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Période probatoire et réintégration du salarié. Par David Amanou, Avocat.
Parution : lundi 23 décembre 2019
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En droit du travail, la période probatoire est souvent confondue avec la période d’essai, de laquelle elle diverge pourtant nettement tant dans son contexte que dans ses conséquences.
Éclairages synthétiques sur cette notion pas forcément bien maîtrisée par le justiciable.

Qu’est-ce que la période probatoire ?

Lorsqu’un salarié est déjà en fonction dans une entreprise mais qu’il change de poste, il n’est pas possible de prévoir une période d’essai.

En effet, la période d’essai ne concerne que les salariés qui débutent leur activité dans l’entreprise.

En revanche, l’employeur peut mettre en place une période dite « probatoire », à condition que la convention collective de l’emploi considéré le permette.

Depuis plusieurs arrêts en date du 30 mars 2005, la Cour de Cassation a ainsi entériné la validité de la période probatoire et l’a définie comme un laps de temps permettant d’éprouver les capacités et compétences professionnelles d’un salarié faisant déjà partie d’un effectif mais muté sur de nouvelles attributions (Cour de cassation, chambre sociale, 30 mars 2005, n° 02-46103, n° 02-46338 et n° 03-41797).

Elle diverge donc nettement de la période d’essai, bien que les deux aient pour similitude de n’être que facultatives.

Il n’y a ainsi aucune obligation légale de prévoir une période probatoire en cas de changement de fonctions.

A l’instar également de la période d’essai, la période probatoire doit être expresse et résulter d’un accord de volonté univoque des parties.

Plus concrètement, cela signifie qu’elle doit, soit faire l’objet d’un nouveau contrat, soit, plus fréquemment, être évoquée dans un avenant au contrat de travail principal (Cour de cassation, chambre sociale, 16 mai 2012, n° 10-10623).

Les dispositions contractuelles peuvent prévoir sa durée, son renouvellement éventuel ou bien encore les conditions de sa rupture.

Comment peut-elle être rompue ?

La rupture anticipée de la période d’essai nécessite généralement un délai de prévenance et induit un licenciement du salarié.

Il n’en est rien pour la période probatoire.

En effet, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, celle-ci peut être interrompue par l’employeur ou le salarié à tout moment, par tout moyen (oralement, par courrier etc.) sans motivation et sans respecter un quelconque délai de prévenance.

De surcroît, dans le cadre de la période probatoire, si le salarié ne donne pas satisfaction, il ne peut en aucun cas être licencié au seul motif que ses nouvelles attributions n’ont pas été concluantes (par exemples, Cour de cassation, chambre sociale, 16 mai 2012, n° 10-10623 ; Cour d’appel de Riom, 4e ch. civ., 3 janv. 2012, n° 11/00623).

Le salarié sera seulement réintégré dans ses anciennes fonctions.

Une nuance à apporter toutefois concernant le salarié protégé puisque l’employeur doit, préalablement à la rupture, s’assurer de son accord avant de le rétablir dans ses anciennes fonctions.

Faute d’accord du salarié, l’employeur peut alors soit le maintenir sur son nouveau poste soit, en cas de désaccord persistant, saisir l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation administrative de licenciement qui, en pratique, est rarement accordée.

Bien entendu, si la période probatoire n’est pas interrompue dans les délais, les nouvelles fonctions sont automatiquement attribuées au salarié (là encore, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires).

Et en cas de désaccord… ?

Dans la très grande majorité des cas, la rupture de la période probatoire ne pose aucune difficulté.

Il suffit de se reporter aux dispositions conventionnelles ou, le cas échéant, contractuelles.

A défaut de précisions sur les conditions de rupture dans la convention collective ou le contrat, c’est la liberté qui prévaut.

Ainsi, la cessation de la période probatoire peut être faite par le salarié ou l’employeur, oralement ou par courrier simple, la veille même du terme sans que cela ne soit récriminable.

Toutefois, exceptionnellement, des divergences peuvent éclore quant à la date de la rupture.

En effet, imaginons un cas de figure – transposable à l’envi – où l’employeur n’a rompu la période probatoire qu’oralement et où le salarié, satisfait de sa nouvelle affectation, conteste la rupture une fois le délai d’interruption passé.

Dans cette hypothèse, l’employeur sera bien en peine de prouver qu’il a effectivement mis un terme à la période probatoire, laquelle, en cas de saisine du Conseil des prud’hommes. sera alors vraisemblablement validée.

Pour aplanir toute difficulté, mieux vaut donc interrompre la période probatoire par un écrit daté et contresigné des deux parties.

Dans l’idéal, il est même préférable de communiquer par voie de lettre recommandée avec accusé de réception, le cachet de la Poste faisant alors office de preuve irréfutable.

Maître David AMANOU Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine ldda-avocats.fr