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Réforme de la copropriété : les petites copropriétés et syndicats de deux copropriétaires. Par Olga Tokareva, Avocat.
Parution : mardi 19 novembre 2019
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Il y a à peine un mois le Conseil des ministres adoptait, en application de la loi ELAN du 23 novembre 2018, une ordonnance portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis.
La volonté affichée du Gouvernement est « d’offrir un dispositif simplifié et mieux adapté aux spécificités de certains immeubles, tout en facilitant le processus décisionnel au sein des copropriétés. L’objectif est que la gestion des copropriétés soit facilitée, adaptée à leur taille, que les prises de décision interviennent plus rapidement et que les copropriétaires s’investissent. »
Publié le 31 octobre 2019 , le texte de l’ordonnance doit encore faire l’objet d’une loi de ratification dans un délai de trois mois. Une adaptation du décret du 17 mars 1967 et d’autres textes relatifs à la copropriété devront également intervenir dans ce délai.

Les principales mesures adoptées devront s’appliquer à l’ensemble des copropriétés au 1er juin 2020, sous réserve d’éventuelles modifications dans le cadre de la loi de ratification.

Ces mesures portent sur des divers aspects du régime de la copropriété et notamment :
- Renforcement du conseil syndical ;
- Abaissement de certaines majorités, système de « passerelles » pour faciliter le vote de certaines résolutions ;
- Réglementation des prestations hors contrat du syndic ;
- Précisions sur le champ d’application du régime de la copropriété, le contenu du règlement de copropriété, la responsabilité du syndicat etc.

Parmi les mesures remarquées, il convient de s’arrêter sur la création d’un régime de gestion allégée pour certaines catégories de copropriétés. Il s’agit de « petites copropriétés » et des syndicats composés de deux copropriétaires.

Ainsi l’ordonnance créé aux articles 41-8 à 41-23 de la loi du 11 juillet 1965 les règles dérogatoires au tronc commun du régime de la copropriété, inspirés notamment des mécanismes applicables en matière de l’indivision (articles 815 et suivants du code civil).

Les petites copropriétés.

L’ordonnance définit les petites copropriétés comme celles :
- dont le syndicat des copropriétaires comporte au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces ;

ou

- lorsque le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de trois exercices consécutif est inférieur à 15.000 €.

Cette catégorie de copropriétés n’a pas à sa charge l’obligation de constituer un conseil syndical ou de tenir une comptabilité en partie double ; les engagements pouvant être constatés en fin d’exercice.

Dans l’hypothèse où le syndicat adopte une forme coopérative et n’a pas constitué de conseil syndical un régime dérogatoire est prévu.

L’assemblée générale désigne un syndic parmi ses membres à la majorité des voix. Elle peut également désigner un suppléant. Tous deux sont révocables dans les mêmes conditions.

Celle-ci désigne également une ou des personnes physiques ou morales, copropriétaires ou extérieures qualifiées, pour assurer le contrôle des comptes du syndicat.

Chacun des copropriétaires peut, si le syndic est défaillant ou empêché et met en péril la conservation de l’immeuble, la santé ou la sécurité des occupants, convoquer l’assemblée générale extraordinaire pour désignation du nouveau syndic ou qu’elle prenne des décisions nécessaires pour la conservation de l’immeuble.

Dans ces « petites copropriétés », la prise de décisions est possible à l’unanimité des voix à l’occasion d’une consultation écrite, sans qu’il y ait besoin de convoquer une assemblée générale. Cette prise de décision par consultation écrite est exclue en matière du vote du budget prévisionnel et celle de l’approbation des comptes.

Les copropriétaires peuvent également être consultés au cours d’une réunion.

Cette consultation écrite est organisée par le syndic, à son initiative ou la demande d’un des copropriétaires.

Lorsqu’un copropriétaire a été consulté par écrit, la décision est formalisée au terme d’un délai fixé par le syndic pour répondre à la consultation.

Les syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires.

Les syndicats composés de deux copropriétaires également bénéficient d’un régime dérogatoire, plus étoffé, tendant à faciliter la gestion et la prise de décision au sein de celle-ci.

Le syndic non professionnel.

Lorsque le syndic est non professionnel (l’un des deux copropriétaires) il se voit accorder la possibilité de solliciter l’autorisation du second copropriétaire afin de déléguer à un tiers sa mission et ce à une fin déterminée.

S’il y a conflits d’intérêts du syndicat non professionnel, l’autre copropriétaire peut exercer une action à son encontre en paiement des provisions et charges des articles 14-1 et 14-2 (dépenses courantes, travaux) de la loi du 11 juillet 1965.

Cette action est également ouverture à chacun des copropriétaires en cas de carence ou absence de syndic.

Les majorités et la prise de décisions.

Les décisions relevant de la majorité des voix exprimés des copropriétaires présents, représentés ou votant par correspondance et celles pour la désignation du syndic, peuvent être prises par le copropriétaire détenant plus de la moitié des voix.

Celles relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires – par celui détenant au moins deux tiers des voix.

Chaque copropriétaire peut prendre des mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble, même si elles ne sont pas urgentes.

Toutes mesures conservatoires de l’article 41-16, ci-avant, peuvent être prises sans réunion d’assemblée générale, sauf lorsqu’il s’agit de l’approbation des comptes et vote du budget prévisionnel. Dans ce cas, le copropriétaire décisionnaire doit pourvoir à l’exécution de celles-ci et doit les notifier à l’autre copropriétaire, à peine d’inopposabilité à ce dernier.

Les deux copropriétaires composant le syndicat n’ont pas à convoquer préalablement une réunion, ils peuvent se réunir et prendre toutes les décisions dans les conditions de article 41-15 et celles relevant de l’unanimité.

Chaque copropriétaire peut convoquer l’autre à une assemblée générale en lui notifiant les points à l’ordre du jour. De même, sous réserve d’informer au préalable l’autre copropriétaire, chaque copropriétaire peut ajouter des points à l’ordre du jour.

La contestation des décisions.

Chaque copropriétaire peut, à peine de déchéance, contester la décision prise par l’autre copropriétaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

Sauf cas d’urgence, l’exécution d’une décision prise par un copropriétaire sans l’accord de l’autre est suspendue pendant ce délai.

La contribution aux charges et les dépenses pour le compte de la copropriété.

Chaque copropriétaire est tenu de contribuer aux dépenses au titre des décisions et mesures, résultant de l’article 41-17, proportionnellement aux quotes-parts de parties communes afférentes à ses lots.

Lorsque l’un des copropriétaires a fait l’avance des sommes au titre des charges, il peut obliger l’autre copropriétaire à supporter avec lui les dépenses nécessaires.

Le copropriétaire non syndic qui perçoit des revenus ou engage des frais au titre de l’administration et de la gestion de la copropriété tient un état des dépenses et créances laissé à la disposition de l’autre copropriétaire.

Les autorisations judiciaires.

Un copropriétaire peut être autorisé judiciairement à passer seul un acte pour lequel le consentement de l’autre copropriétaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci même en péril l’intérêt commun. L’acte passé conformément à l’autorisation judiciaire est opposable au copropriétaire dont le consentement a fait défaut.

Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun. Il peut, notamment autoriser un copropriétaire à percevoir des débiteurs du syndicat ou de l’autre copropriétaire une provision destinée à faire face aux besoins urgents en prescrivant au besoin des condition de l’emploi.

Enfin, l’aliénation d’une partie commune peut être autorisée judiciairement à la demande d’un copropriétaire disposant d’au moins deux tiers des tantièmes, suivant les conditions et modalités définies à l’article 815-5-1 du code civil (indivision).

Il appartiendra désormais aux acteurs et professionnels de la copropriété de s’approprier en pratique, dans quelques mois, ces régimes particuliers et revenir sur leur mise en œuvre avec le recul d’une application dans le temps.

Olga Tokareva, avocat au Barreau de Paris
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