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CSE : astuces pour bien négocier son budget "activités sociales et culturelles". Par Sébastien Lagoutte.
Parution : jeudi 19 décembre 2019
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La contribution versée chaque année par l’employeur au titre des activités
sociales et culturelles des CSE est fixée par accord d’entreprise. A défaut
d’accord, le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne peut
être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente. C’est l’article
L.2312-81 du Code du Travail qui pose ce principe.
Comment négocier efficacement avec l’employeur pour obtenir une augmentation de cette ressource si chère aux salariés ?… Astuce légale fournie dans cet article.

Un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat du 2 Octobre 2013 affirme que le budget moyen dédié aux ASC pour les CE/CSE serait évalué à 0,8% de la masse salariale brute de l’entreprise.
Les oeuvres sociales sont une véritable plus-value dans la négociation d’un salaire et au niveau de la marque employeur. Beaucoup peuvent jouer sur ça : titres restaurant, chèques vacances et chèques cadeaux.
C’est plus ou moins de l’argent qui est donné, c’est exonéré de cotisations sociales et sauf pour les chèques cadeaux c’est aussi exonéré d’impôts sur le revenu c’est parfois plus avantageux qu’un salaire.
Comment négocier efficacement avec l’employeur pour obtenir une augmentation de cette ressource si chère aux salariés ?

L’astuce est toute simple ! Il suffit effectivement d’inviter l’employeur à négocier sur les différentes thématiques concernant le fonctionnement, les attributions ou les outils du CSE où il aurait tout intérêt à transiger, pour obtenir de sa part, en contrepartie, l’augmentation du budget des ASC.

Plusieurs exemples :

Exemple n°1 : négocier sur les consultations récurrentes.

Depuis le 1er janvier 2016, les consultations récurrentes du comité d’entreprise ont été regroupées en trois grands blocs de consultation (Loi Rebsamen n° 2015-994 du 17 août 2015). Ce principe demeure pour le CSE avec les ordonnances Macron, mais une certaine souplesse y est apportée, puisque des accords collectifs peuvent en adapter la périodicité, le contenu et les modalités.

L’article L 2312-17 du code du travail pose le principe selon lequel les CSE des entreprises d’au moins 50 salariés doivent être consultés, Chaque année, sur :
- les orientations stratégiques de l’entreprise ;
- la situation économique et financière de l’entreprise ;
- la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

La consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise porte sur ces orientations telles que définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages ; la consultation porte en outre sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur les orientations de la formation professionnelle (C. trav., art. L. 2312-24) ;

La consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise se fait à partir d’informations mises à disposition par l’employeur sur l’activité et sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que sur ses perspectives pour l’année à venir.

Selon le type d’entreprise, il peut s’agir des documents obligatoirement transmis à l’assemblée générale des actionnaires ou à l’assemblée des associés, du rapport des commissaires aux comptes, de documents comptables... (C. trav., art. L. 2312-25) ;

La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi porte sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

Un processus très lourd donc pour l’entreprise souvent réfractaire à l’idée de tout dire et tout donner aux représentants du personnel…

C’est pourquoi les ordonnances Macron, désormais parties intégrantes du Code du Travail, prévoient la possibilité de fixer par accord collectif le contenu et les modalités des consultations récurrentes du CSE.

Ainsi, ne relèvent de l’ordre public que la périodicité maximale des consultations, qui ne peut excéder 3 ans ainsi que, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’obligation d’informer trimestriellement le CSE sur certains sujets.

Tout le reste est ouvert au champ de la négociation d’entreprise : ainsi, dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, un accord majoritaire sans référendum peut définir (C.trav. art. L.2312-19) : le contenu et les modalités des 3 consultations récurrentes ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations, la périodicité de ces consultations, la périodicité prévue ne pouvant être supérieure à 3 ans, les niveaux auxquels ces consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.

L’accord peut également prévoir la possibilité pour le CSE d’émettre un avis unique portant sur tout ou partie des thèmes prévus pour les 3 consultations (C. trav. art. L 2312- 19).

Dans les entreprises sans délégué syndical, l’accord est conclu entre l’employeur et la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité (C. trav. art. L 2312-19).

L’employeur a donc ici tout intérêt, compte tenu de l’importance que revêtent ces informations transmises aux représentants du personnel, et la récurrence de ces consultations, de négocier un accord afin d’en limiter le contenu, les modalités ou la périodicité…

Surtout qu’à défaut d’accord, et en cas de non-respect des dispositions légales, l’employeur se rendrait coupable d’un délit d’entrave !

L’occasion est donc belle de céder un peu de terrain pour les DS ou les membres du CSE pour obtenir en contrepartie une augmentation du budget dédié aux ASC.

Exemple n°2 : négocier sur les consultations ponctuelles.

Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

À ce titre, il est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur (C. trav., art. L. 2312-8) :
- les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
- la modification de son organisation économique ou juridique ;
- les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;
- l’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
- les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail.

Outre ces thèmes, le CSE est consulté si les cas suivants se présentent (C. trav., art. L. 2312-37) :
- mise en oeuvre de moyens de contrôle de l’activité des salariés ;
- restructuration et compression des effectifs ;
- licenciement collectif pour motif économique ;
- offre publique d’acquisition ;
- procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

Encore une fois, une obligation très lourde pour l’employeur…

Un accord collectif pouvant définir le contenu des consultations et informations ponctuelles du CSE, ainsi que leurs modalités, notamment le nombre de réunions (C. trav., art. L. 2312-55), l’employeur a tout intérêt à négocier sur cette thématique, l’occasion une nouvelle fois d’obtenir en contrepartie une augmentation du budget dédié aux ASC.

Exemple n°3 : négocier la base de données économiques et sociales (BDES).

Le Code du travail a précisé dans son article L. 2312-36 que la base de données devait être accessible en permanence aux membres du CSE et du CSE central ainsi qu’aux délégués syndicaux, tous ces représentants du personnel étant soumis à une obligation de discrétion à l’égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur.

Cette obligation de discrétion se comprend puisque les informations à intégrer dans la base de données portent sur les thèmes suivants :
- Investissements : investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle et conditions de travail), investissement matériel et immatériel et les informations en matière environnementale ;
- Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration ;
- Fonds propres et endettement ;
- Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants ;
- Activités sociales et culturelles ;
- Rémunération des financeurs ;
- Flux financiers à destination de l’entreprise, notamment aides publiques et crédits d’impôts ;
- Sous-traitance ;
- Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

Ces informations portent sur les deux années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes.

Le constat a été réalisé que bien souvent la BDES n’existait pas dans les entreprises, ou était laconique et/ou non mise à jour de façon régulière. Il a également été constaté que l’accès à la BDES était très limité !

L’employeur, dans une telle situation, se rend une nouvelle fois coupable d’un délit d’entrave !

Or, un accord peut définir (C. trav., art. L. 2312-21) :
- l’organisation, l’architecture et le contenu de la base de données économiques et sociales ; les modalités de fonctionnement de la base, notamment les droits
d’accès et le niveau de mise en place de la base dans les entreprises comportant des établissements distincts, son support, ses modalités de consultation et d’utilisation.

L’accord peut donc décider librement du contenu de la base.

L’employeur va donc vouloir en négocier le contenu, c’est incontestable ! A vous de vous saisir de cette occasion pour obtenir en contrepartie l’augmentation de votre budget ASC !

Exemple n°4 : négocier les expertises du CSE.

Le CSE peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider de recourir (C. trav. art. L 2315-78) :
- à un expert dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav. art. L 2315-87) ;
- à un expert-comptable ;
- à un expert habilité dans des conditions prévues par décret lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (C. trav. art. L.2315-96, 1°) ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav. art. L.2315-96, 2°) ;
- dans les entreprises d’au moins 300 salariés, à un expert technique à l’occasion de sa consultation sur l’introduction de nouvelles technologies et sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav. art. L 2315-94) ou en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle (C. trav. art. L 2315-95).

Il est prévu dans le Code du travail que les frais d’expertise sont pris en charge (C. trav. art. L 2315-80) intégralement par l’employeur pour les consultations sur la situation économique et financière de l’entreprise, sur sa politique sociale et les conditions de travail et l’emploi, sur les projets de licenciement collectif pour motif économique d’au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours, et en cas de risque grave constaté dans l’établissement.

Or, le Code du travail prévoir encore une fois qu’un accord d’entreprise, ou à défaut un accord conclu entre l’employeur et la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel au CSE, peut déterminer le nombre d’expertises sur une ou plusieurs années (C. trav. art. L 2315-79).

Encore une fois, et surtout si les membres du CSE use de leur droit à recourir à un expert, l’employeur voudra (devra !) conclure un accord pour en limiter le nombre.

Si une analyse de la jurisprudence rendue en matière d’expertises CSE permet de s’apercevoir que les réductions d’honoraires prononcées par les juges sont loin d’être anecdotiques, puisque, à titre d’illustration, des magistrats ont pu réduire les honoraires d’un expert de 114.550 à 40 000 euros ou encore de 145.000 à 61.200 euros (Cass. Soc., 19 mai 2010, n°08-19.316 - CA Paris, 30 mai 2008, n°07/59055), force est de constater dans le même temps le coût important qu’il peut représenter pour une entreprise.

Un nouvel argument de taille pour vous pour négocier une augmentation de votre budget ASC !
D’autres exemples existent…

Sébastien LAGOUTTE Président Cabinet CONSILIUM [->contact@cabinet-consilium.com]