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De l’autorité des actes d’état civil établis par l’OFPRA. Par Sébastien Marmin, Avocat.
Parution : vendredi 18 octobre 2019
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Dans une ordonnance datée du 20 septembre 2019 (CE, ord., 20 sept. 2019, n° 418842), le Conseil d’État a rappelé que les actes établis par l’Office français des réfugiés et des apatrides, permettant aux réfugiés ou aux bénéficiaires de la protection subsidiaire en France de justifier de leur état civil, ont valeur d’actes authentiques. Ces documents doivent ainsi être pris en compte par les autorités consulaires lorsqu’elles doivent se prononcer sur une demande de visa présentée dans le cadre d’une réunification familiale.

La reconnaissance du statut de réfugié tend à offrir à des personnes privées de la protection de leur État national une protection de substitution, temporaire, assurée par un État d’accueil. En France, la protection juridique et administrative des réfugiés est assurée par l’Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Cette protection consiste, notamment, à délivrer des actes d’état civil aux personnes s’étant vues reconnaître le statut.

C’est ainsi qu’aux termes de l’article L. 721-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), « l’Office est habilité à délivrer, après enquête s’il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil  ».

De plus, l’Office « authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l’absence d’actes et de documents délivrés dans le pays d’origine ».

Le Conseil d’État a été récemment appelé à confirmer la valeur des actes établis par l’Office. En l’espèce, un bénéficiaire du statut de réfugié, d’origine guinéenne, avait souhaité faire venir son épouse et son fils restés au pays dans le cadre de la procédure de réunification familiale prévue à l’article L. 752-1 du CESEDA.

Cette procédure a été simplifiée et consiste désormais à demander directement un visa long séjour auprès du Consulat compétent. Or ici, les demandes de visas présentées au bénéfice de la famille de l’intéressé avaient été rejetées par le Consulat de France à Conakry, décision confirmée par la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France. Cette dernière avait procédé à la vérification de la réalité des liens maritaux et filiaux en se fondant seulement sur les actes d’état civil guinéens qu’elle a estimé irréguliers.

Cependant, dans cette affaire, l’Office avait établi deux actes : un livret de famille, mentionnant le mariage sans comporter de mention de l’enfant, et un extrait de certificat de mariage. La Commission avait décidé de ne pas prendre en compte ces actes dans son analyse, ce que les juges du Palais Royal ont ici sanctionné.

Il a ainsi été rappelé que les actes établis par l’OFPRA, sur le fondement des dispositions de l’article L. 721-3 du CESEDA, « en cas d’absence d’acte d’état civil ou de doute sur leur authenticité, et produits à l’appui d’une demande de visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, présentée pour les membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire dans le cadre d’une réunification familiale, ont, dans les conditions qu’elles prévoient, valeur d’actes authentiques qui fait obstacle à ce que les autorités consulaires en contestent les mentions, sauf en cas de fraude à laquelle il appartient à l’autorité administrative de faire échec ».

Partant, non seulement les autorités consulaires sont tenues par le contenu des actes établis par l’Office mais aussi, il leur incombe d’en tenir nécessairement compte lorsqu’elles instruisent une demande de visa dans ce cadre. En conséquence, le Conseil d’État enjoint à la Commission de recours de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai d’un mois.

Pour aller plus loin

CE, ord., 20 sept. 2019, n° 418842 (source : legifrance.gouv.fr)

Sébastien MARMIN Avocat au Barreau de Paris