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Des congés et RTT imposés aux agents publics pendant l’état d’urgence. Par Angélique Eyrignoux, Avocat.
Parution : samedi 25 avril 2020
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Le 15 avril 2020, l’ordonnance n°2020-430 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire a été adoptée.

Elle intervient 21 jours après celle concernant le secteur privé alors que la continuité du service public durant la période est essentielle et constitue un enjeu sur le plan économique et social.

1. Quel est l’objet de l’ordonnance ?

L’ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020 permet pendant la période d’état d’urgence d’imposer aux agents publics de prendre des congés ou des jours de RTT.

2. Qui concerne l’ordonnance ?

L’ordonnance ne concerne pas tous les agents publics, elle est applicable :
- Aux fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique d’État, aux ouvriers de l’État ainsi qu’aux magistrats de l’ordre judiciair ;
- Aux fonctionnaires et agents contractuels de la fonction publique territoriale si l’autorité territoriale le décide.

Les agents de la fonction publique hospitalière en sont exclus ainsi que les militaires.

De plus, parmi les agents entrant dans le champ d’application de l’ordonnance, le texte restreint sa mise en œuvre aux agents ayant bénéficié et bénéficiant d’autorisations spéciales d’absences (ASA) ainsi qu’aux agents en télétravail.

3. Comment s’applique l’ordonnance ?

Deux périodes se distinguent, la période n°1 avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, du 16 mars 2020 au 16 avril 2020 et la période n°2, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, du 17 avril 2020 jusqu’à la date de la fin d’état d’urgence ou bien, si elle est antérieure, la date de reprise normale de l’agent.

L’ordonnance impose aux administrations et aux agents des dispositions avec un effet rétroactif.

3.1 Concernant les agents en ASA, 10 jours peuvent être imposés (article 1er de l’ordonnance).

Un agent en ASA, est en principe un agent dont aucune des missions n’est télétravaillable et qui ne participe pas au plan de continuité de l’activité, il reste à son domicile en autorisation spéciale d’absence exceptionnelle due à l’état d’urgence, avec le maintien de sa rémunération.

Pour la période n°1 (16/03/2020 au 16/04/2020), l’ordonnance contraint les administrations concernées à prélever jusqu’à 5 jours de RTT en fonction du nombre de jours d’ASA consommés et du nombre de RTT détenus. Si l’agent dispose de moins de 5 jours de RTT, les jours existants sont retirés. L’ordonnance impose un retrait rétroactif de jours de RTT dans la limite de 5.

Pour la période n°2 (17/04/2020 à la fin de l’état d’urgence), l’ordonnance laisse une marge de manœuvre aux administrations. C’est le chef de service qui peut imposer des jours de RTT ou des jours de congés aux agents en ASA.

Dès lors, si l’agent ne disposait pas de 5 jours de RTT pour la période n°1 (4 jours ou moins), le chef de service peut imposer jusqu’à 6 jours de congés pour la période n°2. En revanche, si l’agent disposait de 5 jours de RTT pour la période n°1 (automatiquement retirés), le chef de service peut imposer jusqu’à 5 jours de congés ou bien de RTT pour la période n°2.

Le chef de service impose les jours en fonction des nécessités de service avec un délai de prévenance d’un jour franc.

3.2 Concernant les agents en télétravail, 5 jours peuvent être imposés par le chef de service à compter du 17 avril 2020 (article 2 de l’ordonnance).

Pour les agents en télétravail, l’ordonnance ne prévoit pas de rétroactivité. Aucun jour de RTT n’est automatiquement retiré par l’ordonnance avant le 16 avril 2020 puisque les agents ont continué à assurer leur mission (à distance), c’est pourquoi seule la période postérieure au 16 avril 2020 est concernée.

Ainsi, le chef de service peut imposer jusqu’à 5 jours de RTT ou bien de congés aux agents pendant la période courant du 17 avril 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence, ou bien si elle est antérieure, jusqu’à la date de reprise normale des fonctions.

Le chef de service fixe les dates de congés ou de RTT imposés avec un délai de prévenance d’un jour franc.

Pour les agents en maladie pendant la période, c’est aussi au chef de service que revient de décider du retrait des jours et de leur nombre.

Si l’agent en ASA ou en télétravail précède les décisions de son chef de service et décide de poser volontairement des congés, ces derniers viennent en déduction du contingent à la disposition du chef de service.

4. Ce qu’il faut retenir.

Pour les agents de l’Etat, l’ordonnance s’applique.

Pour les agents territoriaux, la faculté d’appliquer ces dispositions relève de la libre administration des collectivités qui peuvent ou non décider de leur mise en oeuvre.

Pour les agents en ASA (uniquement) l’ordonnance impose rétroactivement le retrait de jours de RTT jusqu’à 5, pour la période antérieure au 17 avril 2020.

Pour la période postérieure au 17 avril 2020, les agents en ASA et les agents en télétravail sont concernés. Pour cette période, c’est au chef de service d’imposer ou non des jours de congés ou de RTT jusqu’à 6 pour les agents en ASA avec un maximum de 10 au total et jusqu’à 5 pour les agents en télétravail.

L’ordonnance donne aux administrations concernées la faculté d’imposer la prise de congés ou de jours de RTT dans la limite d’un quota de 10, 6 ou 5 jours en fonction des cas. La gestion du personnel étant la plupart du temps une gestion au cas par cas, la mise en œuvre de cette mesure pourrait poser des questions d’égalité de traitement entre les agents source de contentieux et de responsabilité.

Si l’ordonnance laisse une certaine marge de manœuvre au chef de service, dans la mesure du possible il convient de mettre en œuvre cette ordonnance non au cas par cas mais dans un cadre organisé et applicable à l’ensemble des agents concernés. Il est essentiel de sécuriser cette mise en œuvre en amont avec des lignes directrices claires à fixer dans chaque service et collectivité territoriale.

Angélique Eyrignoux Avocat Fonction publique
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