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Mise en place du CSE : pas de report de la date butoir ! Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : mardi 19 novembre 2019
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Le 7 novembre 2019, à l’occasion d’un congrès voyant la CFTC célébrer son centenaire et élire son nouveau président, la ministre du Travail, Muriel PENICAUD, avait exclu tout report de la date butoir fixée au 31 décembre 2019 pour l’élection du comité social et économique (CSE).

1/ Quelles sont les entreprises devant élire un CSE ?

Au 31 décembre 2019, le CSE devait nécessairement se substituer aux anciennes instances représentatives du personnel (comité d’entreprise, délégués du personnel, délégation unique du personnel, instance unique et CHSCT).

Cette obligation résulte des dispositions de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 (ci-après « l’Ordonnance »), complétées par celles du décret d’application n°2017-1819 du 29 décembre 2017.

L’institution d’un CSE est obligatoire dans les entreprises dont l’effectif atteint au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs (C. trav. art. L. 2311-2).

Dans les entreprises déjà pourvues d’instances représentatives du personnel, le CSE a dû être institué au terme du mandat des élus, et au plus tard, le 31 décembre 2019, fin de la période transitoire prévue par les textes (art. 9, II, ord. n°2017-1386 du 22-09-2017).

Il en résulte qu’au 1er janvier 2020, tous les mandats des anciennes instances représentatives du personnel ont pris fin, le CSE devant être présent au sein des entreprises répondant à la condition d’effectif.

2/ Quelle période transitoire a-t-elle été laissée aux entreprises ?

L’article 9 de l’Ordonnance a instauré une période intermédiaire, afin d’assurer progressivement le passage des anciennes instances de représentation du personnel vers le CSE.

Cette période été ouverte depuis le 23 septembre 2019, date de la publication de l’Ordonnance et jusqu’au 31 décembre 2019.

Diverses mesures avaient été envisagées afin de faciliter la mise en place du CSE. Ainsi, l’Ordonnance avait conféré, aux partenaires sociaux de l’entreprise, la possibilité d’anticiper cette nouvelle élection ou, au contraire, de la reporter.

En pratique, un dispositif avait été adopté, consistant dans la réduction ou la prorogation des mandats des membres des anciennes IRP en cours (toujours jusqu’au 31 décembre 2019, au plus tard).

3/ Pourquoi certaines entreprises restent-elles réticentes ?

L’instauration du CSE a constitué une opération très technique, particulièrement pour une TPE ou une PME. En effet, l’employeur devait procéder à de nombreuses formalités préalables, telles que l’information du personnel sur l’organisation des élections (C. trav. art. L. 2314-4), l’invitation des organisations syndicales à négocier un protocole préélectoral et à établir leurs listes de candidats aux fonctions de membre de la délégation du personnel au CSE (C. trav. art. L2314-5).

D’autres exigences s’imposaient à l’employeur, comme la détermination des collèges électoraux (C. trav. art. L. 2314-11), le décompte des salariés électeurs et éligibles (exercice se révélant très délicat lorsque l’entreprise compte des salariés à temps partiel et des salariés mis à disposition…), etc.

Les règles relatives à la présentation des candidatures, à l’organisation des deux tours de scrutin et à la publicité des résultats électoraux ne sont pas moins simples…

Enfin, les PME et TPE redoutent parfois ce qu’elles considèrent comme l’immixtion de salariés décisionnaires (et protégés…) au sein de l’entreprise, pouvant constituer un obstacle au développement de leur activité.

4/ Pourquoi le Gouvernement n’a t-il pas accepté de reporter la date limite de mise en place du CSE ?

Le 24 octobre 2019, face au constat que beaucoup d’entreprises d’au moins 11 salariés n’avaient pas encore enclenché le processus d’élection de leur CSE, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et FO avaient sollicité, auprès de la ministre du Travail, que les acteurs puissent bénéficier d’un délai de faveur au-delà du 1er janvier 2020.

« De nombreuses entreprises ne se seront pas acquittées de l’obligation légale de mettre en place cette nouvelle instance avant l’échéance », plaidaient ces organisations syndicales (sauf, notamment, la CFDT).

Le 7 novembre 2019, interrogée sur le sujet par M. Philippe Louis, alors président de la CFTC, Madame Muriel Penicaud avait affirmé : « la loi a prévu deux ans et demi de transition, ce n’est pas une petite transition. »

Par la voix de cette dernière, le Gouvernement ajoutait que de nombreuses entreprises avaient programmé d’introduire des CSE « au dernier trimestre », soulignant en ces termes : « Il y a énormément de CSE qui sont en train d’être mis en place ces semaines-ci. Il y en a quand même déjà 45 000. »

5/ Mettre en place un CSE : quelle importance ?

Le fait de ne pas élire un CSE peut être puni du « délit d’entrave » prévu et réprimé par l’article L. 2317-1 du Code du travail : emprisonnement d’un an et amende de 7 500 €. NB. Précisons tout de même que le texte vise « une entrave  » à la constitution – notamment – d’un CSE. Le droit pénal est d’interprétation stricte et la responsabilité de l’employeur n’est pas automatiquement engagée.

D’autres conséquences, d’ordre civil, sont à craindre par l’employeur. A titre d’illustrations, une organisation syndicale (Cass. soc. 7-05-2002 n° 00-60.282) ou un salarié (Cass. soc. 15-05-2019 n° 17-22.224) peuvent solliciter des juridictions des dommages-intérêts à l’encontre de l’employeur s’étant opposé à l’élection du CSE.

Le bien-fondé de l’action des salariés est d’autant plus facilement reconnu que la Cour de cassation considère que la faute de l’employeur (c’est-à-dire, l’absence de mise en place du CSE) leur cause nécessairement un préjudice résultant de la privation de toute représentation et de défense de leurs droits (Cass. soc. 15-05-2019 n° 17-22.224).

Enfin, l’employeur doit, dans certaines hypothèses, informer et consulter préalablement le CSE, avant la prise effective d’une décision.

Tel est le cas, par exemple, avant la présentation d’une offre de reclassement à l’égard d’un salarié déclaré inapte en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

A défaut de consultation du CSE (et en l’absence de procès-verbal de carence valable), l’employeur s’expose à verser au salarié une indemnité minimale de 6 mois de salaire (C. trav. art. L. 1226-15 et art. L. 1235-3-1).

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b