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Violences au Cameroun : entre trouble intérieur et conflit armé non international. Par Kolwe Wangso Weisman, Juriste.
Parution : lundi 30 septembre 2019
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La question de la qualification juridique des situations de violence en droit international humanitaire constitue aujourd’hui un blocage quant à sa mise en œuvre. C’est l’une des questions majeures qui secoue constamment la Communauté politique et juridique internationale. Les approches, très souvent, s’opposent quant à la nature juridique des conflits armés. En droit des conflits armés internationaux, le problème est moins retentissant. En droit des conflits armés non internationaux, il demeure un défi pour les hommes politiques et les hommes de loi.

C’est d’ailleurs le cas des violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, qui jusque lors, demeure sur la table des analyses. Les approches relatives à ces crises sont diversifiées (troubles internes ou Conflit Armé Non International), prolongeant ainsi les situations de violences et créant un flou autour de cette crise. Le régime juridique applicable à ces violences oscille entre droit national et droit international.

Cet article, propose une approche scientifique des situations de violence au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun. Une approche dénuée de toutes considérations d’ordre politique. Un exposé des différentes qualifications de ces violences sera fait, en rapport avec la théorie du droit international des conflits.

Introduction.

Le Cameroun, pays jusque lors n’ayant pas connu des troubles de grande envergure depuis des décennies, traverse depuis l’année 2012 les moments difficile de son histoire. Des attaques terroristes de la secte islamique Boko-Haram, conjugué aux vagues des réfugiés venant du Nigeria et de la Centrafrique et surtout les actions belliqueuses des mouvements sécessionnistes dans les régions du Nord-ouest et Sud-ouest. La République du Cameroun se trouve être au centre du théâtre de son histoire.

Si le Gouvernement de Yaoundé est parvenu à maîtriser les actions de la secte terroriste Boko-Haram et encadrer les réfugiés venant des pays voisins, la crise politique et sécuritaire au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, encore vulgairement appelée problème anglophone, est en train de prendre une certaine ampleur, qui semble dépasser les efforts du gouvernement et les bornes des désordres internes.

Prenant naissance à la fin de l’année 2016, la crise politique et sécuritaire au Nord-ouest et au Sud-ouest du Cameroun, est passée de la crise politique à une crise sécuritaire de grande envergure. Le gouvernement de Yaoundé ayant pris des mesures (drastiques) pour ramener l’ordre dans ces deux régions du pays, s’est trouvé confronter à des milices locales, défendant une certaine nation Ambazonienne [1]. Depuis la transformation de cette crise politique en conflit armé, mené par des combattants indépendantistes et réprimé par l’armée nationale [2], les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun secouent non seulement l’opinion nationale, mais aussi la communauté internationale. Les avis se trouvent divisés quant-à la qualification juridique de ce conflit.

D’aucuns pensent que, ces crises violentes sont constitutives de troubles internes, tandis que d’autres le qualifient de Conflit armé international. Face à ces différentes qualifications oscillantes, il sied de tabler sur le problème et de retenir la position qui reflète la réalité juridique de ces violences.

Cet article propose les dilemmes de la qualification juridique des violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun. Il vise d’abord à montrer comment les différentes approches de ces violences peuvent être interprétées compte tenu des évolutions de la pratique juridique internationale. Il convient à cet égard d’exposer les différentes approches de ces violences, en rapport avec les normes du droit international des conflits non armés. L’exposé de ces différentes approches mènera ensuite vers divers cas de qualification controversée. La réalité des violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun est en effet complexe que le modèle décrit en droit international humanitaire.

I- Les violences au nord-ouest et sud-ouest du Cameroun : exposé de thèses des adeptes de trouble intérieur.

A- Brève synthèse des violences armées au nord-ouest et sud-ouest du Cameroun.

Les violences aux Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, encore appelées crise anglophone, qui a débuté en octobre 2016, se sont transformées en conflit entre les forces de sécurité et des séparatistes de mieux en mieux armés, qui luttent au nom des causes de la minorité anglophone marginalisé [3].

L’élan séparatiste va sans doute parmi les anglophones tandis que le gouvernement de Yaoundé fait peu de cas des griefs historiques du conflit. La violence s’est répandue à un nombre élevé des victimes [4]. Des indices laissent penser que les séparatistes contrôlent des portions de territoire ; 30.000 personnes ont trouvé refuge au Nigéria dans des conditions précaires [5] et environ 40.000 sont déplacées dans la région anglophone du Sud-ouest [6].

De nombreux militants semblent considérer qu’ils ont intérêt à se battre pour être en position de force en cas de négociation avec le pouvoir de Yaoundé. L’Union africaine et les puissances occidentales ont appelé au dialogue [7]. Le gouvernement reconnait la nécessité d’engager des pourparlers, mais rejette l’appel des activistes anglophones à une médiation externe, et refuse toute discussion sur le fédéralisme. Il a emprisonné des dirigeants anglophones avec qui il entretenait auparavent des bonnes relations [8].

Avec la constitution des groupes armés, et les différents affrontements sur le terrain des hostilités, l’opinion majoritaire semble être très inquiète de la situation et appelle au dépôt des armes et au retour au calme. Malgré les avancés du gouvernement de Yaoundé dans la résolution de ce conflit, cette crise est loin de prendre fin. Les combattants sécessionnistes, continuant à défendre leurs causes, allant jusqu’à contrôler certaines parties du territoire [9], ajouter aux crises humanitaires dans cette partie du pays, cela montre à quel point, ce conflit est alarmant.

L’ampleur de la situation ces derniers années, amène beaucoup des personnes à demander une intervention internationale. Or, pour que la communauté internationale puisse intervenir, la question de la qualification juridique du conflit doit être résolue. Les positions quant-à ce dilemme se divisent en deux. D’un côté, ceux qui sont favorables aux troubles intérieurs et de l’autre, ceux qui le qualifient comme étant un conflit armé non-international.

B- Les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun : la thèse des partisans des troubles intérieurs.

Pour beaucoup, les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, par leurs natures et leurs champs réduits, sont constitutives de ce que le Droit International Humanitaire qualifie de trouble intérieur [10]. Il s’agit des situations de tension interne, des troubles sécuritaires comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques, des situations d’insécurités qui ne nécessitent pas l’intervention des forces armées républicaines. Selon le Protocole Additionnel II de 1977 aux Conventions de Genève du 12 aout 1949, ces types de violences sont de la compétence de la Police Nationale, dont le rôle est le maintien de la stabilité et de la sécurité intérieure.

L’appréciation des violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, qualifiées par le gouvernement de Yaoundé et ses partisans de situation de trouble intérieur [11], dépend d’une multitude des données indicatives telle que : l’intensité des violences, la durée des troubles et le niveau d’organisation des groupes armés [12].

D’autres partent plus loin en ajoutant même des données comme la nature des armes utilisées ou les actes terroristes. Les trois premiers sont des critères qui décrivent le mieux les situations de trouble intérieurs.

De primo, l’intensité des violences : les données relatives à l’intensité des violences sont par exemple, le caractère dispersé des violences ou le fait que l’Etat soit contraint de recourir à ses forces de police.

Secundo, la durée des troubles : elle est relative à la fréquence des actes de violence, la nature des armes utilisées, le déplacement de la population civile, le nombre des victimes, les prises d’otage et les arrestations multiples.

In fine, le niveau d’organisation des groupes armés : il est relatif aux forces dissidentes, la police nationale étant censé être organisée et placée sous un commandement et ayant le pouvoir de lancer des opérations coordonnant différentes unités. Les forces dissidentes quant à elles doivent être dispersées et ne relevant pas d’un commandement clairement identifié.

Lorsque ces différentes conditions sont remplies, une situation de violence peut être qualifiée de trouble intérieur.

Selon les tenants de la thèse qualifiant les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun de situation de trouble intérieur, ces violences reflètent la forme exacte des situations de troubles intérieurs. Cela est peut-être vrai au vue des critères de qualification des situations de troubles intérieurs exposé ci-dessus.

En ce qui concerne le premier critère c’est-à-dire l’intensité des violences, le gouvernement de Yaoundé estime que, le caractère dispersé et sporadique des violences, ne nécessite pas l’intervention d’une force armée [13]. Cela semble être vrai lorsqu’on analyse le début du conflit et les raisons d’intervention Etatique. Une intervention qui relevait particulièrement de la police nationale.

Relatif ensuite à la durée des violences, la nature des armes utilisées, le déplacement de la population civile, le nombre des victimes, les prises d’otage et les arrestations multiples, les partisans du trouble intérieur soutiennent, malgré une durée assez longue des hostilités, une fréquence approximative des violences, un déplacement important de la population civile, des prises d’otage et des arrestations des auteurs de troubles, que les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun sont cantonnées dans le champ d’application des troubles intérieures.

Concernant enfin le niveau d’organisation des parties aux violences, il est admit par les tenants des troubles intérieures que les parties au conflit au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, et surtout les dissidents c’est-à-dire les sécessionnistes et les guérillos, que ces derniers ne sont pas organisés tel qu’une armée Etatique. Ce sont des groupes armés minuscules, disparates et interdépendants, qui mènent des actions isolés [14].

A l’analyse de tout ces critères, il ressort que le conflit au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, selon les partisans de trouble intérieure, sont du champ de trouble intérieure tel que soutenu par le gouvernement de Yaoundé et ses partisans. Selon eux, ces violences relèvent particulièrement des troubles intérieures et par conséquent sont du champ de compétences nationales. Ils excluent ainsi d’autres qualifications juridiques des violences, qui pourraient faire basculer les violences vers d’autres approches. Pour eux, le seuil et l’intensité des violences n’ayant pas atteint le niveau d’intervention du Droit International Humanitaire, et par conséquent de la police internationale, il revient à l’Etat de faire taire les violences [15].

Toutefois, si la position des partisans de troubles intérieures semble prendre de l’ampleur et s’avère convaincante, tel n’est pas cependant l’avis de tous. Depuis un certain temps, une tendance majoritaire se tourne de plus en plus vers la thèse qualifiant les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun de Conflit Armé Non International.

II-Les violences au nord-ouest et sud-ouest du Cameroun : une tendance accrue vers un conflit armé non international.

L’ampleur des violences armées au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun ces dernières années, conduit certaines personnes à le qualifier de Conflit armé non international (CANI) [16]. Ils rejettent catégoriquement l’argument qui considère ce conflit de trouble intérieure. Leurs thèses est fondées sur des critères identiques à ceux utilisés par les partisans de trouble intérieure exposée ci haut. Avant d’exposer cette nouvelle approche, il sied de signifier ce qu’on appelle CANI et d’en ressortir ses contours.

Le Droit International Humanitaire appelle Conflit Armé Non International (CANI), les conflits armés ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des hautes parties contractants aux Conventions de Genève de 1949 [17] et à ses Protocoles Additionnels de 1977. Ces articles à eux seules posent les bases du droit des conflits armés non international. Les conflits armés ne présentant pas un caractère international sont en effet, des conflits dans lequel l’une au moins des parties impliqués n’est pas gouvernementale. Deux cas de figure sont mis en exergue ici. Le premier, met en confrontation un ou des groupes armés à des forces Etatiques, et le second, les forces armées entre elles.

Il faut préciser que pour qu’il y est "CANI", il faut que la situation de violence atteigne un niveau qui la distingue des autres formes de violence. Cela voudra dire que certaines formes de violence sont exclues du champ d’application du droit international humanitaire. On parle ainsi des tensions internes ou troubles intérieurs, des violences sporadiques, des émeutes. Ces formes de violences relèvent du champ d’application du droit interne des Etats.

Généralement, il existe deux types de CANI : les CANI de basse intensité et les CANI de haute intensité [18]. Dans tous les deux cas, les combattants capturés lors des hostilités, ne bénéficient pas de statut de prisonnier de guerre. Pour n’est pas sombrer dans des confusions de forme de CANI, une distinction à été opérée entre ces deux types de CANI. La distinction entre le CANI de haute et de basse intensité, dépend du seuil de violence ou des hostilités. Lorsqu’ils sont de grandes envergures, on est en situation de CANI de haute intensité ; et lorsque les violences ou hostilités sont moins grandes, on est en présence du CANI de basse intensité. Toutefois et dans tous les deux cas, l’appréciation du CANI dépend de l’intensité des violences et de l’organisation des groupes armés.

En ce qui concerne le critère d’intensité, les données peuvent être : le caractère collectif de la lutte ou le fait que l’Etat soit contraint à recourir à son armée, la durée du conflit, la fréquence des actes de violence et des opérations militaires, la nature des armes utilisées, le déplacement de la population civile, le contrôle territorial exercé par les forces d’opposition ou le nombre des victimes. Relatif enfin à l’organisation des groupes armés, le TPIY énonce que les parties au conflit doivent atteindre un niveau d’organisation minimale [19]. Pour les forces gouvernementales, elles sont présumées satisfaire cette obligation. Les éléments entrant en ligne de mire de ce critère concernent par exemple : l’existence d’un organigramme exprimant une structure de commandement, le pouvoir de lancer des opérations coordonnant différentes unités, la capacité de recruter et de former des nouveaux combattants ou l’existence d’un règlement intérieur.

Le rapprochement de la théorie du Droit des conflits non internationaux au contexte de vives violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, conduit une partie de la doctrine à considéré ce conflit de CANI de basse intensité. Il faut donc une analyse minutieuse du conflit pour s’en convaincre de cette dernière approche.

A- L’intensité des violences.

Relatif au critère d’intensité, les violences perpétrées par les groupes armés ces dernières années semblent confirmer l’approche des tenants de la thèse de CANI de basse intensité.

Tout d’abord, le gouvernement, dans le cadre de ce conflit, ne fait plus recours à son armée régulière c’est-à-dire la police nationale ou la gendarmerie nationale, mais à une armée spéciale ou milice de combat [20]. Les parties adverses quant à elles se sont constituées en groupes de combattants lourdement armés, qui mènent des actions concertées et sèment des vives violences dans ces deux régions du Cameroun [21].

Ensuite, relatif à la durée du conflit, il est sans doute admit qu’il rempli la conditionnalité du CANI de basse intensité. La durée de ce conflit est assez longue, estimée à plus de trois ans. Chose qui laisse croire que, ce conflit défit les efforts du gouvernement du Cameroun.

Concernant la fréquence des actes de violence et des opérations militaires, il n’est plus à démontrer. Il ne se passe pas un jour sans que les médias annoncent des tueries, des prises d’otage et des confrontations directes entre les groupes armés et l’armée républicaine dans ces régions du pays [22]. Les victimes causées par ce conflit, laisse confirmer l’ampleur et l’intensité des violences dans cette lutte. Au delà des pertes en vie humaine, l’on comptabilise également des déplacements massifs de la population civile. Selon le rapport de l’ONG International Crisis Group, depuis le début de ce conflit, plus de 35.000 personnes se sont réfugiées dans les pays voisins et plus de 530.000 ont du abandonnées leurs villages pour se mettre à l’abri des hostilités [23]. Ce chiffre qui continue à grimper, montre à quel point le conflit est réel et alarmant.

Enfin, la nature des armes utilisées et le contrôle de certaines parties du territoire par les groupes armés, rendent valide l’argument des tenants de CANI de basse intensité. Selon l’ONG International Crisis Group, les armes utilisées par les groupes armés sont sophistiquées et modernes [24]. Il faut dire que ces groupes armés mènent des combats de type guerrier. Ils vont jusqu’à imposer leurs lois sur certaines parties de ces régions [25].

Si la réticence est grande quant à l’affirmation du contrôle territorial par les groupes armés, les faits montrent que les groupes armés contrôlent certaines parties de ces deux régions. Il s’agit des parties périphériques de ces deux régions où les groupes armés organisent leurs opérations de combat. Ce contrôle continue à s’étendre peu-à-peu au point où les deux régions sont en train de se vider de leurs populations.
La coïncidence des faits aux critères du premier point, nous amène à étudier le second afin de confirmer la pertinence de la thèse des tenants du CANI de basse intensité.

B- L’organisation des parties.

Selon le critère d’organisation des parties, l’existence d’un organigramme en est le premier élément. L’organigramme exprime l’existence d’une structure de commandement. Dans la crise sécuritaire au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, l’organigramme des hostilités des groupes armés est difficile à déterminer. Parce que les opérations de combat menées par les guerilleros et les groupes sécessionnistes sont diversifiées (des embuscades, des attaques surprises, des kamikazes, attaques directes…).

En outre, il faut préciser que, selon la théorie des CANI, les groupes armés doivent jouir d’une capacité de recrutement et formation des nouveaux combattants. Lorsqu’on examine de près le cas des groupes sécessionnistes et les guerilleros, il est difficile de répondre affirmativement ou la négativement s’ils recrutent ou forment des nouveaux combattants. Cependant, avec l’ampleur de la situation sur le terrain, l’on est tenté de dire qu’un groupe armé ne saurait résister pendant une si longue durée, sans avoir recours à un recrutement des nouveaux combattants. Pour tenir, ils sont obligés de compléter leurs effectifs par des procédés de recrutement particulier ou clandestin.
Analyse faite, et au vue des coïncidences avec les critères d’appréciation du CANI, il est sans doute clair que les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun sont constitutives de CANI de basse intensité. La nature de ces violences va au-delà des situations de tension interne ou de trouble intérieur. C’est également l’approche du CICR selon lequel, le simple fait qu’un groupe armé contrôle une partie du territoire, est suffisant pour qualifier un conflit de CANI [26]

Cependant, affirmer en tranchant ainsi le débat, serai prématuré de la part des scientifiques que nous sommes. Si ce conflit est effectivement un CANI de basse intensité, le droit des conflits armés aurait été mis en œuvre et l’implication de la police internationale allait être assurée. C’est dire que certains flous existent encore autour de ce conflit qui continue à causer des lourdes pertes au gouvernement.

Conclusion.

Les violences au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun, qui depuis lors ne cessent de faire couler le sang, la sueur et l’encre, montre à quel point il est difficile d’appliquer la force du droit et de faire taire les fracas des armes. La difficile qualification juridique de ces violences est un problème délicat pour la Communauté scientifique en général et pour les leaders politiques camerounais en particulier.

Les positions restent partagées quant à la nature de ce conflit. D’aucuns le qualifient de CANI de basse intensité, alors que d’autres se tournent vers la thèse des troubles intérieurs. Cependant, il faut dire que, la qualification des situations de violence armée est souvent tributaire des considérations d’ordres politiques, les parties impliquées cherchant à interpréter les faits à leurs intérêts, s’appuient sur la marge d’appréciation laisser ouverte par la généralité des catégories juridiques [27].

C’est peut-être le cas de la position du gouvernement camerounais, qui refuse d’admettre qu’il se trouve engagé dans un conflit armé et préfère relativiser l’intensité de la situation en déclarant conduire une opération de maintien de l’ordre. Ce faisant, il nie l’application du droit humanitaire. Cette position se trouve favoriser par l’absence d’un organisme international indépendant chargé de se prononcer sur ces vagues de violence au Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun.

Kolwe Wangso Weisman, "Le droit chemin, c'est le chemin du droit".

[1Actu Cameroun, Cameroun : L’escalade des violences en zone anglophone inquiète Paris et Washington, 17 Février 2018 par NDOUMBE Nathan.

[2Enquête du journal Médiapart, Reportage - Thomas Cantaloube - 17 août 2019

[3International Crisis Group, La crise anglophone au Cameroun : comment l’Eglise catholique peut encourager le dialogue, Briefing Afrique de Crisis Group N°138. Nairobi/Bruxelles, 26 avril 2018. Traduit de l’anglais.

[4International Crisis Group, Crise anglophone au Cameroun : comment arriver aux pourparlers, Report N°272 / Africa 2 May 2019.

[5Déclaration du porte parole du HCR, lors de la conférence de presse du 09 novembre 2018 au palais des Nations à Genève.

[6Journal Francetvinfo : Afrique, La guerre civile qui ensanglante les régions anglophones du Cameroun aurait fait quelque 160.000 déplacés et 34.000 réfugiés au Nigeria voisin. Ils ont dû fuir en raison des violences liées au séparatisme anglophone, mais surtout de la répression de l’armée camerounaise. On ne connaît pas le nombre de victimes, mais c’est la première fois que les Nations-Unies mettent un chiffre sur la crise.

[7International Crisis Group, Crise anglophone au Cameroun : comment arriver aux pourparlers, Report N°272 / Africa 2 May 2019.

[8VOX AFRICA TV, Arrestation de "terroristes" anglophones au Cameroun, 10 août 2017.

[9237 online.com, Paul BIYA pourra-t-il tenir ses promesses dans les régions anglophones ?, 3 mai 2019.

[10Art : 1 du Protocol Additionnel II de 1977

[11Actu Cameroun, Crise dans la zone anglophone : ce que pensent les Camerounais de la zone francophone, Publié : 16 Jan 2017.

[12Voir rapport de la Commission d’expert charger d’examiner la question de l’aide aux victimes des conflits interne, Rapport R. Pinto, Revue internationale de la Croix-Rouge, 1963, pp78-79 : « L’existence d’un conflit armé au sens de l’article 3 ne peut être nier si l’action hostile, dirigé contre un gouvernement légal, présente un caractère collectif et un minimum d’organisation. A cet égard et sans que ces circonstances soient nécessairement cumulatives, il y a lieu de tenir compte d’élément tel que la durée du conflit, le nombre et l’encadrement des groupes rebelles, leur installations ou leur actions sur une partie du territoire, le degré d’insécurité, l’existence de victimes, les moyens mis en œuvres par le gouvernement légal pour rétablir l’ordre… »

[13Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), CAMEROUN - Le bilan s’alourdit dans les régions anglophones après une forte répression, 07/10/2017

[14International Crisis Group, idem.

[15Protocol Additionnel II, article 1(2).

[16RFI, Cameroun anglophone : un conflit oublié, une grave crise humanitaire, Par Arnaud Jouve Publié le 09-05-2019 Modifié le 10-05-2019 à 11:30.

[17Art : 3 communs aux Conventions de Genève de 1949.

[18Jean D’Aspremont et Jérôme de Hemptinne, Droit international humanitaire. Manuel, thème : Les conflits armés. Éditions A.Pedone EAN 978-2-233-00659-2

[19TPIY, affaire Haradinaj, jugement du 10 juillet 2008, note 25 paragraphe 60.

[20Voir le rapport Afrique de Crisis Group N°250, Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins, 2 août 2017 ; et le briefing Afrique de Crisis Group N°130, Cameroun : l’aggravation de la crise anglophone requiert des mesures fortes, 19 octobre 2017.

[2102 Aout 2019, Crise anglophone au Cameroun : comment arriver aux pourparlers, Rapport Afrique N°272 | 2 mai 2019, p4

[22Journal du Cameroun.com, crise anglophone, 12 otages de nationalité italienne et suisse libérés dans le sud-ouest, 04/04/2018. Voir aussi, Le Bled Parle, Crise anglophone : Libération des étudiants de l’Université de Buéa kidnappés par les séparatistes, Publication : 22 mars 2019. Voir également, Actu Cameroun.com, Crise anglophone : libération de dix élèves capturés mardi à Kumba, Publié : 21 Novembre 2018v

[23« Cameroon : North-West and South-West situation report », Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), 31 mars 2019.

[24International Crisis Group, ibidem…

[25Voir le rapport Afrique de Crisis Group N°250, Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins, 2 août 2017 ; et le briefing Afrique de Crisis Group N°130, Cameroun : l’aggravation de la crise anglophone requiert des mesures fortes, 19 octobre 2017. P14

[26Exemple : quand les centres urbains restent en mains gouvernemental, tan disque les zones rurales échappent à leurs autorités.

[27S. VITAE, « typologie des conflits armés en droit international : concepts juridiques et réalités ». P1.