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Caution bancaire et délai de prescription. Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : lundi 16 mars 2020
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La caution d’un prêt immobilier peut-elle se prévaloir opposer de la prescription biennale : Pas encore mais demain peut-être ?

Dans un arrêt en date du 11 décembre 2019 [1], la Cour de cassation est venue encadrer l’action offerte à la caution appelée en paiement de la dette principale garantie.

En effet, conformément à l’Article 2313 du Code civil :
« La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ;
Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur
 ».

A titre d’exemple, la caution peut opposer au créancier la prescription de la dette principale. La question soumise à la Cour dans cet arrêt était de savoir si la caution appelée en garantie pouvait se prévaloir de la prescription biennale de l’Article L218-2 du Code de la consommation, prescription offerte au débiteur principal en sa qualité de consommateur auquel la banque, considéré comme un professionnel, a fourni un service.

La caution considérait en effet que la prescription biennale était inhérente à la dette garantie.

La Cour de cassation a rejeté cet argument.

En effet, cette prescription constitue une exception purement personnelle au débiteur en raison de sa qualité mais aussi en fonction de la nature du prêt souscrit (à savoir un prêt immobilier non destiné à des fins professionnelles).

Dès lors, la caution ne peut être entendue comme un consommateur puisqu’elle ne bénéficie pas du service fourni au débiteur, à savoir l’octroi d’un prêt, mais vient seulement en garantir le paiement.

Cette solution peut sembler critiquable dans la mesure où la Cour de cassation et la Cour d’appel viennent faire application des dispositions du Code de la consommation au débiteur principal qui bénéficie d’un service, mais se contentent d’appliquer les dispositions de droit commun à la caution.

Or, l’article liminaire du Code de la consommation définit le consommateur comme :
« Toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Dès lors, en se portant caution de la dette du débiteur principal, la caution n’agit pas à des fins professionnelles.

Si on reprend l’article liminaire du Code de la consommation, dans son interprétation la plus textuelle, la caution apparaît alors comme un consommateur.

Au travers de cette application d’un régime juridique plus strict à l’égard des personnes ayant souscrits un cautionnement qu’à l’égard du débiteur principal, les juridictions permettent aux banques de pouvoir aller rechercher les garants dans un délai plus long que le délai prévu par le Code de la consommation.

La question se pose alors de savoir si la banque, au moment de la signature de l’acte cautionnement, a bien averti la caution sur le délai de prescription de cinq ans auquel cette dernière était soumise.

En effet, il apparaît difficilement concevable, pour un garant, de s’engager volontairement sur une durée plus longue que celle du débiteur principal.

Autrement dit, pourquoi la caution prendrait-elle le risque d’être actionnée alors que le débiteur principal, lui, est délivré de son obligation ?

Néanmoins, reste à savoir si ce principe va être maintenu.

En effet, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Loi Pacte » autorise le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés d’ici 2021.

Le projet de réforme va notamment s’inspirer des travaux de l’association Henri-Capitant qui propose d’insérer un Article 2299 dans le Code civil prévoyant : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur ».

Dès lors, la caution appelée en paiement de la dette principale pourrait opposer au créancier la prescription biennale de l’Article L218-2 du Code de la consommation.

L’objectif affiché par la réforme du droit des sûretés est de simplifier ce droit et de renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants.

Nonobstant l’éventuelle reprise des propositions de l’association Henri-Capitant par le projet de réforme, on s’interroge sur la véritable possibilité de trouver un équilibre entre les intérêts des créanciers, des débiteurs et des garants, notamment lorsque l’on s’aperçoit du régime juridique plus strict qui est, depuis longtemps, imposé aux cautions.

La réforme future le permettra peut-être…

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com

[1Cass. 1e civ. 11-12-2019 n°18-16.147 F-PBI.