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L’intérêt des fonds d’investissement à l’ère du Brexit. Par Mariia Domina Repiquet, Docteure en Droit.
Parution : mercredi 4 mars 2020
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Cet article s’interroge sur l’impact du Brexit concernant la gestion collective des actifs.

Nul doute que les fonds d’investissement alternatifs représentent une source importante de financement de l’économie européenne.

Le Brexit aura pour un effet l’expansion des activités des gestionnaires européennes (non britanniques) et l’accroissement de financement durable.

Nul doute que le Brexit dispose d’un effet très important sur l’économie européenne. A titre d’exemple, nous pouvons citer ses répercussions sur le budget de l’Union européenne, ainsi que sur la fiscalité. Cet article se concentre sur l’impact du Brexit dans le domaine de la gestion d’actifs.

Plus précisément, il analyse l’intérêt que les fonds d’investissement présentent pour l’économie européenne à l’heure du Brexit.

Nous allons d’abord évaluer l’importance générale des fonds d’investissement pour l’économie (I). Ensuite, nous allons examiner l’impact de la directive Alternative Investment Fund Managers Directive 2011 (« la directive AIFM ») et les autres instruments du droit européen de la gestion des actifs sur l’économie européenne (II).

Partie I. L’importance des fonds d’investissement pour l’économie européenne.

A. Les définitions préliminaires.

Nous pouvons définir un fonds d’investissement comme un véhicule juridique dans lequel les investisseurs placent leur argent. Il est géré par un gestionnaire dans le but de générer des rendements. Il s’agit ainsi de la gestion collective, c’est-à-dire qu’un gestionnaire gère un ensemble des capitaux alloués par plusieurs investisseurs à un fonds.

Il existe deux types des investisseurs dans la gestion des actifs : les investisseurs de détail et les investisseurs professionnels. La différence majeure entre eux se trouve dans leur niveau de connaissance et d’expérience sur les marches financières, leur profil de prise de risque et le montant de leur investissement.

Ainsi, les fonds d’investissement se composent des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (« OPCVM ») et des fonds d’investissement alternatifs (« FIA »). Tandis que les premiers sont destinés principalement aux clients de détail, les seconds sont conclus pour les investisseurs professionnels.

Les FIA français sont ouverts aux clients qui investissent au moins 100.000 euros.

Les FIA luxembourgeois sont réservés aux investisseurs avec un capital du moins 125.000 euros. Il s’agit ainsi d’une clientèle privilégiée qui recherche des produits d’investissements sophistiqués.

Les exemples les plus connus de FIA sont les fonds spéculatifs (hedge funds) et les fonds d’investissement en capital (private equity funds). Ces fonds poursuivent des stratégies avec un risque accru et un rendement élevé afin de générer des profits. Ces profits ne sont pas corrélés à la performance globale du marché.

La directive AIFM harmonise le fonctionnement des FIA à travers de l’Union.

Cet instrument du droit européen réglemente seulement les gestionnaires et non pas les fonds.

Par conséquent, les Etats membres disposent d’une large marge de manœuvre concernant la réglementation de ces fonds. Nous pouvons ainsi discerner l’approche générale de pays européens.

Les fonds n’ont pas de restriction sur les actifs dans lesquels ils peuvent investir. Ils sont également libres de fixer eux-mêmes les ratios de risque et le niveau d’effet de levier. Cela permet aux gestionnaires de proposer des produits très performants aux clients.

B. L’intérêt des FIA pour l’économie.

Un FIA typique est composé des investisseurs qui apportent leur capital au fonds, d’un gestionnaire qui gère ces capitaux et d’un dépositaire qui assure la garde de ces actifs. La structuration d’un fonds d’investissement se base sur la logique suivante.

Les investisseurs doivent bénéficier du même régime d’imposition que s’ils ont investi directement dans les actifs sous-jacents. L’exemple le plus connu de la forme juridique qui offre cet avantage est le limited partnership anglo-saxon.

C’est une structure fiscalement transparente. Il n’y a pas d’imposition au niveau du fonds en ce qui concerne les rendements réalisés, qui sont directement distribués aux investisseurs. Au Luxembourg, on retrouve ses homologues, notamment la société en commandite et la société en commandite spéciale.

Ces structures luxembourgeoises ont la même approche au niveau d’imposition.

En France, on peut citer la société de libre partenariat, qui trouve son inspiration dans le modèle anglo-saxon précité. Cette forme juridique n’est pas une entité transparente, mais plutôt quasi transparente sur le plan fiscal. Son imposition est celle d’un fonds commun de placement.

Pour être transparent fiscalement, le fonds doit investir au moins 50% de son portefeuille dans les actifs spécifiques et les porteurs des parts doivent conserver leurs parts pendant une certaine durée.

Bien qu’il n’y ait pas généralement d’imposition de bénéfices et de gain de capital au niveau du fonds, il y a néanmoins des impôts locaux qui s’appliquent éventuellement. Au Luxembourg, par exemple, un impôt municipal s’applique à chaque FIA établi dans ce pays. Son taux est de 0,01% des actifs du fonds.

Les FIA en tant que tels ont rarement un impact important sur le financement d’économie européenne. Il en est ainsi, car ils sont souvent établis dans les paradis fiscaux, notamment les îles Caïmans. Pourtant, les conditions favorables offertes par le Luxembourg expliquent pourquoi ce pays représente une alternative attractive aux paradis fiscaux traditionnels.

Les gestionnaires paient les impôts sur leur activité dans le pays où ils ont leur siège social. Ainsi, le fait que les gestionnaires britanniques ouvrent leur filiale en l’UE aura un effet positif sur l’économie européenne. C’est donc cette activité de gestion d’un FIA qui représente le plus grand intérêt pour le financement de l’économie européenne.

Partie II. Le rôle des instruments du droit européen dans le financement de l’économie européenne.

A. La directive AIFM.

La directive AIFM est une première directive d’après-crise dans le domaine des marchés financiers. Elle prévoit un régime d’équivalence pour le pays tiers, contrairement aux directives MIF II et OPCVM. Ce régime d’équivalence signifie que si le gestionnaire de pays tiers ne peut pas respecter les provisions de la directive, il doit montrer que le droit qui s’applique à lui est comparable à la directive AIFM. Cela concerne surtout les règles visant la protection des investisseurs.

En raison du statut du Royaume-Uni en tant que pays tiers après le Brexit, la possibilité de commercialiser les fonds britanniques d’investissement dans l’Union sera fortement limitée. Les gestionnaires britanniques n’auront plus l’accès au passeport européen qui leur a permis auparavant de commercialiser les fonds dans l’Union sans moindre démarche supplémentaire.

La directive AIFM dispose quatre solutions qui autorisent un gestionnaire de pays tiers à accéder aux investisseurs de l’Union. Il s’agit, notamment, d’un passeport pour le pays tiers qui est basé sur le régime d’équivalence, du régime du placement privé, de la sollicitation passive et d’implantation d’une filiale dans l’un des Etats membres.

La solution la plus attrayante pour les gestionnaires britanniques est d’établir leur filiale dans l’un des Etats membres afin de continuer à accéder aux investisseurs établis dans l’Union. Cette activité va générer le flux des capitaux dans cet Etat membre et une filiale sera imposable sur son activité dans ce pays. Il en est ainsi, car une filiale est considérée en tant qu’entité distincte de gestionnaire britannique.

La sous-section suivante présentera les solutions dont les FIA proposent en ce qui concerne le financement d’économie locale dans les domaines très spécifiques. Dans ce cas, on peut parler de l’impact direct d’un FIA, et pas de son gestionnaire, sur le financement de l’économie.

B. Les règlements EuSEF et EuVECA.

Les deux types de FIA - European Social Entrepreneurship Fund (EuSEF) et European Venture Capital Fund (EuVECA) - sont particulièrement importants pour l’économie locale. Ils sont régis par leurs règlements (UE) respectifs.

EuSEF est un FIA qui investit dans les entreprises sociales qui ont leur siège social dans l’Union. Ce sont des entreprises qui ont pour un objectif un impact social positif, et non pas seulement une recherche des bénéfices. Ils investissent dans les logements pour des personnes en précarité, la création des hôpitaux et des centres éducatifs.

EuVECA investit dans des entreprises au début de leur développement. Ces sociétés sont implantées dans l’Union.

Ces deux fonds représentent l’un des piliers de l’Union des marchés des capitaux, qui a pour un objectif un financement au profit de la croissance de l’UE. De telles structures d’investissement ont un impact positif direct sur l’économie européenne.

Conclusion.

Les FIA et leurs gestionnaires constituent une source de financement important de l’économie européenne à l’ère du Brexit. Le fait que les gestionnaires britanniques ne bénéficieront plus d’un passeport européen représente un avantage non négligeable pour les Etats membres.

Ces derniers peuvent saisir cette occasion afin de devenir un centre européen des gestions des actifs. Un tel scénario ne sera que bénéfique pour l’économie européenne.

Mariia Domina Repiquet, Attachée temporaire d'enseignement et de recherche en droit privé, IAE Nancy, Université de Lorraine Docteure en droit des affaires, Université de Strasbourg Master (LLM) Droit des affaires, Université de Manchester Master (MSc) Finance internationale, École de commerce de l’Université de Westminster, Londres