise la gestion des sites en cas de problèmes.

3) La qualification retenue par la doctrine et la jurisprudence.

Il s’agit d’analyser le point de vue retenu par la doctrine (*) et la jurisprudence (**) concernant la qualification du contrat d’hébergement.

*) La qualification retenue par la doctrine.

La qualification retenue par la doctrine est partagée entre deux opinions. Certains auteurs comme Eric Barbry et Frédérique Olivier ont considéré que la qualification du contrat d’entreprise est retenue suite à l’existence des dispositifs contractuels relatifs à la communication du produit multimédia sur le réseau Internet. Les deux auteurs affirment que les contrats, permettant les opérations de stockage et de maintenance, ont pour objectif la mise à disposition du multimédia du réseau. Ces contrats supposent l’existence d’un fournisseur qui s’engage à fournir un service technique, qui constitue l’une des caractéristiques du contrat d’entreprise.
Le raisonnement des auteurs est fondé sur l’idée que les prestations accessoires comportent non seulement la maintenance du site mais aussi la mise à disposition des ressources machines. L’hébergeur peut s’exonérer d’effectuer la maintenance bien qu’elle soit consacrée dans le contrat. Cependant, cette position a été critiquée par un autre avis qui considère que le contrat d’hébergement est un contrat de louage de chose. En effet, Olivier Iteanu a retenu cette qualification dans la mesure où le prestataire autorise à un client à avoir accès à ses machines dont il conserve la propriété et dans la mesure où les prestations techniques ont un caractère accessoire. Le F.H dépossède des ressources de ses machines mises à disposition comme le fait le locataire lorsqu’il dépossède de la chose qu’il loue.

**) La qualification retenue par la jurisprudence.

La jurisprudence ne présente pas une solution précise pour la qualification du contrat d’hébergement. Le problème ne se pose pas car les tribunaux ne se sont jamais prononcés. Cependant, les tribunaux français, ont rendu des décisions concernant l’engagement de la responsabilité des hébergeurs. En effet, « Ils retiennent qu’en mettant à la disposition du public ou de catégories de publics, des signes, des écrits des images du son ou des messages de toute nature qui n’ont pas le caractère de correspondances privées, les hébergeurs excèdent manifestement le rôle d’un simple transmetteur d’informations ». La jurisprudence a engagé dans l’arrêt du 10 février 1999 la responsabilité de l’hébergeur en affirmant qu’il est tenu d’effectuer une mission de mise à disposition d’information grâce aux moyens techniques dont il est propriétaire.
La qualification du contrat de louage peut être retenue dans la mesure où le preneur-hébergé exerce « un usage illicite des ressources des machines qui sont mises à disposition, le bailleur-hébergeur ne devrait normalement pas voir sa responsabilité engagée car il n’a plus le grade et la jouissance du bien loué ». La solution qui peut trancher le problème consiste dans le fait de se fonder sur les règles juridiques qui régissent le louage de choses car, dans certains cas, il s’avère que l’hébergeur, en tant que fournisseur de services, possède un grand nombre de moyens qui visent à limiter la diffusion des sites illicites. La jurisprudence reste insuffisante concernant la qualification du contrat d’hébergement, puisqu’elle ne s’intéresse pas au problème de la qualification du contrat d’hébergement d’une façon sérieuse. A ce propos, en attendant que le législateur trouve une solution au problème, l’incertitude domine l’appréciation des juristes.

b) La nature juridique spécifique du contrat de fourniture d’accès.

Les contrats de fourniture d’accès posent plusieurs problèmes d’ordre juridique qui sont relatifs essentiellement à la qualification du contrat d’accès comme contrat d’adhésion (1) ou contrat d’abonnement (2).

1) Un contrat d’adhésion.

Le contrat d’adhésion est un « contrat dont une des parties ne peut librement négocier les stipulations avant d’adhérer à celles fixées par son contractant ».
Le rôle de la partie faible se réduirait à l’adhésion au projet rédigé que lui présente son cocontractant. Ce type de contrat, qui est de plus en plus répandu, est appelé contrat d’adhésion. Cette qualification est prise en considération parce que la pratique a démontré que les contrats de fourniture d’accès sont des formulaires préétablis par le F.S, que l’abonné, en tant que bénéficiaire de service, est contraint de signer, sans pouvoir le négocier, le modifier ou proposer un changement du contenu. En effet, l’abonné se borne à signer le contrat sans aucune négociation. Outre cette impossibilité de négociation, la résiliation anticipée du contrat d’accès, exige des clauses qui imposent à l’abonné de payer l’abonnement jusqu’à l’expiration de la durée fixée initialement au contrat. « Le contrat de fourniture d’accès réunit deux contractants dont les pouvoirs sont totalement différents entre le professionnel (le F.A) et le consommateur, il existe un contrat constatant un déséquilibre apparent des droits et obligations ». Ce contrat est qualifié de contrat d’adhésion. Par ailleurs, le contrat de fourniture d’accès est qualifié de contrat d’abonnement.

2) Un contrat d’abonnement.

Le contrat de fourniture d’accès est qualifié de contrat d’abonnement. Le contenu de ce contrat impose au fournisseur d’accès d’effectuer plusieurs engagements. D’abord, le contrat de fourniture d’accès comporte un objet bien déterminé. L’objet consiste à fournir au client un accès à l’internet. Il doit être explicite. « A défaut de précisions quant à l’objet, le fournisseur d’accès s’expose soit à une action en nullité pour défaut d’objet du contrat, soit à une interprétation du contrat au regard des seuls éléments dont dispose le consommateur ». Ce contrat de fourniture d’accès, qui est considéré comme un contrat d’abonnement, exige la détermination d’un prix. A ce propos, le prix doit être précisé d’une manière particulière. Ensuite, le F.A est tenu d’une obligation de moyen. Il doit garantir la capacité d’accès, la sécurité et surtout la confidentialité des données personnelles. C’est la raison pour laquelle les clauses de garantie doivent être incluses dans le contrat de fourniture d’accès ayant pour but la fixation des missions du prestataire de service vis-à-vis de ses clients. Enfin, Puisqu’il contient des clauses qui visent la protection des internautes, le contrat de fourniture est qualifié de contrat d’abonnement. L’abonné, en tant que consommateur, jouit de certaines prérogatives sur l’internet présentées par le professionnel, en conformité aux obligations du conseil et d’information.

c) La nature juridique du contrat de fourniture de contenu.

La nature du contrat de fourniture de contenu suppose la distinction entre deux types de relation : la première relie ce contrat aux intervenants (contrat d’adhésion) (1) et la seconde est celle qui le relie aux destinataires finaux du contenu, ce qui lui confère plusieurs qualifications (2).

1) Le contrat d’adhésion.

Le contrat d’adhésion est un contrat dont les termes sont imposés par une partie à l’autre. Les clauses sont fixées et aucune discussion n’est possible. Les contractants sont libres d’adhérer ou non à ce contrat. C’est le cas par exemple du contrat conclu entre un fournisseur de contenu et une société de média. L’utilisation ou l’achat du contenu proposé par la société médiatique exige l’acceptation de l’acheteur liée par les termes du contrat présentant les conditions d’utilisation, la politique de protection des informations personnelles, les conditions de vente ainsi que les autres règles et conditions applicables publiées sur le site. L’acheteur (F.C) qui n’accepte pas de conclure le contrat, ne pourrait utiliser ni le nom ni le contenu de la société médiatique. Malgré le contrôle effectué par les tribunaux destiné à déclarer la clause non écrite, le contrat d’adhésion est le contrat le plus susceptible de contenir des clauses abusives.

2) Les différentes qualifications du contrat de fourniture de contenu.

Le contrat de fourniture de contenu peut être considéré comme un contrat de consommation ou bien un contrat d’édition numérique. Le contrat de fourniture de contenu est qualifié d’un contrat de consommation lorsqu’il lie les F.C aux destinataires finaux du contenu. Le fournisseur de contenu, qui a la qualité d’éditeur, peut écrire des articles dans des sites ou blogs soit à titre professionnel soit à titre amateur en tant que consommateur. Le nombre croissant des consommateurs du net influe sur la qualification du contrat de fourniture du contenu qui devrait être qualifié de contrat de consommation.

La protection du consommateur est réglementée par la loi du 7 décembre 1992 relative à la protection du consommateur. Cette loi, qui s’applique à tout contrat portant sur un produit ou un service, ne présente pas une définition de la notion du consommateur. En effet, cette notion est définie, par la loi 98-39 du 2 juin 1998 portant sur les ventes avec facilités de paiement et la loi n° 98-40 du 2 juin 1998 relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale qui s’appliquent d’une manière générale au rapport fournisseur-consommateur, comme étant « celui qui achète un produit en vue de le consommer ou un service pour en bénéficier à des fins autres que professionnelles ».

Le contrat de fourniture de contenu est qualifié d’un contrat d’édition numérique tant que l’auteur qu’il a créé ou a mis des informations dans le cyberspace, qui peuvent être un texte, des images, des sons, ou des vidéos, est considéré comme éditeur. Ce dernier peut avoir la qualité d’une entreprise de presse, d’un fournisseur d’accès, d’un fournisseur d’hébergement, d’une association ou d’un simple particulier. A l’encontre des médias traditionnels qui font preuve généralement d’un certain professionnalisme, l’internet permet à chacun de s’auto publier facilement et souvent gratuitement ou presque. Les producteurs de contenu sont de plus en plus autorisés. L’internet permet aux abonnés la diffusion des informations et des contenus, en jouissant d’une grande liberté.

Mohamed Gargouri, Juriste.