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Mauvaise nouvelle pour les contribuables soumis à l’IFI détenant leur résidence principale en SCI. Par Nicolas Marguerat, Avocat.
Parution : lundi 27 janvier 2020
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Le Conseil constitutionnel juge constitutionnelle la non-application de l’abattement de 30 % aux résidences principales détenues par une SCI. [1]

L’article 885 S du Code Général des Impôts (CGI), dans sa rédaction résultant de la loi du 21 août 2007, prévoyait un abattement de 30% applicable à la résidence principale d’un contribuable afin de déterminer la valorisation de ladite résidence dans le calcul de l’assiette de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF).

Le second alinéa de cet article 885 S du CGI stipulait : « Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. »

L’Administration, se fondant sur cet article, avait posé le principe que cet abattement n’était applicable qu’en cas de détention directe de la résidence par son propriétaire et qu’il ne s’appliquait donc pas en cas de détention indirecte notamment par le biais d’une Société Civile Immobilière (SCI).

Des contribuables ont soulevé l’inconstitutionnalité de cet article 885 S du CGI en lui reprochant de limiter le bénéfice de l’abattement sur la valeur vénale réelle de l’immeuble occupé à titre de résidence principale aux propriétaires d’un tel bien et d’en exclure ainsi les personnes qui détiennent leur résidence principale par l’intermédiaire d’une SCI au motif qu’il résulterait de cette limitation prévue par cet article une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Cet argument a été jugé sérieux par la Cour de cassation qui l’a transmis au Conseil constitutionnel par une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC 2019-820) le 17 octobre 2019.

Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 17 janvier 2020, écarté l’argumentation soulevée par les contribuables requérants en jugeant l’article 885 S conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a, d’une part, jugé que l’immeuble qui compose le patrimoine d’une SCI lui appartient en propre et que les associés d’une telle société, même lorsqu’ils détiennent l’intégralité des parts sociales, ne disposent pas des droits attachés à la qualité de propriétaire des biens immobiliers appartenant à celle-ci.

Il a, d’autre part, relevé que la valeur des parts détenues au sein d’une SCI ne se confondait pas nécessairement avec celle des immeubles lui appartenant et qu’elle pouvait donc faire l’objet de règles d’évaluation spécifiques.

Le Conseil constitutionnel a donc décidé qu’« en réservant le bénéfice de l’abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble aux redevables de l’ISF qui occupent à titre de résidence principale un bien dont ils sont propriétaires, le législateur a institué une différence de traitement, fondée sur une différence de situation, en rapport direct avec l’objet de la loi » et qu’ainsi les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques n’étaient pas méconnus par ledit article.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a mis un terme définitif à l’espoir de nombre de contribuables qui espéraient voir, par l’application de cet abattement de 30% aux résidences principales détenues par l’intermédiaire d’une SCI, une réduction de leur montant d’ISF et, depuis 2018, de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).

En effet, la problématique au regard de l’IFI est exactement la même que celle de l’ISF puisque le deuxième alinéa de l’article 973 du CGI qui pose les règles d’évaluation en matière d’IFI reprend exactement le même libellé que celui de l’article 885 S du CGI qui vient d’être validé par le Conseil constitutionnel pour l’ISF.

L’abattement de 30% applicable, pour la détermination de l’assiette de l’IFI, à la résidence principale détenue directement par son propriétaire ne pourra donc pas s’appliquer aux résidences principales détenues par des contribuables indirectement par le biais de SCI.

Nicolas MARGUERAT Avocat à la Cour Chargé d'enseignements [->nmarguerat.avocat@orange.fr]

[1QPC 2019-820 du 17 janvier 2020.