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Demande de pièces complémentaires et naissance d’une autorisation d’urbanisme tacite. Par Apolline Larcher, Avocat.
Parution : jeudi 27 février 2020
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Dans une décision récente, le Conseil d’Etat a tiré les conséquences de la production d’une pièce indûment demandée par l’autorité administrative dans le cadre de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme (CE 13 novembre 2019, Auguet, n° 419067).
Cette jurisprudence est l’occasion de faire un point sur les demandes de pièces complémentaires et leur incidence sur la naissance d’une autorisation d’urbanisme tacite.

Sauf exceptions, en l’absence de notification au demandeur d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente, le plus souvent le maire au nom de la commune, vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable ou permis (de construire, d’aménager ou de démolir) tacite [1].

Le délai d’instruction varie selon le type d’autorisation ou la nature du projet.

En vertu de l’article R423-23 du Code de l’urbanisme, le délai de droit commun est de :
- un mois pour les déclarations préalables ;
- 2 mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ou ses annexes ;
- 3 mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.

Selon les termes de l’article R. 423-19 du Code de l’urbanisme, « le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet ».

Seul un dossier complet fait donc courir, automatiquement, le délai d’instruction.

Lorsque l’autorité administrative constate que le dossier est incomplet, elle adresse, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, au demandeur (ou à l’auteur de la déclaration), un courrier mentionnant la liste exhaustive des pièces manquantes, l’invitant à transmettre celles-ci dans un délai de 3 mois et lui précisant que “à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration [2].

Outre la communication de la liste exhaustive des pièces manquantes, cet envoi doit comporter, à l’intention du demandeur (ou du déclarant) trois informations :
- Il doit lui préciser d’abord que les pièces manquantes sont à adresser à la mairie dans un délai de 3 mois à compter de sa réception ;
- Il doit indiquer ensuite qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis de construire ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration ;
- Il doit enfin porter à sa connaissance que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes à la mairie [3].

1. Le délai pour opposer le caractère incomplet du dossier.

L’autorité administrative dispose donc d’un délai d’un mois à compter du dépôt du dossier.
En effet, l’article R423-22 du Code de l’urbanisme dispose : « le dossier est réputé complet si l’autorité compétente n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. »

En revanche, en vertu de l’article R423-41 du Code : « une demande de production de pièces manquantes notifiée après la fin du délai d’un mois prévu à l’article R423-38 n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction ».

En d’autres termes, si les pièces manquantes n’ont pas été réclamées dans ce délai, le dossier sera réputé complet à compter de son dépôt et le point de départ du délai de son instruction ne pourra pas être remis en cause.

Cela étant, l’autorité administrative peut toujours solliciter la production de pièces manquantes au-delà de cette échéance. Toutefois, cette demande tardive n’aura pas pour conséquence de proroger le délai d’instruction.

2. Les modalités de demande des pièces manquantes.

L’article R423-38 du Code de l’urbanisme précise que la demande de pièces manquantes doit être faite au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou d’un échange électronique si le demandeur (ou le déclarant) a mentionné dans sa demande qu’il acceptait ce mode de transmission des notifications.

Dans cette hypothèse, il sera réputé avoir reçu ces notifications à la date à laquelle il les consulte à l’aide de la procédure électronique. Un accusé de réception électronique est adressé à l’autorité compétente au moment de la consultation du document. À défaut de consultation à l’issue d’un délai de 8 jours après l’envoi de ces notifications, le demandeur est réputé les avoir reçues [4].

3. L’appréciation du caractère complet du dossier.

L’autorité administrative ne peut légalement considérer un dossier comme incomplet si celui-ci comporte l’ensemble des pièces énumérées de façon exhaustive sur le bordereau joint à la demande (ou à la déclaration).

En effet, l’article R423-38 du Code de l’urbanisme ne prévoit la possibilité pour elle d’inviter le demandeur ou l’auteur de la déclaration à produire des pièces manquantes que « lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre ».

Aucune pièce non prévue par le code de l’urbanisme ne peut donc être demandée par les services instructeurs.

Le caractère limitatif des pièces exigibles a de nouveau été rappelé par la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui modifie l’article L423-1 en ce sens.

Le Conseil d’Etat a précisé les conséquences de la production ou de l’absence de production d’une pièce indûment demandée.

D’abord, lorsqu’une pièce manquante est indûment demandée et non produite, le pétitionnaire peut demander l’annulation du refus implicite.
Cependant, cela ne le rend pas pour autant titulaire d’une autorisation tacite [5].

Enfin, lorsque la pièce indûment demandée est produite, cette demande n’entache pas d’illégalité le refus d’autorisation, à condition toutefois que ce refus ne soit pas fondé sur la consistance du projet telle que révélée par la pièce illégalement demandée [6].

Maître Apolline Larcher, avocat au barreau de Grenoble www.avocat-larcher.fr

[1Article R424-1 du Code de l’urbanisme.

[2Article R. 423-39 du Code de l’urbanisme.

[3Article R. 423-39 du Code de l’urbanisme.

[4Article R423-48 du Code de l’urbanisme.

[5CE 9 décembre 2015, Cne d’Asnière-sur-Nouère, n° 390273.

[6CE 13 novembre 2019, Auguet, n° 419067.

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