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Report de la COP 26 : quelles conséquences ? Par Cécile Radosevic Batardy, Juriste.
Parution : samedi 11 avril 2020
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La nouvelle est tombée le 1er avril dernier : la COP 26 qui devait se dérouler du 9 au 19 novembre 2020 à Glasgow (Ecosse), a été reportée à l’année 2021, sans date précise .
Ce report est dû à la crise sanitaire mondiale liée au Covid-19, que nous traversons actuellement.

Qu’est ce qu’une COP ?

La Conférence des Parties (COP) est l’organe suprême de la CCNUCC [1] . Ainsi, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, il est prévu que les parties se réunissent annuellement, afin de faire le point sur « (…) l’application de la Convention et de tous autres instruments juridiques connexes qu’elle pourrait adopter [2] (…). »

Les enjeux de la COP26.

Cinq années après la tenue de la COP21 qui a donné naissance à l’Accord de Paris, la COP26 devait être la première étape clef permettant de vérifier sa mise en œuvre et son efficacité.

Rappelons que l’Accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre 2016, a été présenté comme un instrument juridique des plus ambitieux afin de lutter contre les changements climatiques. Son objectif principal est de maintenir la hausse des températures en dessous de la barre des 2°C, par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C.

Pour ce faire, il était prévu cette année que les Etats parties présentent leur seconde feuille de route concernant leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), tel que l’article 4§9 de l’Accord de Paris le prévoit : « Chaque Partie communique une contribution déterminée au niveau national tous les cinq ans conformément à la décision 1 / CP.21 (…). ».

Pour mémoire, les premières CDN ont été prises dès 2015, et selon l’esprit et la lettre de l’Accord de Paris, chaque révision doit entraîner des engagements plus ambitieux de la part des Etats parties.

Avant l’annonce du report, seuls trois Etats avaient pris de nouveaux engagements au titre de l’article 4§9 de l’Accord de Paris, que l’on peut consulter sur le site « United Nations Climate Change » : la Moldavie, la Norvège et le Japon.
Concernant le Japon [3] , ce dernier a publié très récemment (le 31 mars 2020) son document mettant à jour ses engagements. Celui-ci, relativement court, n’apporte quasiment aucun changement par rapport à 2016, date de leurs premières CDN.
Gageons que le report de la COP26 permettra au Japon de modifier sa copie et prendre des engagements plus stricts.

Toutefois, ce report, que l’on comprend aisément au regard du contexte mondial actuel, ne doit pas signifier un recul de la prise en compte de la lutte contre le changement climatique, qui reste une menace pour l’humanité, sur le long cours.

Report de la COP26 et après ? Ne pas oublier l’urgence des enjeux climatiques.

ONG et experts s’accordent pour alerter sur le risque que les enjeux climatiques soient mis de côté et rappellent que la vigilance sera de mise lorsque les Etats mettront en œuvre leur plan de relance à la fin de la crise.
En effet, selon Aleksandar Rankovic, expert au sein de l’Iddri [4] , il y a un vrai risque que cette crise sanitaire, qui a mis les économies du monde entier à l’arrêt, avec une menace très concrète de chômage massif, entraine « un changement dans l’ordre des priorités ».

Ce point de vue est également partagé par Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la CCNUCC, qui rappelle que « si le Covid-19 est la menace la plus urgente à laquelle l’humanité est confrontée aujourd’hui, nous ne pouvons pas oublier que les changements climatiques sont la plus grande menace à laquelle l’humanité est confrontée à long terme. ».
Selon cette dernière, le redémarrage des économies mondiales « sera une opportunité pour les pays de mieux se redresser, d’inclure les plus vulnérables dans ces plans et de façonner l’économie du 21eme siècle de manière propre, verte, saine, juste, sure et plus résiliente. »

Ainsi, les plans de relance des Etats seront examinés très attentivement, comme une sorte de test, afin qu’ils n’oublient pas et rehaussent même leurs ambitions climatiques.
C’est d’ailleurs ce point que le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, n’a pas manqué de rappeler en déclarant que « nous devons poursuivre nos efforts pour accroître l’ambition et l’action contre le changement climatique. ». C’est en effet crucial, car « la science du climat n’a pas changé, les émissions de gaz à effet de serre sont aujourd’hui à un niveau record et les impacts se multiplient et aggraveront les défis socio-économiques que cette crise va intensifier. » a-t-il ajouté.

D’un autre coté, ce report peut également être opportun au regard de certains enjeux comme les élections américaines (maintenues à l’heure actuelle), qui pourraient rebattre les cartes, si jamais Donald Trump n’était pas réélu Président des Etats-Unis.

Enfin, ce report permettra « que toutes les parties soient pleinement dédiées aux questions à débattre lors de cette conférence vitale et de disposer de plus de temps pour les préparatifs nécessaires [5]. ». Inéluctablement, les enjeux climatiques restent le plus gros défi sur le long terme que nous ayons à affronter, il conviendra donc d’être pleinement focalisé sur cette question.

Cécile Radosevic Batardy, Juriste.

[1Article 7 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)

[2Article 7§2 CCNUCC

[3Qui représente environ 3,7% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale (par comparaison, la France se situe à 1,34%)

[4Institut de Développement Durable et des Relations Internationales

[5Bureau de la CCNUCC